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France Info / Radio France, le 19/01/2023
Article rédigé par
Marie-Pierre Verot – Leo Roussel
Venues d’autres océans ou continents, les espèces invasives ravagent la biodiversité locale en Turquie comme en Australie.
Les rascasses ont envahi les eaux méditerranéenes. (LINDA PITKIN / MAXPPP)
Que l’on se situe près de la Méditerranée ou de l’océan Pacifique, la prolifération d’espèces invasives est devenu en quelques années un problème majeur pour la biodiversité. Ces espèces animales ou végétales venues de l’étranger bouleversent l’équilibre établi jusque-là .
On en compte aujourd’hui plus de mille dans les eaux turques et le phénomène ne cesse de s’amplifier. Le changement climatique, l’acidification des eaux et la surpêche sont pointées du doigt, mais il faut y ajouter l’élargissement du Canal de Suez. Les travaux réalisés en 2015 ont doublé sa capacité, ouvrant large le passage aux espèces invasives.
« C’est comme les chutes du Niagara », déplore Bayram Özturk, responsable de la Fondation turque pour la recherche marine, « les eaux de l’Océan Indien de la mer Rouge se déversent en mer Méditerranée et les envahisseurs qui arrivent de ces eaux extérieures remplacent les espèces originelles ». Aujourd’hui en Méditerranée, « on se retrouve avec énormément d’espèces non désirées comme les poissons-globe, les rascasses, les méduses… Il y a aussi des espèces hybrides, des oursins très dangereux pour l’homme », en raison de leur venin.
Plus assez de prédateurs à cause de la surpêche
Il faut ajouter à cela les conséquences économiques et sociales sur la pêche ou le tourisme. Pour compenser les pertes, la Turquie accorde par exemple une aide aux pêcheurs. Ce n’est pourtant pas l’essentiel pour Bayram Özturk : « vous pouvez donner de l’argent, compenser tout ce que vous voulez. Mais ce n’est pas le problème, le problème principal est invisible et n’a pas de prix c’est la perte de biodiversité et c’est crucial pour les générations futures ». Pour contenir le phénomène, le plus important reste d’éduquer les populations, de multiplier les partages de connaissances entre les pays riverains sur ces espèces très nouvelles, de mettre en place des signaux d’alerte, et surtout de préserver la biodiversité très éprouvée, particulièrement en Méditerranée.
La surpêche a en effet eu des conséquences catastrophiques. « Nous n’avons plus de soldats pour combattre les nouveaux arrivants » poursuit Bayram Özturk, « nous avons tué tous les soldats comme les mérous, les espadons, le thon rouge, les maquereaux, qui sont des prédateurs Normalement ces poissons mangent les nouveaux venus qui maintenant n’ont plus de concurrents ». Il faudra du temps pour restaurer ces populations. En attendant certains font de de cette menace une opportunité. Les communautés locales se créent de nouveaux marchés, localement ou pour l’export, comme pour la dorade, l’oursin ou encore la rascasse.
Des règles très strictes à la frontière australienne
En Australie, les espèces envahissantes sont devenues la première menace pour la vie sauvage, devant la destruction des habitats naturels par les activités de l’homme. Dans un rapport paru en 2021, l’Organisation fédérale pour la recherche scientifique et industrielle l’équivalent australien du CNRS en France, indiquait que ces espèces envahissantes ont contribué à l’extinction de 79 plantes et animaux depuis l’arrivée des colons il y a 200 ans.
Lorsqu’ils ont débarqué sur la côte Est australienne, les Européens ont apporté des chats, des renards roux, des sangliers, des lapins, des cerfs, des chameaux, avant de perdre le contrôle sur ces populations qui prolifèrent à l’état sauvage aujourd’hui. Elles représentent aujourd’hui un danger direct pour la riche biodiversité native. L’Australie est le pays qui a le taux le plus important d’extinction de mammifères au monde. « On sait maintenant que ces espèces introduites causent de gros dégâts », analyse Andrew Cox, le directeur général du Conseil national sur les espèces exotiques envahissantes, pour qui « on doit empêcher les nouvelles espèces d’arriver en renforçant les mesures de biosécurité On doit empêcher les nouvelles espèces d’arriver en renforçant les mesures de biosécurité. »
« On doit s’assurer que les gens n’apportent pas délibérément de nouvelles plantes et des animaux de compagnie exotiques. »
Andrew Cox à franceinfo
« Il faut également être surs que lorsque des conteneurs arrivent, ils ne soient pas contaminés par des punaises diaboliques ou bien par des fourmis qui peuvent être sur l’extérieur du conteneur », estime le responsable.
Comme son voisin néo-zélandais, l’Australie ne plaisante pourtant pas sur le sujet à la frontière dans les aéroports, avec des règles parmi les plus strictes du monde en matière d’entrée des espèces envahissantes, animales comme végétales. Il est par exemple interdit d’entrer en Australie avec des fruits ou des légumes frais, pour éviter d’apporter tout nuisible ou toute maladie dans le pays.
En Nouvelle-Zélande, la biodiversité est elle aussi menacée par les espèces envahissantes exotiques et la lutte a pris un peu d’avance. En 2016, le gouvernement a lancé un programme visant à éradiquer les prédateurs introduits de tout son territoire d’ici 2050, et ainsi protéger ses animaux endémiques de l’extinction. En cas de succès, la Nouvelle-Zélande pourrait voir définitivement disparaître les rats, les hermines ou les opossums, et l’Australie pourrait songer à s’inspirer de son voisin.
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