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France 24, le 06/01/2023
Par : Ludovic DE FOUCAUD & Shona BHATTACHARYYA
Turquie : Recep Tayyip Erdogan, vingt ans de pouvoir qui divisent © France 24
Depuis vingt ans, Recep Tayyip Erdogan, s’est imposé comme le maitre du jeu incontesté de la vie politique en Turquie. Premier ministre depuis 2003, président depuis 2014, il affronte une présidentielle indécise qui doit se tenir en 2003. Surpassant en longévité le fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk, il a bien l’intention de le supplanter aussi dans l’empreinte qu’il entend laisser sur la Turquie moderne. Nos correspondants en Turquie, Shona Bhattacharyya et Ludovic de Foucaud reviennent sur son parcours politique et sur la perception qu’ont les Turcs de leur président.
Issu d’une famille populaire et traditionaliste d’Istanbul, bon joueur de football dans sa jeunesse, Recep Tayyip Erdogan a massivement séduit ceux que l’on appelle parfois les « Turcs noirs », ces électeurs conservateurs, souvent religieux et peu éduqués. Longtemps, ils se sont sentis délaissés par les gouvernements précédents, souvent laïcs et tournés vers l’Occident. En vingt ans, l’ère Erdogan et l’avènement du Parti de la Justice et du Développement (l’AKP), leur a donné le sentiment de diriger le pays.
Ses débuts ont marqué les esprits : ouverture économique pour attirer les capitaux étrangers, main tendue aux Kurdes du PKK (depuis 1984, la guerre civile a fait des dizaines de milliers de morts), levée de l’interdiction faite aux femmes voilées d’accéder aux universités, à l’armée et à l’administration.
L’ex-militant islamiste tolère jusqu’en 2014 la Gay Pride d’Istanbul qui rassemblait alors près d’un million de personnes. Son pays a été le premier à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (appelée par la suite « Convention d’Istanbul »).
Le virage autoritaire
En mai 2013, les manifestations contre le plan d’urbanisation du parc Gezi à Istanbul marquent un tournant avec la violente répression policière ordonnée par Recep Tayyip Erdogan. Peu après, l’émergence des groupes kurdes proches du PKK dans le conflit syrien conduit à l’arrêt des négociations avec les responsables kurdes en Turquie. En 2015, son gouvernement entame une campagne de bombardements dans le Sud-est du pays.
En juillet 2016, avec la tentative de coup d’État avorté, Recep Tayyip Erdogan décrète l’état d’urgence. Dans les mois qui suivent, des dizaines de milliers de personnes sont arrêtées et l’armée est purgée.
Officiellement, accusés de travailler pour Fethullah Gülen, un prédicateur et ancien proche du chef de l’État, tous ceux qui dé
noncent la politique du gouvernement (notamment les défenseurs des Droits de l’Homme) sont visés. En juillet 2021, la Turquie se retire de la Convention d’Istanbul.
Une personnalité clivante
Pour sa base électorale, ces épisodes sont perçus comme des échos lointains de troubles qui ne les touchent pas. Mehmet Ali, propriétaire d’un kebab, en fait partie. « Avant Erdogan, quand j’ai ouvert mon premier business, il fallait graisser la patte des fonctionnaires, mais je ne le savais pas. Mon restaurant tardait à obtenir les autorisations avant son ouverture. C’est un collègue qui m’a expliqué qu’il fallait glisser des billets entre les pages d’un carnet. Mais une fois l’AKP au pouvoir, quand j’ai essayé de faire de même, le pompier venu vérifier la ventilation du local a refusé, et j’étais rouge de honte. » Comme lui, les commerçants turcs ont souvent vu leur situation s’améliorer ces vingt dernières années et sont devenus des fidèles du président.
Pour la réalisation de ce reportage, nous avons souhaité entrer dans l’intimité d’une famille dont les parents soutiennent Erdogan, mais pas les enfants. Après plusieurs mois de recherches, Mehmet Ali nous a ouvert ses portes « pour expliquer au monde (son) amour pour (son) président ». Ses enfants sont moins convaincus, mais évitent l’affrontement direct avec leur père face à la caméra. Lors de l’élection qui doit avoir lieu cette année, six millions de nouveaux électeurs voteront pour la première fois. Tous sont nés après l’arrivée d’Erdogan au pouvoir.
Une élection présidentielle décisive
Si certains ont bénéficié des années Erdogan, d’autres comme Erdem en ont souffert. L’ancien journaliste a fait de la prison pour avoir publié des « secrets d’État » dans un article de 2015. Il est aujourd’hui maire d’opposition d’une circonscription d’Istanbul. Son parti, le CHP, le parti laïc fondé par Mustafa Kemal Atatürk, a gagné les élections municipales dans toutes les grandes villes du pays en 2019. En entrant dans une coalition avec cinq autres partis, il espère mettre fin à l’ère Erdogan lors des élections présidentielles prévues en juin 2023.
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