Le 3 mai, de nouvelles frappes ont touché des bases militaires abritant notamment des capacités de défense antiaériennes. Elles ont fait 75 morts, notamment des civils, rapporte le quotidien turc d’opposition EvrenselCes raids ont visé des forces du gouvernement de Damas, allié de la Turquie, mais aussi, notamment dans la région de Hama, des bataillons issus de forces syriennes turkmènes directement pilotées par Ankara.

Pour la première fois, les avions de combat turcs, qui opèrent eux aussi dans le ciel syrien, sont entrés en contact radio avec les avions israéliens pour leur demander de quitter la zone et auraient même tenté de brouiller leurs signaux électroniques en guise d’avertissement, rapporte le média en ligne T24.

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“La Turquie doit absolument éviter un affrontement militaire avec Israël en Syrie”, s’inquiète un éditorialiste de T24, qui s’alarme également des attaques menées par des groupes djihadistes contre les minorités du pays, les Alaouites d’abord, puis les Druzes : “La Turquie sera la première à souffrir du chaos qui envahit la Syrie, Ankara doit abandonner sa politique de soutien total au gouvernement de Damas”, estime-t-il.

 

Vers une livraison d’armes sophistiquées à Damas ?

Mais Ankara semble au contraire bien déterminé à conforter son alliance avec le pouvoir de Damas, même si sa crédibilité est mise à rude épreuve par son choix de ne pas s’opposer directement aux bombardements israéliens. Pour changer la donne, le pouvoir turc envisagerait de livrer à la Syrie le système sophistiqué de défense antiaérienne S-400 qu’elle a acquis auprès de Moscou en 2019, révèle quotidien Sözcü.

L’achat de ce système avait alors déclenché des sanctions américaines et l’exclusion de la Turquie du programme d’avions de combat F-35. De crainte de s’attirer de nouvelles sanctions, ce système, qui lui a coûté 2,5 milliards de dollars, n’a jamais été activé par Ankara.

Livrer ce système à Damas permettrait donc à la Turquie de s’en débarrasser tout en offrant à la Syrie les moyens d’une défense antiaérienne efficace. Il lui faudrait néanmoins obtenir l’accord de Washington mais aussi de Moscou, qui a combattu pendant des années les rebelles syriens. Mais la Russie pourrait bien donner son feu vert, estime la chercheuse turque Gönül Tol, car elle tente d’obtenir de Damas l’autorisation de maintenir ses bases militaires stratégiques sur la côte syrienne.

 

Les revendications autonomistes kurdes, une ligne rouge

Par ailleurs, la presse progouvernementale turque s’alarme des ambitions de la minorité kurde de Syrie. Fin avril, pour la première fois depuis 2014, les différents partis kurdes rivaux – dont certains sont plutôt proches d’Ankara et d’autres liés à la guérilla kurde du PKK – se sont réunis et sont tombés d’accord sur une résolution commune, demandant notamment des droits culturels pour les Kurdes et une forme d’autonomie locale, mais pas une solution fédérale.

Les Kurdes : une population écartelée en quatre États.Les Kurdes : une population écartelée en quatre États. SOURCES : ISW, INSTITUT KURDE DE PARIS.

 

Important pour l’avenir des Kurdes dans la région, ce congrès, organisé avec le soutien de la France et des États-Unis, fait grincer des dents à Damas et surtout à Ankara, où l’on soupçonne que ces revendications cachent en réalité des objectifs fédéralistes, voire de séparation territoriale.

La presse turque s’alarme notamment de la possibilité qu’Israël soutienne les Kurdes de Syrie. “Israël a peur d’une Syrie forte et ne veut pas que la Turquie se débarrasse du terrorisme [la guérilla kurde du PKK]”, s’enflamme le quotidien Milliyet. “Les croisés occidentaux et les sionistes veulent faire des Druzes et des Kurdes leurs soldats aveugles et obéissants”, renchérit le quotidien d’extrême droite Türkiye.

La Turquie menace régulièrement d’intervenir militairement contre les Kurdes de Syrie, ce qu’elle a déjà fait à deux reprises en 2018 et en 2019. “Nous sommes opposés aux revendications d’autonomie et de décentralisation qui risquent de menacer l’intégrité territoriale syrienne”, a ainsi menacé à mots couverts le ministère de la défense turc, rapporte le quotidien Cumhuriyet.