Guerre à Gaza. En Turquie, l’opposition dénonce l’“hypocrisie” du pouvoir au sujet d’Israël

Courrier International, le 11/12/2023

Plusieurs centaines de navires turcs approvisionnent régulièrement les ports israéliens. Ils appartiennent, pour certains, à des dirigeants turcs ou à leurs proches, qui dénoncent l’offensive israélienne à Gaza et appellent au boycott.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a de nouveau fermement condamné, le 10 décembre, l’offensive israélienne à Gaza, rapporte le quotidien Hürriyet. De la tribune de l’ONU, il a dénoncé un “des massacres qui font honte à l’humanité entière” avant de critiquer la politique américaine et son recours au veto en faveur d’Israël au sein du Conseil de sécurité – qu’il a accusé d’être le “conseil de défense d’Israël”.

Depuis le début de la guerre, il y a deux mois, le président islamo-nationaliste qualifie régulièrement les combattants du Hamas de “moudjahidin” (“combattants de la foi”). Au début de décembre, il a également mis en garde Tel-Aviv contre le possible ciblage de responsables du Hamas sur le sol turc, rapporte le média en ligne T24. “S’ils tentent de commettre une erreur pareille, ils le paieront très cher”, a-t-il martelé.

“Je m’en fous”

Ces déclarations musclées passent mal au sein de l’opposition, qui dénonce une forme de surenchère et d’hypocrisie, puisque Ankara continue de commercer avec Tel-Aviv, rapporte le média en ligne Arti Gerçek. Ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre d’Erdogan, désormais à la tête d’un petit parti d’opposition conservateur, Ahmet Davutoglu a ainsi pris la parole à ce sujet à l’Assemblée :

“Plus de 350 navires turcs ont ravitaillé des ports israéliens depuis le 7 octobre. Parmi les propriétaires de ces bateaux, on trouve de nombreux hommes d’affaires directement liés au pouvoir.”

Destinées à tous les secteurs de l’économie israélienne, ces cargaisons comprennent même parfois des armes, ajoute le quotidien Sözcü. Les campagnes appelant au boycott des marques israéliennes (ou celles qui sont suspectées, à tort ou à raison, d’être pro-israéliennes) battent leur plein – occasionnant même des empoignades entre des militants exaltés et les clients de certains cafés.

L’hebdomadaire satirique Leman dénonce là aussi des contradictions, auxquelles il consacrait sa une de la semaine. “Vous jetez du Coca-Cola dans les rues, vous attaquez les Starbucks, mais que dites-vous des navires qui ravitaillent Israël ?” y demande un passant à un militant visiblement violent qui lui rétorque : “Je m’en fous !”

La une du dernier numéro de l’hebdomadaire satirique turc “Leman”.

Commerce florissant

Sur le réseau social X, Metin Cihan, journaliste d’investigation turc vivant en exil a fait du pistage des navires turcs en partance pour Israël une spécialité. Il met en parallèle les déclarations incendiaires contre Israël faites par les riches propriétaires de ces navires et la réalité des échanges économiques entre les deux pays.

Saisi à la demande de l’ancien Premier ministre d’Erdogan, Binali Yildirim, que le journaliste avait mis en cause dans un tweet, un tribunal pénal a exigé la suppression du message litigieux, ce que l’intéressé a refusé de faire, rapporte le quotidien d’opposition Cumhuriyet.

En 2022, les échanges commerciaux entre la Turquie et Israël avaient progressé de 9 %, atteignant 6,7 milliards de dollars.

Courrier international

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