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Courrier International, le 21/07/2021
par
REST OF WORLD – NEW YORK
Mehmet Aydin (au centre), le fondateur de Farm Bank, escorté par la police à son arrivée à Istanbul (Turquie), le 7 juillet 2021. PHOTO / ARIF HUDAVERDI YAMAN / ANADULU AGENCY VIA AFP
Poursuivi par la justice turque, recherché par Interpol, le fondateur de l’application d’investissement agricole Farm Bank a été extradé vers Istanbul, le 7 juillet, depuis le Brésil où il s’était enfui. Âgé de 30 ans, est accusé d’avoir soutiré 80 millions de dollars grâce à un système de Ponzi.
Au terme d’une fuite qui l’a mené de sa Turquie natale jusqu’au Brésil, où il tentait d’échapper aux services d’Interpol (l’organisation internationale de police criminelle), l’escroc Mehmet Aydin, 30 ans et visage de poupon, s’est rendu au consulat turc de São Paulo, le 1er juillet dernier, avant d’être extradé vers Istanbul, raconte Rest of World. Le PDG de Farm Bank, une application d’investissement agricole, est célèbre à travers toute la Turquie pour avoir récolté 80 millions de dollars auprès des contributeurs de sa plateforme lancée en 2016.
Fondée sur le principe de la pyramide de Ponzi (popularisé par l’affaire Bernard Madoff), son escroquerie consistait à rémunérer une grande partie des investissements de ses clients par les fonds de nouveaux entrants. La brève mais grande popularité qu’il avait acquise grâce à son application semble avoir grisé l’insatiable jeune homme, avide de luxe. Dans un enregistrement audio, diffusé en mars 2018 depuis l’Uruguay où il s’était enfui, il avait affirmé être déterminé à travailler “jusqu’au bout afin de rendre aux gens leur dû”.
“Un jeune perdu”
Issu d’une famille d’agriculteurs de la région de Bursa (Turquie), Mehmet Aydin, né en 1991, a la réputation d’être “un jeune perdu”, rapporte Rest of World. Après avoir abandonné ses études, il travaille dans la restauration avant de se lancer dans une carrière ratée de rappeur. Avec un peu plus de 3 000 dollars d’investissement, il rencontre un succès inespéré en 2016 avec son application Farm Bank, qui attire 50 000 utilisateurs en huit mois d’exploitation.
Ambitieux et bon communicant, le jeune homme achète deux fermes dans sa province natale et annonce “une hausse de revenus mensuels de 800 %”. Parallèlement, il met en place un système de franchises à travers toute la Turquie. Des boutiques arborent le logo de Farm Bank, bien que les produits vendus ne soient pas liés à l’entreprise. Les joueurs reçoivent une partie de leurs gains en bons à dépenser dans ces commerces.
“Jouer à un jeu mobile amusant, gagner de l’argent et soutenir le secteur agricole du pays” : la formule attire de nombreux Turcs, note Rest of World. Le chef d’entreprise à “l’air comiquement innocent” dévoile pourtant progressivement un autre visage, au rythme des révélations sur son train de vie plus que dispendieux et sur l’existence d’une société écran, basée à Chypre pour contourner l’imposition turque.
“Je suis aussi devenu une victime”
En mars 2018, “le château de cartes de la Farm Bank s’effondre”, explique Rest of World. Les investisseurs apprennent que Mehmet Aydin a fui le pays avec 80,5 millions de dollars, puisés sur les fonds de la société. Les rapports de police indiquent que le jeune homme s’est réfugié en Uruguay, et le scandale fait la une des journaux. Les utilisateurs sont mis au pied du mur, incapables de récupérer leurs investissements, tellement désespérés que l’un d’eux, âgé de 25 ans seulement, se suicide.
“Je n’avais pas l’intention d’escroquer qui que ce soit quand j’ai commencé”, se défend aujourd’hui Mehmet Aydin :
J’ai fait des erreurs et j’ai rencontré et travaillé avec de mauvaises personnes. Pour cette raison, comme les utilisateurs de Farm Bank, je suis aussi devenu une victime.”
Pris à son propre jeu, placé dans une situation inextricable, le jeune homme a toujours assuré vouloir rembourser ses investisseurs, rappelle Rest of World, qui s’interroge : “Peut-être Aydin s’est-il convaincu que c’était vrai.” Deux ans après s’être enfui avec des dizaines de millions de dollars, il est rentré en Turquie “en grande partie fauché”, après la saisie d’une Ferrari et d’un yacht d’une valeur estimée entre 600 000 et 700 000 dollars.
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