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Courrier International, le 20/07/2023
L’endroit a longtemps rassemblé Turcs musulmans et Grecs orthodoxes autour d’une même vocation : le vin. Cette journaliste allemande raconte avec nostalgie l’île de son grand-père, où les vignobles cèdent du terrain à l’économie du tourisme.
Günay Yurdakul, 33 ans, vigneron à Bozcaada. Photo Ayça Balci
Un soir d’avril, le dernier ferry quitte le port de la petite ville de Geyikli. Certains ont réussi de justesse à monter à bord pour rentrer chez eux, à Bozcaada. La silhouette de l’île se découpe plus nettement à l’horizon à chaque mille parcouru.
On aperçoit d’abord la colline de Göztepe, son point le plus haut, puis la forteresse imposante sur laquelle Perses, Romains, Byzantins, Génois et Vénitiens ont régné tour à tour, et enfin, juste derrière le port et les bateaux de pêche, un panorama fait de petites maisons illuminées par la lumière rose du soleil couchant.
Mon grand-père avait 12 ans lorsqu’il s’est rendu sur l’île pour la première fois. C’était au début des années 1960. Il n’y avait pas encore de ferry : un capitaine de l’île, que tout le monde appelait Yakar, assurait contre vents et marées les allers-retours entre Bozcaada et le continent avec son bateau à moteur.
À l’époque, aucun étranger ne s’aventurait sur cette petite île du nord-est de la mer Égée, qui n’est pourtant qu’à sept kilomètres de la province [turque] de Çanakkale. Les choses ont bien changé aujourd’hui. Depuis qu’Instagram a fait de l’île et de ses baies sauvages aux eaux cristallines une destination parfaite pour ceux qui cherchent la tranquillité, loin du tourisme de masse, tout le monde veut s’y rendre.
Une île légendaire
Qu’en aurait pensé mon grand-père ? Je ne peux plus le lui demander, mais il a toujours apprécié la beauté de cette île où son père l’avait envoyé pour calmer ses ardeurs d’adolescent rebelle. Et pour cause : Bozcaada est un morceau de terre d’à peine 37 km² à quelques encablures des Dardanelles, entouré par la mer et recouvert de vignobles. Mais c’est aussi une île légendaire.
Lorsqu’on regarde vers le nord-est depuis la colline de Göztepe, on aperçoit celle de Hisarlik, sur le continent, où se trouvait autrefois la ville de Troie. D’après Homère, c’est là que les soldats grecs se sont cachés après avoir amené leur cheval de bois devant les portes de Troie, afin de rentrer chez eux plus tard. Si la guerre de Troie a bien eu lieu, c’est de Bozcaada – Tenedos dans la mythologie grecque – que l’on pouvait le mieux observer l’incendie de la cité.
Chaque fois que je visite l’île, je flâne dans les ruelles du centre-ville et monte les nombreux escaliers pour laisser mon regard flotter sur les lieux. D’un côté, deux minarets se dressent entre les maisons en se découpant sur le ciel bleu. De l’autre côté, c’est le clocher d’une église qui s’élève à l’horizon.
Chrétiens et musulmans cohabitent sur l’île depuis des centaines d’années. Une situation inhabituelle puisque, à la fin de la guerre gréco-turque [1919-1922], les populations grecques orthodoxes qui vivaient dans l’actuelle Turquie ont été déplacées, tout comme les musulmans installés en Grèce. Après 1923, plus de 1,6 million de personnes ont été expulsées de leur pays d’origine. Rares sont les régions à avoir échappé à cet “échange de populations”. Bozcaada en fait partie, même si elle a été rattachée à la Turquie par le traité de Lausanne.
Les liens du vin
Les gens ont donc continué à vivre ensemble, même si on rencontre très peu de chrétiens aujourd’hui. Sur la grand-place, où jeunes et vieux se rassemblent à l’ombre des platanes pour boire du café et discuter, quelques phrases en grec se mélangent parfois au turc.
Günay Yurdakul est vigneron. On cultive la vigne sur Bozcaada depuis trois mille ans. À l’époque où musulmans et chrétiens vivaient côte à côte sans pour autant se mélanger, ils étaient liés par la viticulture. Les Turcs cultivaient la vigne et vendangeaient, les Grecs produisaient du vin à partir de leur raisin.
Cette division du travail était une sorte de loi non écrite. Elle fut violée en 1925 par Hasim Yunatci, un habitant de l’île qui racheta une exploitation viticole grecque et devint ainsi le premier vigneron turc de l’île. Dans les années 1960, mon grand-père allait à l’école avec son arrière-petit-fils du même nom. Tout ce que je sais de son enfance sur l’île, c’est Hasim amca, “oncle Hasim”, qui me l’a raconté.
Pendant les longues soirées d’été, il me décrivait autour de force verres de vin à quoi ressemblait l’île ; de temps en temps, ils faisaient disparaître une bouteille de l’exploitation pour aller la boire sur le mur de la forteresse. Ces douze dernières années, j’ai appris à connaître l’île, mais aussi une nouvelle facette de mon grand-père, que j’ai perdu bien trop tôt. Son île est devenue la mienne.
Hasim amca n’est plus de ce monde, lui non plus. Mais Çamlibag, sa petite exploitation viticole, qu’il considérait comme l’œuvre de sa vie, est toujours en activité. C’est Günay Yurdakul, 33 ans, qui a pris la relève. Il représente la cinquième génération d’exploitants.
Qu’est-ce qui fait de Bozcaada une île de vin ? “Un don de Dieu”, commence par déclarer Yurdakul. Il explique ensuite que le sol et le climat de l’île sont idéaux pour la viticulture. Ténès, le petit-fils du [dieu grec de la mer] Poséidon qui a donné son nom à l’île de Tenedos, a dû s’en rendre compte, lui aussi : d’après la légende, c’est lui qui a planté les premiers cépages de kuntra.
Le kuntra est le cépage le plus ancien de Bozcaada, et le préféré de Yurdakul. Le vin rouge qu’il produit n’existe nulle part ailleurs. Selon lui, le vent qui balaie sans cesse l’île est une bénédiction, car il protège la vigne des maladies.
“Le tourisme a rendu les gens fainéants”
Günay m’emmène dans son endroit préféré : les vignobles en périphérie du centre de l’île. Il jette un regard vers la mer, et déclare :
“Avec une vue pareille, la vigne ne peut que s’épanouir.”
Il est très important pour lui de préserver le métier de vigneron à Bozcaada. Cependant, il y a longtemps que ce travail, dans lequel il met tout son cœur, n’est plus rentable en Turquie. C’est pourquoi de nombreux propriétaires vendent leurs vignobles pour ouvrir des hôtels. L’argent qu’ils gagnent pendant l’été leur permet ainsi de vivre le reste de l’année. “Le tourisme a rendu les gens fainéants”, affirme Yurdakul.
Il a aussi transformé l’île. Auparavant, Bozcaada était un secret bien gardé des amateurs de camping et des amoureux de la nature. Pas de tapage ni de fêtes. Mais depuis quelques années, le tourisme gagne sans cesse du terrain. Pendant la haute saison, en juillet et en août, la petite île et ses quelque 3 000 habitants accueillent 15 000 vacanciers. C’est trop.
Je rencontre des jeunes qui m’expliquent que la vie n’est pas aussi facile qu’on le prétend à Bozcaada. Les gens sont obligés de vendre leurs maisons de famille car le coût de la vie ne cesse d’augmenter. La plupart d’entre elles deviennent des hôtels. De plus en plus de jeunes partent s’installer ailleurs et ne reviennent que l’été.
L’île est aussi en passe de perdre une partie de son identité. Seuls quinze de ses habitants sont grecs orthodoxes. Pourtant, chaque dimanche matin, le papaz (le nom donné au prêtre de l’île) continue d’ouvrir les portes de son église, de sonner la cloche et d’inviter les habitants à la messe. Parfois, personne ne vient, mais lui est toujours là.
Une culture menacée
Dimitri Mukata est l’un des derniers amoureux de l’île. Installé dans son jardin sur la côte est, il allume une cigarette. “Je suis parti de Bozcaada quand j’avais 17 ans”, raconte-t-il. C’était au milieu des années 1970. À l’époque, les choses commençaient à changer sur l’île. D’abord circonscrit à Chypre, le conflit gréco-turc s’était élargi et avait gagné Bozcaada. Il explique :
“À la taverne de Vasil, les Turcs et les Rums s’asseyaient toujours ensemble. Et puis du jour au lendemain, ils ont arrêté de nous saluer.”
En turc, le terme rum désigne les populations grecques orthodoxes vivant en Turquie. Mais ces gens ne se considèrent pas comme des Grecs au sens moderne du terme. Ils parlent grec, mais ne sont pas nés en Grèce, ils ont toujours vécu en Turquie. De nombreuses familles ont émigré en Grèce pour échapper à la discrimination après 1974 en raison de la “situation chypriote”, comme l’explique Dimitri Mukata.
Mukata est revenu pour la première fois sur l’île en 2011. Il a ensuite transformé la maison familiale bicentenaire en chambres d’hôte, tout en conservant son apparence d’origine. À côté de la porte d’entrée se trouve un portrait de ses parents, ainsi qu’un portrait de lui-même et, entre les deux, un chausse-pied. Ceux qui ont quitté l’île ne reviennent pas toujours.
“Certains vivent toujours dans la nostalgie de cette île, mais lui tournent le dos”, déclare Mukata. La population chrétienne encore présente sur l’île vieillit et sa culture menace de disparaître.
L’histoire familiale en vitrine
Hakan Gürüney s’est donné pour mission de préserver de l’oubli toutes les histoires de l’île et a ouvert un musée. Il est en train de retirer les bâches qu’il a posées sur les portes et les fenêtres pour les protéger pendant les mois d’hiver.
Il y a trente ans, ce collectionneur amateur originaire d’Istanbul a été attiré sur l’île par une espèce rare de coquillages et n’en est plus parti depuis. Il ne s’est d’ailleurs pas contenté des coquillages, mais s’est mis à ramasser tout ce qui lui tombait sous la main. “J’étais complètement obsédé”, raconte-t-il.
Il s’est entretenu pendant des heures avec des gens du coin, qui ont partagé avec lui l’histoire de leur famille, de vieilles photos, ou des vêtements. Chacune de ces familles possède sa propre vitrine dans le musée.
Je cherche des yeux une photo de l’école élémentaire que fréquentait autrefois mon grand-père, mais je n’en trouve pas. Le bâtiment existe toujours, mais ses salles de classe accueillent aujourd’hui des lycéens, qui jouissent de la même vue sur la forteresse et la mer que mon grand-père il y a soixante ans.
Reconnaîtrait-il encore sa vieille île ? C’est certain. Et il continuerait de l’aimer malgré tous ces changements, même s’il dirait sûrement qu’elle était encore plus belle avant.
Ayça Balcı
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