Vu d’Istanbul. Turquie : un nouveau gouvernement pour une politique économique plus “rationnelle”

Courrier international, le 05/06/2023

Recep Tayyip Erdogan a nommé un nouveau gouvernement le 3 juin. Une des priorités de celui-ci sera de mettre fin à la dégringolade de la livre et de revenir à une politique monétaire conventionnelle. Il devra aussi honorer toutes les promesses électorales du président turc.

Le président turc Tayyip Erdogan se serre la main avec le nouveau ministre du Trésor et des Finances Mehmet Simsek alors qu’ils sont flanqués du nouveau ministre de l’Énergie Alparslan Bayraktar lors d’une conférence de presse où le nouveau cabinet a été annoncé, à Ankara, Turquie le 3 juin 2023. REUTERS/Umit Bektas

C’est un gouvernement presque tout neuf qu’a dévoilé le président Erdogan pour le début de son troisième mandat présidentiel, après sa victoire, le 28 mai (avec 52 % des suffrages). Seuls les ministres de la Santé et de la Culture et du Tourisme conservent leur poste.

Avec le retour de Mehmet Simsek au poste de ministre du Trésor et des Finances (il avait occupé ce poste entre 2009 et 2015), le président Erdogan semble acter l’échec de sa politique monétaire de baisse des taux d’intérêt qui, depuis deux ans, maintient la croissance turque, mais a débouché sur une hyperinflation et gravement creusé le budget de l’État et les réserves de la Banque centrale.

“Il n’y a plus d’autre choix que le retour à une politique fondée sur des bases rationnelles”, a déclaré le ministre, dans une attaque à peine voilée contre la stratégie du chef de l’État, souligne le quotidien d’opposition Sözcü.

Le pays s’oriente donc vers une politique de rigueur budgétaire et de hausse des taux d’intérêt. “Mais comment Simsek va-t-il pouvoir mettre en place sa politique, alors que le président a promis pendant les élections une hausse du salaire minimum et des traitements des fonctionnaires pour les mois prochains ?”, s’interroge le quotidien, sans compter le coût du plan de retraites anticipées validé par le pouvoir, de la livraison gratuite de gaz aux foyers turcs et de la reconstruction des zones ravagées par le séisme de février.

Politique étrangère agressive

Sur le plan sécuritaire, Ibrahim Kalin, le conseiller du président pour les affaires de sécurité nationale est promu au poste de directeur des services secrets (le MIT), tandis que Hakan Fidan, le chef du MIT, est nommé ministre des Affaires étrangères.

Des nominations qui augurent d’une poursuite de la politique étrangère agressive d’Ankara et des opérations militaires extérieures, estime un journaliste spécialisé dans le média en ligne Gazete Duvar.

Hakan Fidan, qui a réussi ces dernières années à mener une diplomatie parallèle en Irak, en Iran ou en Russie grâce à son très large réseau, est aussi une figure controversée, accusée d’avoir organisé les enlèvements et la torture d’opposants réfugiés à travers le monde, notamment en Asie et dans les Balkans, souligne le média.

Ses nombreuses connexions avec le régime syrien seront précieuses dans la perspective de pourparlers à venir avec Bachar El-Assad, ajoute le journaliste.

Courrier international

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