« Portrait du poète en salaud » de Nicolas Élias
Éditeur : Les Argonautes Éditeur
Un jeune écrivain se met à écrire sur Nâzım Hikmet, le plus célèbre des poètes turcs, chantre de l’amour et du communisme, afin d’en détruire le mythe.
Il va à la rencontre de l’homme déjà malade à Moscou, le questionne sur son enfance dorée dans une Istanbul défaite et percluse de nationalisme, et le suit jusqu’à sa mort dans l’exil soviétique, où il chanta les louanges de l’ogre Staline.
À travers deux révolutions, de nombreux amours, des poèmes et des trahisons, Nicolas Elias plonge le lecteur dans la vie trépidante et parfois tragique de cet immense poète, en explorant la gloire et les abîmes de ce temps lointain, où les dictateurs se souciaient encore de la poésie.
Dans un premier roman dense et maîtrisé, Nicolas Élias nous offre un jeu de regards fascinant sur les errances intellectuelles de tout un siècle européen.
Éditeur : Les Argonautes Éditeur
Parution 7 février 2025
Pages 208
ISBN 9782494289703
20.90 €
communisme, Empire Ottoman, révolution turque
Nicolas Élias, né en 1986 à Amiens, est anthropologue. Il enseigne à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) à Paris, où il occupe également le poste de directeur adjoint du département Eurasie et celui de codirecteur scientifique des Presses de l’Inalco. Portrait du poète en salaud est son premier roman.
Extrait
Moscou, soir du 6 janvier 1963. Il neige dans la pénombre. L’hôtel n’a rien pour lui, si ce n’est le chauffage et l’eau chaude. Dehors, les chiens et la moitié de la ville grelottent de froid. J’ouvre mon bagage, me réchauffe les doigts, pousse le bureau vers la fenêtre, y dépose la machine à écrire. Une Remington de seconde main dont le « e » et le « m » menacent de rendre l’âme. J’écris :
Vie de Nâzım Hikmet Ran.
C’est un bon titre, un titre solide, clair. Un titre digne d’être publié. Un autre me taraude depuis des mois mais, pour tout dire, je n’ose pas. Ce sera une vie du poète, de Salonique où il est né à Moscou où il réside, d’Istanbul à Paris en passant par Batoum, Tachkent, Varsovie… L’on y croisera Mustafa Kemal, fondateur de la République de Turquie, le corps de Vladimir Lénine, l’ombre portée de Joseph Staline, les applaudissements de Picasso et d’Aragon, les livres de Marx, ceux du très mystique Djalal al-din Rumi et les romans de Jules Verne, deux révolutions, les geôles turques, la police secrète soviétique, le cinéma stambouliote… Rien que du bien roboratif, une aventure internationaliste propre à susciter la curiosité du plus réfractaire des lecteurs. Ici, maintenant, me vient pourtant un doute : une vie de poète, de gratte-papier, qui cela peut-il intéresser ? S’il a beaucoup vu, lui n’a pas fait plus qu’écrire. Mais il n’est plus temps de douter. Des poètes, de leur vie, on ne pipe d’ailleurs jamais mot – si ce n’est en sortant les violons ou la fanfare, en étouffant toute chance d’entendre leur voix. Quant à moi, je ne prétends pas à une Å“uvre magistrale, non, plutôt à un opuscule que je compte expédier dans l’année et qui me…
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