Ce sera la première apparition publique d’Ekrem Imamoglu depuis son placement en détention pour «corruption», le 23 mars, à la prison de Silivri. Ce vendredi 11 avril, le maire d’Istanbul est attendu à 10h à la barre, mais dans le cadre de trois autres affaires, dont l’une liée à des accusations de menaces proférées contre le procureur général d’Istanbul Akin Gürlek. Selon le journal progouvernemental Sabah, Imamoglu est accusé d’avoir tenu des propos menaçant à l’égard de ce dernier, lors d’un panel remontant au mois de janvier. Les deux autres affaires concernent des offres publiques d’achat et des donations présumées illégales lors de la campagne pour le dernier scrutin municipal.
Le parti d’opposition CHP dénonce une opération délibérée de sabotage de l’édile d’Istanbul, principal rival politique d’Erdogan, pour lui barrer la route lors du prochain scrutin présidentiel de 2028. « Erdogan a perpétré un coup d’État contre le prochain président de la Turquie, notre candidat à la présidentielle», a réitéré mercredi soir Özgür Özel, le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), dont est membre Ekrem Imamoglu, lors d’un rassemblement organisé par l’opposition dans le quartier Sisli. L’arrestation, il y a trois semaines, du maire d’Istanbul, a déclenché une vague de protestation – manifestations, rassemblements, sit-in et boycotts de cafés et marques progouvernementaux – inédite depuis les manifestations de Gezi en 2013.
Preuve de la nervosité du pouvoir, l’audience de ce vendredi ne se tiendra pas, comme à l’accoutumée, au Palais de justice de Caglayan, mais dans l’enceinte du tribunal de la prison de Silivri. Situé à plus de soixante kilomètres d’Istanbul, ce complexe pénitentiaire aux allures de citadelle assiégée n’est accessible que par les avocats des détenus et leurs parents proches – à raison d’une visite par semaine.
Harcèlement policier
Remontée contre les autorités d’Ankara, l’opposition dénonce également le harcèlement policier qui s’abat sur la famille d’Imamoglu. «Les perquisitions effectuées en brisant les portes des maisons appartenant au père et à la famille d’Ekrem Imamoglu sont absolument illégitimes et erronées», s’est insurgé ce mercredi le député CHP Gökan Zeybek, en référence à de nouvelles perquisitions visant cette fois-ci l’entourage proche d’Imamoglu. Rencontré devant la prison de Silivri, où il venait de rendre visite au maire d’Istanbul, Gökan Zeybek en a profité pour s’étonner de la lenteur de la justice à démarrer le procès pour «corruption», accusation démentie par le maire et pour laquelle il est actuellement embastillé. «Notre plus grand souhait est que l’acte d’accusation soit préparé le plus rapidement possible pour que le procès commence», a-t-il précisé devant un parterre de journalistes.
À la veille de cette audience très attendue, deux tribunaux d’Istanbul ont ordonné la libération de 107 étudiants – sur environ 300 – arrêtés pour avoir participé aux récentes manifestations. L’assignation à résidence d’au moins 25 étudiants supplémentaires a en outre été levée. Deux journalistes d’investigation ont, eux, été arrêtés. Murat Agirel et Timur Soykan avaient révélé dans une émission sur YouTube ce qui constituait selon eux des irrégularités dans les enquêtes visant Ekrem Imamoglu et plusieurs autres maires CHP.