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Marianne, le 26/10/2019 (n°1180)
Par Morgane Bona, en Turquie
L’armée turque combat les Kurdes de Syrie. Mais elle enrôle aussi dans ses rangs des Kurdes de Turquie, le service militaire étant obligatoire au pays d’Erdogan. Certes, ils ne servent pas sur le front, et l’armada lancée dans l’opération « Source de paix » est composée, outre les supplétifs djihadistes, de militaires professionnels.
Discuter du service militaire obligatoire ? Harun* est d’accord, à condition de rester anonyme. Attablé dans un café réputé de Sur, le quartier historique de la ville de Diyarbakir, au Kurdistan turc, ce trentenaire d’origine kurde n’est pas à l’aise avec le sujet. Comme tous les jeunes hommes (à partir de 21 ans) en Turquie, il a été appelé à servir sous les drapeaux. En 2008, il a été incorporé au sein d’une unité de l’infanterie basée dans le nord-ouest du pays. Les violences physiques ? En un an d’armée, il assure n’en avoir vu ni subi aucune. Les insultes ? « On se faisait tous insulter, qu’on soit kurde ou turc. » Les discriminations ? « C’est du passé, ça. » Il se rappelle pourtant que certains « appelés kurdes » ont été insultés par un commandant car ils maîtrisait mal le turc. Il leur disait : « Allez-vous faire foutre, bâtards, ce genre de choses. » Au Kurdistan turc… tout le monde ne parle pas turc. Les dialectes kurdes traditionnels, le zazaî ou le kurmancî, sont dans certaines familles pauvres les seules langues utilisées.
Pour Kamal*, 24 ans, également originaire de Sur et incorporé au sein de la « Jendarma », le tableau est plus sombre. « Ils disent qu’il n’y a pas de discrimination, mais c’est faux. Les insultes viennent davantage de certaines autres recrues de droite ou d’extrême droite que de la hiérarchie. En général, les autres appelés agissaient comme s’ils avaient peur de nous, on restait un peu à part. » Plusieurs fois, les conscrits en viennent aux mains. « Les non-Kurdes n’aimaient pas lorsqu’on écoutait des chansons de chez nous. Un jour, avec des camarades de Diyarbakir, on passait Ahmet Kaya [chanteur emblématique de l’opposition kurde] , des gars sont arrivés et nous ont demandé pourquoi on écoutait “un terroriste”. On a fini par se battre. »
IMPUNITÉ
Rien de grave, à en croire les deux conscrits. Ils s’estiment même « chanceux ». Leur expérience ne serait rien comparée au niveau de violence des années 80 et 90. Le président du barreau de Diyarbakir se souvient bien de cette période. Autrefois, avocat pour Insan Haklari Dernegi (IHD), une organisation de défense des droits de l’homme, Cihan Aydin travaillait sur une dizaine de cas de violences exercées contre des appelés kurdes. « Dans les années 80 et 90, soldats professionnels et conscrits servaient ensemble. Souvent, dans les zones de combat, des jeunes Kurdes peu éduqués, ne parlant pas très bien le turc, étaient mélangés avec des soldats turcs. Cette cohabitation provoquait des tensions importantes et des violences contre ces appelés kurdes. »
La professionnalisation croissante de l’armée dans ces zones de combat, à partir de 2013, aurait contribué à réduire le nombre de lynchages. Et, à Diyarbakir, le nombre d’« incidents » signalés serait en forte baisse : « Peut-être parce qu’il y en a moins ou parce que les gens ici ne se sentent pas en sécurité, alors ils ont cessé de se battre pour leurs droits », analyse Cihan Aydin. Néanmoins, l’an passé, IHD a enregistré 12 « suicides » ou « accidents », un cas de tabassage et un de tir accidentel dont les victimes ont survécu. Des chiffres que la présidente de la section stambouliote de l’association, Gülseren Yoleri, juge bien en deçà de la réalité : « Actuellement, seuls quelques cas sont portés à notre connaissance. Les poursuites judiciaires restent exceptionnelles car les gens n’ont plus confiance dans le système judiciaire. Et puis, le gouvernement incite financièrement les proches à ne pas porter plainte. »
« L’Etat amalgame automatiquement le fait d’être kurde à l’appartenance au PKK »
Certaines familles de soldats kurdes remettent tout de même en cause la version officielle du « suicide ». Comme celle d’Emrah Uygun. Cet appelé de 21 ans, basé à Gaziantep (Sud-Est), se serait donné la mort avec son fusil durant une garde nocturne en juin 2017. Lors de ses funérailles, son frère avait expliqué au site prokurde Rûdaw que son cadet « n’était pas du genre à se tuer. Même s’il en avait eu l’idée, il ne l’aurait pas fait par égard pour nos parents. A chaque fois que nous discutions, il riait et me disait qu’il avait une bonne place au sein de sa base. Il n’avait aucune raison de mettre fin à ses jours ». Rares sont ceux qui rompent le silence. Aucune des trois familles contactées à Istanbul par Marianne n’a accepté de témoigner. Les parents craignent que cela ne desserve le dossier de leur fils. En fait, de mémoire d’avocats, jamais un appelé, victime de violences à caractère discriminatoire au sein de l’armée, n’a gagné son procès devant les tribunaux turcs.
Depuis plus de dix ans, la Turquie est d’ailleurs régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Dans cinq affaires de « suicides », la CEDH a estimé que les investigations et les procédures n’avaient pas été correctement menées par les autorités turques. Pourtant, les juges européens n’ont jamais retenu un lien direct entre l’origine kurde des recrues et leurs décès suspects. L’avocat Cihan Aydin a son explication : « L’enquête est d’abord confiée à l’armée. Elle efface tous les éléments
qui pourraient prouver le caractère discriminatoire de ces violences. Les militaires expliquent qu’il s’agit d’un suicide. Et, en général, leurs supérieurs couvrent les responsables de ces actes. »
A l’impunité s’ajoute un discours de haine promu par l’Etat lui-même. Pour Gülseren Yoleri, « ces discriminations ne sont pas en réalité propres aux forces armées. L’Etat amalgame automatiquement le fait d’être kurde à l’appartenance au Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK] . Par exemple, Ankara ne cesse d’associer le parti prokurde HDP au PKK, considéré comme une organisation terroriste. Ce message diffusé en permanence dans la société provoque l’hostilité à l’égard des Kurdes », s’indigne la militante, avant d’ajouter : « Venir de Diyarbakir ou Cizre, avoir la peau plus brune, fait de vous une potentielle victime de discriminations, et dans l’armée celles-ci sont simplement plus exacerbées. »
TORTURÉ PAR L’ARMÉE
Ahmet Demirsoy, objecteur de conscience kurde originaire de Bitlis, en est le parfait exemple. Lorsqu’il a 22 ans, trois militaires viennent à son domicile et lui ordonnent de se rendre sous trois jours à la base militaire voisine pour sa conscription. Le jeune homme refuse et déchire l’ordre d’incorporation au nez du commandant. Un outrage insupportable pour ce dernier : « Il m’a poussé contre le mur, raconte Ahmet , ses mains ont serré ma gorge tellement fort que j’ai eu les marques de ses ongles pendant vingt jours. » Aujourd’hui, il se souvient encore des paroles des officiers : « Ils me traitaient de “terroriste” et me disaient : “Va te faire foutre, le Kurde”. » Puis le commandant m’a dit : « Si tu ne vas pas à l’armée, alors tu es un traître et tu vas rejoindre les terroristes, et puis ils sont partis. »
A plusieurs reprises, des soldats reviennent pour le contraindre mais Ahmet Demirsoy n’en démord pas : antimilitariste, il refuse de porter une arme et ne fera pas son service. Pour lui, la question kurde est subsidiaire comme elle semble l’être pour nombre d’objecteurs d’origine kurde. Pourtant, ce statut est de fait étroitement lié à leur origine et à une identité kurde façonnée par le conflit qui fait rage dans le sud-est du pays depuis 1984, l’année de naissance d’Ahmet. Il reconnaît : « Quand tu es petit et que tu vois des tanks et des bombardements, ça te marque » ; avant de confier : « C’est sûr, se faire arrêter et torturer par l’armée, alors que tu n’es qu’un enfant, ça te fait grandir avec une sensibilité différente par rapport à l’institution militaire. »
Il a 7 ans lorsque des soldats à la recherche d’informations sur les combattants du PKK raflent tout son village. « J’ai été détenu pendant trois jours, les militaires m’ont battu et électrocuté les parties génitales devant mon père et mes frères. »
Grandir dans le sud-est de la Turquie n’a rien d’anodin. Pas une ville sans sa base militaire, pas une route sans check point : l’armée est omniprésente ! Pour les jeunes de ces régions, la guerre est tout sauf abstraite. « L’enfant qui grandit à Diyarbakir sait ce qu’est un F-16, contrairement à celui qui vient d’Izmir », constate Gökhan Soysal, le codirecteur de l’association des objecteurs de conscience Vicdani Ret Dernegi. Kamal, le natif de Sur à Diyarbakir, a vécu de l’intérieur la guerre qui a opposé, dans son quartier, les forces spéciales turques et le Mouvement de la jeunesse patriotique révolutionnaire (YDG-H), un groupe lié au PKK. Sans diplôme, il est à l’époque censé servir pendant un an, contre six mois pour les jeunes ayant poursuivi des études supérieures. Mais sa hiérarchie le réforme au bout de trois mois : « Officiellement, ils m’ont renvoyé parce que je fumais du haschisch. Mais, en réalité, c’est parce que depuis les affrontements à Sur, je suis trop fragile psychologiquement. »
Si tous les conscrits ne sont pas dans cet état, beaucoup redoutent de devoir pointer leur fusil sur d’autres Kurdes. Alors, quand ils sont affectés dans l’Ouest, loin des combats, ils y voient une « chance ». Pour l’heure, rite de passage bien ancré dans la société turque, le service militaire n’est pas remis en cause. Une réforme, adoptée en juin par le Parlement, l’a réduit à six mois, obligatoires pour tous, et pérennise le système de rachat du service alors que, jusqu’à présent, seules les catégories les plus aisées bénéficiaient d’exemptions. Les Kurdes désargentés, eux, devront continuer à servir dans les rangs de l’armée turque…
(*) Les prénoms ont été modifiés à la demande de nos interlocuteurs.
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