Mais, contrairement à ce que laissent penser ces images, la méfiance entre les deux pays est de mise. Pour preuve, souligne Vzgliad, journal en ligne proche du Kremlin, les récentes déclarations sur la guerre en Ukraine du ministre des Affaires étrangères turques, Hakan Fidan.
“Relations spéciales”
Au cours d’un déplacement à Londres, celui-ci avait réaffirmé le mantra de la diplomatie turque, à savoir qu’Ankara “entretient des relations spéciales” avec les deux protagonistes du conflit en Ukraine. Et que la Turquie est l’une des seules à pouvoir “écouter” ces deux parties. Mais le chef de la diplomatie d’Ankara a aussi martelé qu’une “solution juste à la guerre doit être trouvée dans le cadre de l’intégrité territoriale de l’Ukraine”, selon des propos rapportés par le quotidien turc Hürriyet.
Une phrase qui ne passe pas à Moscou, c’est le moins que l’on puisse dire. Grigori Karassine, le président de la commission des affaires internationales du Sénat, a aussitôt rappelé que les conditions pour un cessez-le-feu en Ukraine avaient été “clairement énoncées” par Vladimir Poutine lui-même. À savoir le retrait – ou l’abandon, aux yeux de Kiev – des troupes ukrainiennes des territoires conquis par la Russie en Ukraine depuis l’invasion du pays en février 2022, détaille le journal en ligne Lenta.ru.
“Insensé”
Vzgliad rappelle à son tour les propos du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui avait sans détour accusé récemment Ankara de fournir des armes au “régime de Kiev”. Des armes qui “servent à tuer des militaires russes”, a-t-il insisté. “En même temps, des dirigeants turcs se disent prêts à fournir des services de médiation. C’est insensé”, a-t-il poursuivi.
D’autres responsables russes sont allés beaucoup plus loin dans leur dénonciation de ce “double jeu” d’Ankara. “Nos ancêtres ne s’étaient pas trompés en disant que si vous remportez une bataille militaire contre les Turcs, ils vous baiseront la main jusqu’à l’épaule, avant de vous l’arracher. Ces mots sont l’essence même de nos relations avec la Turquie”, a expliqué très sérieusement un député nationaliste, Viktor Vodolatski.
Interrogé par Vzgliad, le politologue Vadim Troukhatchev ne s’est pas dit étonné du tour que prenaient les choses avec Ankara. “Nos deux pays s’opposent presque partout : en Asie centrale, en Transcaucasie, dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord”, explique-t-il. Et aussi avec la Crimée que la Turquie préférerait voir revenir dans le giron ukrainien pour mieux imposer ses intérêts, poursuit-il.
Le politologue conclut : “Au fond, nous ne sommes unis que par notre refus périodique d’écouter les diktats de l’Occident. Mais, en tout état de cause, les membres de l’Otan, y compris la Turquie, ne peuvent pas servir d’intermédiaires entre la Russie et l’Ukraine. Si quelqu’un ne l’avait pas compris, les déclarations de Hakan Fidan remettent les choses à leur place.”