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L’Obs avec AFP, le 14/04/2025
Par Dimitri Krier (envoyé spécial à Istanbul)
Reportage
Alors que des manifestations massives ont agité la Turquie en mars, « le Nouvel Obs » a rencontré à Istanbul deux cousins aux visions politiques radicalement opposées, à l’image d’un peuple plus polarisé que jamais.
Une porte métallique, un trottoir pavé et une ruelle étroite : voilà tout ce qui, dans leur enfance, séparait Emin et Emir. Les deux cousins Günes ont grandi en vis-à-vis, à Sultanbeyli, ce quartier conservateur de la rive asiatique d’Istanbul, acquis au président Recep Tayyip Erdogan. Même architecture d’immeuble, même famille, même classe sociale – moyenne –, même éducation traditionnelle… Pourtant, aujourd’hui, tout les oppose. L’étroite ruelle qu’ils partageaient est devenue un océan agité d’idées politiques irréconciliables.
Emin, 35 ans, travaille dans la finance, et est un fervent supporter du président Erdogan, au pouvoir depuis 2003. Emir, lui, a 23 ans, il étudie le droit, et exècre le leader turc. Le premier lit le Coran. Le second, « Nütuk », le texte fondateur de la Turquie moderne et laïque de Mustafa Kemal Atatürk. L’un fait ses cinq prières par jour. L’autre prie un vendredi sur deux. L’un ne parle que le turc, l’autre comprend l’anglais. Et depuis l’arrestation du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, et principal rival d’Erdogan, le 19 mars dernier, le premier observe avec suspicion les manifestants descendus en masse dans les rues du pays, tandis que le second participe à la contestation. Alors que la tension n’est pas retombée dans le pays, trois procès impliquant Imamoglu se sont tenus à Istanbul, vendredi 11 avril.
C’est loin de l’agitation du cœur d’Istanbul que nous rencontrons les deux cousins. Dans un parc de Sultanbeyli, sous un kiosque muré par des bais vitrées et meublé de chaises blanches aux pieds courbés, en ce dernier jour de ramadan. Un jeûne qu’Emin, le soutien d’Erdogan, a d’ailleurs scrupuleusement respecté tandis qu’Emir ne le suit « jamais vraiment à la lettre ».
C’est en 2016, lors de cette nuit noire de juillet pendant laquelle une partie de l’armée nationale a intenté un coup d’Etat contre Erdogan, que les deux hommes ont compris qu’ils n’avaient pas la même conception de la politique. Emir a vécu cette nuit, et la purge qui s’est ensuivie comme une période sombre. « Tous les opposants ont été arrêtés pour espionnage, sans raison ! » Un point de vue opposé à celui de son cousin qui a jugé nécessaire le rétablissement de l’ordre et de l’autorité. « Aucune injustice n’a été faite à ce moment-là. Il fallait répondre. »
Leur conscience politique s’était pourtant construite sur un socle commun : la volonté de répondre à l’injustice dans le pays. A 14 ans, Emir finit premier de sa classe au collège. D’ordinaire, le meilleur reçoit un prix en récompense de ses résultats. Cette année-là, il a été donné au deuxième, un adolescent d’une famille ouvertement pro-AKP, le parti d’Erdogan, contrairement au père d’Emir, plus nuancé. « J’ai compris la doxa du régime, son influence, et la menace que le leader faisait peser sur les opposants. »
C’est en se plongeant dans des livres d’histoire qu’Emin, lui, s’est politisé. En étudiant la laïcisation imposée presque à marche forcée après la chute de l’Empire ottoman, il a voulu se battre pour les droits des musulmans pratiquants en Turquie. « Avant Erdogan, les femmes voilées ne pouvaient plus aller à l’université. Les familles religieuses étaient discriminées », rappelle-t-il. « Aujourd’hui, les jeunes manifestent mais ils ne connaissent pas la répression, ils n’ont jamais vraiment connu ce qu’était une dictature. »
Le « reis » divise les Günes, comme il divise le pays
A l’image du pays, le « reis » divise les Günes. Signe de cette polarisation profonde dans la société, les élections turques sont toujours des scrutins très serrés. En 2023, Erdogan était réélu président avec 52 % des voix au second tour. En 2018, il l’emportait avec le même score dès le premier tour. Tandis qu’aux élections locales, les grandes villes sont, ces dernières années, tombées dans les mains de l’opposition.
Emin a toujours voté pour l’AKP. Erdogan est à ses yeux « un homme juste, contre la guerre, pour les libertés, et surtout, du côté des musulmans ». Tandis que dans l’autre partie de sa famille, le président est perçu comme « un dictateur qui veut imbriquer la politique et la religion, deux choses complètement différentes ». A chaque élection, Emir met un bulletin dans l’urne en faveur des adversaires d’Erdogan, du Parti républicain du Peuple (CHP), le principal parti d’opposition, au parti nationaliste le Bon Parti (İyi Parti).
« T’es-tu déjà demandé pourquoi on le [Erdogan] déteste autant ? demande Emir à son cousin.
– Bien sûr, c’est à cause des réseaux sociaux ! Ou des célébrités qui le détestent sans raison et que vous écoutez…, réplique Emin.
– Oui, c’est sûr que vous, vous réfléchissez toujours par vous-même. D’ailleurs, que dit la télé en ce moment ? », se moque Emir, en référence aux nombreuses chaînes d’information pro-gouvernement.
Ces dernières semaines, les manifestations qui ont secoué le pays ont enflammé leurs débats. Quand Emir sort le soir défiler dans les rues d’Istanbul, Emin est branché sur la télévision nationale qui compare les protestataires à des terroristes.
« Cette histoire [l’arrestation du maire d’Istanbul, NDLR], c’est surtout une affaire de corruption au sein du CHP. Imamoglu prépare sa campagne présidentielle. Il avait d’ailleurs prévu le coup avec sa vidéo avant d’être arrêté [alors qu’une centaine de policiers encerclaient sa maison, l’édile s’est filmé depuis son dressing, en train de nouer sa cravate, annonçant sur les réseaux sociaux son arrestation, NDLR], lance Emin.
– Comment tu peux dire ça ? Vous nous traitez de terroristes mais c’est le récit du gouvernement, que tu reprends, qui est dangereux. »
Emir lève les yeux au ciel et soupire. Le débat s’envenime.
« Je ne dis pas que vous êtes tous des terroristes. Mais certains étudiants ont profané des mosquées et ont eu des comportements irrespectueux avec la police pendant ces manifestations…
– Tu sais, on veut juste sauver la démocratie et notre futur. Arrêter Imamoglu, c’était la goutte de trop. »
Entre les deux cousins, la discussion est sans fin
La tension redescend aussi vite qu’elle est montée. « On est habitué. Dans les dîners de famille, il n’est pas rare de voir l’un ou l’autre hausser le ton ou quitter la table », confie Emin. « C’est d’ailleurs toujours Emir qui quitte la table ! », plaisante-t-il. Mais chez les Günes, pas question de laisser les opinions politiques déchirer la famille. « On est comme deux frères, c’est Emin qui m’a appris à faire du vélo, à conduire… On se voit toutes les semaines », raconte le cadet.
Entre les deux, la discussion est sans fin sur tous les sujets qui polarisent la Turquie. Alors quand on évoque la situation économique catastrophique du pays avec ses 44 % d’inflation en décembre, et ses 60 % de la population au salaire minimum :
« Tu sais avant, il n’y avait pas de téléphone portable, de tablettes, de voitures de luxe. Maintenant, les gens se plaignent d’avoir des difficultés. Mais c’est surtout qu’ils veulent vivre dans le luxe, interpelle Emin.
– Oui bien sûr. D’ailleurs des Turcs se suicident dans le pays parce qu’ils ne peuvent pas vivre dans le luxe ! ironise Emir. Si s’acheter cinq kilos de viande c’est un luxe pour toi, sache que peu de personnes peuvent se le payer aujourd’hui dans le pays. En Europe, ils vivent beaucoup mieux que nous.
– En Europe, ils ont gagné de l’argent grâce à la colonisation. Tu penses qu’on devrait coloniser la Somalie ? La Syrie ? » provoque Emin.
Comme sur chaque sujet, les deux cousins ne feront pas entendre raison à l’autre. Alors pourquoi continuent-ils de débattre ? « On sait qu’on ne changera pas l’avis de l’un ou de l’autre, mais on essaie de comprendre comment l’autre réfléchit », répond Emir.
Le soleil commence à tomber. Les derniers rayons se reflètent sur les immeubles de Sultanbeyli, ce quartier, qui comme tant de districts où la mégalopole s’étend, n’échappe pas à la fièvre bâtisseuse stambouliote. C’est l’heure du dernier iftar de l’année, alors que le ramadan s’achève demain. Avant qu’Emin et Emir ne s’éclipsent, nous ne résistons pas à l’envie de leur demander s’ils ont un point d’accord.
Silence. « Notre nationalisme ? », propose Emin. « Non, arrête, tu ne peux pas dire que l’AKP est nationaliste, ils sont islamistes », lui répond Emir. Les deux cousins ne trouveront pas de terrain d’entente. Mais nous confient tous deux croire en une Turquie apaisée et réconciliée. « Notre pays a déjà connu des périodes de haine, suivies de périodes d’apaisement. Et puis on aime trop la Turquie pour la laisser tomber dans une guerre civile ! », ajoute Emin. Emir acquiesce. Avant d’ajouter, en riant. « Il faudrait quand même bien cinquante ans pour nous réconcilier après tout ce qu’Erdogan a fait au pays ! »
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