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Le Figaro, le 20/08/2023
Par Delphine Minoui
Correspondante à Istanbul
Depuis 2021, tous les jours, une dizaine de professeurs se relaient sur la pelouse de la prestigieuse université Bogazici, à Istanbul, pour protester contre le parachutage d’un recteur par le pouvoir. Delphine Minoui / Le Figaro
ENQUÊTE – À Istanbul, la prestigieuse université du Bosphore tente de résister à la mainmise des autorités.
C’est un carré de verdure, suspendu au-dessus du détroit bleu turquoise. De loin, le campus de l’université Bogazici («Bosphore» en turc), la plus prestigieuse de Turquie, a tout de la carte postale idyllique. Un de ces instantanés d’Istanbul, comme en raffolait Pierre Loti. Sous un soleil éblouissant, les yeux d’abord se plissent, puis se rouvrent sur une réalité plus cinglante. Séparés de 2 mètres les uns des autres, une dizaine de professeurs, drapés dans leur toge académique, font le pied de grue sur le gazon, le dos sciemment tourné à la grande bâtisse du rectorat. Pas un mot. Pas un geste. Le silence comme seule forme de protestation. Et ces panneaux, serrés dans leurs bras, sur lesquels on peut lire: «Nous n’accepterons pas! Nous ne renoncerons pas!» Il est exactement 12 h 15 en cette journée de canicule estivale, et comme tous les jours depuis le début de l’année 2021, ils se relaient à la même heure pour contester le parachutage d’un recteur, imposé par le président turc, à la tête de cette ultime espace d’expression libre dans un pays de plus en plus cadenassé.
Rien ne les retient: ni la chaleur, ni la pluie ou la neige hivernale, encore moins cette menace de «poursuite judiciaire et administrative» proférée par l’administration à l’encontre des participants du dikilmek («rassemblement»), quelques jours après la réélection d’Erdogan, le 28 mai. De quoi présager le pire pour son nouveau mandat de cinq ans. «L’étau se resserre de jour en jour. Mais nous devons tenir tête. Car, au-delà de notre combat pour préserver l’autonomie de notre université, c’est la défense des valeurs démocratiques de notre pays qui est en jeu», insiste Zeynep Gambetti, une fois la vigile quotidienne terminée.
Sourire pétillant malgré l’épreuve, cette professeur de théorie politique nous invite à la rejoindre sur un banc. Elle le choisit sous un arbre: coin d’ombre salvateur, à l’abri des nouvelles caméras de vidéosurveillance installées sur le campus. «Tu vois cette immense pelouse. Il y a encore quelques années, c’était le cœur battant de notre université.» Avec elle, le tutoiement est naturel. Un signe de convivialité qui fait la marque de ce «Harvard turc». «Le gazon, poursuit-elle, était le théâtre permanent de forums organisés par les clubs étudiants. Une ambiance colorée, joyeuse! Sur un même périmètre, on croisait le stand des jeunes du parti nationaliste Vatan, celui du club LGBT ou encore la tente des étudiants de l’association musulmane. Tout ce petit monde coexistait sans entrave. On y parlait de féminisme, d’environnement, de défense de la cause kurde.» Sur l’allée centrale, quasiment déserte, trois policiers en uniforme font aujourd’hui les cent pas. «Nouvelle routine d’usage!», peste Zeynep.
«Pas question de baisser les bras»
Fondée en 1863, cette fabrique des élites turques était «un phare au milieu de la tempête», raconte la professeur. Avec ses cours dispensés en anglais et son ouverture internationale, l’établissement a toujours résisté aux diktats politiques, toutes tendances confondues, y compris ceux du YÖK, le Conseil de l’enseignement supérieur instauré par la junte militaire après le putsch de 1980. Le campus a été de toutes les batailles: pour la reconnaissance du génocide arménien ; contre l’interdit, alors en vigueur dans les années 1990, de porter le foulard dans les universités ; contre la violence des opérations militaires turques dans le Sud-Est kurde, après la rupture du cessez-le-feu avec la guérilla du PKK en 2015. Début 2016, c’est tout naturellement que quelque 70 professeurs de Bogazici, dont Zeynep Gambetti, ajoutent leur nom à une «pétition pour la paix» au Kurdistan, lancée par un collectif d’universitaires.
Cette année-là , déjà , le pouvoir sévit: à travers le pays, des confrères sont lynchés et arrêtés, accusés de «soutien au terrorisme» par le président Erdogan et l’AKP, son parti au pouvoir depuis 2003. Dans la foulée de l’après-coup d’État raté de juillet 2016, des milliers d’enseignants turcs – dont certains pétitionnaires – sont limogés et poursuivis en justice. Protégés par leur direction, les professeurs de Bogazici échappent à la purge. Mais pas à la peur. Convoquée au tribunal, puis finalement acquittée en 2019, Zeynep Gambetti décide de prendre sa préretraite. «Il en allait de ma santé mentale dans ce contexte instable. En cas de licenciement, j’aurais perdu toutes mes allocations. Aujourd’hui, je reviens régulièrement manifester, mais à moindre risque», avoue-t-elle.
Le véritable couperet tombe en janvier 2021. Du jour au lendemain, l’autocrate à la dérive impose un de ses fidèles à la tête de Bogazici. En vertu de prérogatives octroyées après le putsch avorté, Erdogan a désormais le pouvoir de choisir directement les recteurs des universités. Inconnu au bataillon, le nouveau locataire de l’université, Melih Bulu, a pour seul mérite d’avoir été… candidat de l’AKP aux législatives de 2015. La colère explose: des hordes d’étudiants et de professeurs se massent devant la grille de l’entrée principale, aussitôt menottés par la police. Plusieurs manifestants sont passés à tabac et placés en garde à vue. Remontés à bloc, un groupe d’universitaires lance une vigile silencieuse pour dénoncer cet «assaut contre la pensée plurielle».
Dès que tu soutiens les homosexuels, on te traite de détraqué. Dès que tu défends les Kurdes, on t’accuse d’être un terroriste. Dès que tu parles des droits des femmes, on te criminalise
Elif, une jeune activiste
Depuis, l’opération se répète tous les jours malgré les mille et une tentatives de sabotage. «Quand l’administration déclenche l’arrosage automatique des pelouses à l’heure précise du rassemblement, les protestataires migrent sur le carré d’à côté. Quand le recteur interdit la cérémonie de remises des diplômes, par crainte qu’elle ne finisse en manifestation, les professeurs en impriment des fac-similés pour les remettre en main propre à leurs élèves sous les fenêtres de son bureau», raconte Zeynep Gambetti. L’insubordination a un coût: les cartes des anciens étudiants ont été annulées pour les empêcher de remettre les pieds sur le campus, et des dizaines d’enseignants réfractaires font actuellement l’objet d’enquêtes disciplinaires. L’un d’eux, Can Candan, a été suspendu de ses fonctions à trois reprises. Pensant amadouer les insoumis, le pouvoir a remplacé Melih Bulu par le vice-recteur, Naci Inci, mais personne n’est dupe de ce jeu de chaises musicales.
«Pas question de baisser les bras», prévient Ahmet Ersoy. Piercing à l’oreille gauche et blue-jeans, ce professeur d’histoire, spécialiste de l’Empire ottoman, est l’un des piliers de ce rassemblement quotidien contre une direction aux ordres d’Erdogan. «Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg», insiste-t-il. Ces dernières années, il a vu le budget alloué à la recherche subir des coupes injustifiées. Il a vu des enseignants se voir interdire de faire une année de césure à l’étranger, malgré l’obtention de bourses dans des universités de renom.
Pendant ce temps, le recteur impose de nouveaux doyens et de nouveaux professeurs, plus en phase avec les autorités, et au mépris flagrant des processus de recrutement au mérite. Deux nouvelles facultés, de communication et de droit, ont également été créées dans l’objectif à peine voilée d’imposer encore plus sa marque. «L’université est devenue cet espace où le pouvoir place ses hommes, impose ses idées islamo-nationalistes et s’assure un réservoir de votes .» Ahmet Ersoy ne compte plus le nombre de requêtes, de communiqués, de plaintes – plus d’une cinquantaine! – déposées contre ce qu’il qualifie de «démarches illégales». «Je consacre au moins la moitié de mon temps à ces batailles administratives et judiciaires, au détriment de mon travail académique», soupire-t-il. Parfois, la persistance paie: les universitaires ont obtenu l’annulation de la nomination de quatre nouveaux professeurs de droit aux compétences douteuses. Ils ont également pu bloquer un projet immobilier sur le site très convoité de la faculté d’histoire.
«Ils cherchent à nous effacer de la société!»
Comme ses confrères, Ahmet Ersoy avait placé tous ses espoirs dans le scrutin législatif et présidentiel de mai dernier. L’opposition avait notamment promis de réintégrer les universitaires limogés. Quelques mois auparavant, les enseignants avaient même déposé un projet de loi au Parlement visant, entre autres, à abolir le fameux YÖK. Ahmet, lui aussi signataire de la pétition pour la paix de 2016, avoue s’être pris à rêver, en cas de victoire de Kemal Kiliçdaroglu, le rival d’Erdogan, d’une exposition insolite de ses dessins sur les murs du bureau du recteur. «À chaque convocation au tribunal, j’avais caricaturé les juges sous forme d’animaux. Une façon d’évacuer le stress et de documenter ce chapitre sombre de la dérive autoritaire. Sauf que, avec la réélection d’Erdogan, l’histoire s’est noircie encore plus.»
Une soudaine effervescence s’empare d’un groupe d’étudiants. À l’extrémité du carré vert, une dizaine de jeunes discutent bruyamment sous un parasol où flotte un drapeau arc-en-ciel. «Un chargé de sécurité vient de nous ordonner de le retirer, sous peine d’expulsion. Depuis l’interdiction du club des LGBT, on se relaie entre nous pour afficher leur symbole par solidarité», explique Deniz, 18 ans. La jeune étudiante est hors d’elle: «On lutte pacifiquement contre la discrimination. Et eux, ils cherchent à nous effacer de la société!» À l’incompréhension se mêlent la colère et l’inquiétude. «Dès que tu soutiens les homosexuels, on te traite de détraqué. Dès que tu défends les Kurdes, on t’accuse d’être un terroriste. Dès que tu parles des droits des femmes, on te criminalise. Ma sœur aînée a étudié à Bogazici. À son époque, on buvait de la bière sur la pelouse et on entrait sur le campus comme dans un moulin. Maintenant, il faut montrer patte blanche et tenir sa langue, sous peine d’être expulsé», peste Elif, une jeune activiste. Tout le monde n’a pas son bagout.
Caché derrière de grosses lunettes de soleil, un autre étudiant enchaîne: «Un de mes amis a fait de la prison pour avoir collé, en 2021, le drapeau arc-en-ciel sur un symbole de La Mecque en face du bureau du recteur. Vous imaginez dans quel climat on vit! Il préfère taire son nom et son niveau d’études. «J’ai opté pour la prudence. Avec la crise économique, la pandémie du Covid, et maintenant le maintien d’Erdogan au pouvoir, ma génération a perdu toutes ses illusions. Je ne pense qu’à une chose: mettre de l’argent de côté et apprendre l’espagnol pour partir étudier à Madrid. Bogazici, c’est fini!»
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