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L’Express avec AFP, le 24/06/2019
Le parti présidentiel a perdu les élections municipales dans la capitale turque dimanche, après l’avoir dirigée pendant 25 ans.
Revers cinglant pour Recep Tayyip Erdogan et son parti. Ce dimanche, l’AKP a perdu Istanbul face au candidat de l’opposition Ekrem Imamoglu lors de l’acte deux du scrutin municipal.
Lors d’un premier scrutin en mars, annulé à la demande du président turc, Ekrem Imamoglu avait devancé d’à peine 13 000 le candidat du président, Binali Yildirim. Dimanche, il l’a battu à plate couture avec plus de 800 000 voix d’avance, selon les résultats provisoires.
Le pari de Erdogan s’est donc retourné contre lui. Que va faire le président après avoir perdu la capitale économique et culturelle du pays, que son camp contrôlait depuis 25 ans?
Pourquoi Erdogan a-t-il perdu ?
Si le parti islamo-conservateur AKP de Erdogan reste le plus populaire à l’échelle nationale, il a souffert ces derniers mois de la situation économique difficile. L’inflation est à 20 %, la livre turque a perdu 30 % de sa valeur l’an dernier et le chômage est élevé.
L’annulation du scrutin du 31 mars a en outre permis à Ekrem Imamoglu de se présenter comme la victime d’une injustice. En quelques semaines, il est passé du statut d’obscur maire d’un district périphérique d’Istanbul à celui d’une figure politique de premier plan.
Pour la première fois, Erdogan s’est retrouvé sur la défensive, selon Soner Cagaptay, du Washington Institute of Near East Policy. « Imamoglu était celui qui imposait l’agenda médiatique et Erdogan celui qui réagissait », souligne-t-il. Les électeurs kurdes, ulcérés par la répression brutale contre les opposants et militants kurdes depuis 2016, ont joué un rôle crucial, selon les observateurs.
Le principal parti prokurde HDP a ouvertement appelé à voter dimanche pour Imamoglu et son drapeau était visible dans les nombreuses manifestations de joie qui ont suivi l’annonce des résultats.
Quelles conséquences pour Erdogan ?
Perdre la capitale économique et culturelle du pays, où vivent 15 millions de personnes, est un revers majeur pour Erdogan. « Qui remporte Istanbul, remporte la Turquie », avait coutume de dire le président.
« L’état-major de l’AKP va probablement essayer de relativiser la portée de cette élection et se comporter comme si tout cela n’était pas très important », estime Berk Esen, professeur associé à l’université Bilkent, à Ankara.
Mais l’accès de faiblesse du président à Istanbul pourrait renforcer les velléités dissidentes dans son camp et encourager ceux qui hésitent à lancer leur propre mouvement à passer à l’acte, comme l’ex-Premier ministre Ahmet Davutoglu et l’ex-président Abdullah Gül.
La défaite dimanche est d’autant plus humiliante pour Erdogan qu’il a pu mobiliser toutes les ressources de l’État grâce « au contrôle qu’il a sur les institutions, des médias aux tribunaux, en passant par les autorités électorales », souligne M. Cagaptay.
Il est néanmoins trop tôt pour dire que cette défaite marque le début de la fin pour lui, qui reste de loin l’homme politique le plus populaire en Turquie. Il a lui-même minimisé l’importance du vote de dimanche, un scrutin « symbolique », selon ses termes.
Et maintenant ?
Tous les yeux sont rivés sur le partenaire de coalition de l’AKP, le parti ultranationaliste MHP dirigé par Devlet Bahçeli, un vieux loup de la politique turque connu pour être particulièrement retors. Avant d’être l’allié d’Erdogan, il en était un féroce détracteur.
S’il décidait de rompre son alliance avec Erdogan, cela priverait le président de sa majorité au Parlement et pourrait le forcer à avancer les prochaines élections générales prévues en 2023, selon des analystes.
Après sa victoire, Imamoglu a appelé Erdogan à travailler avec lui dans l’intérêt d’Istanbul. Mais l’AKP, s’il le décide, peut largement paralyser l’action du nouveau maire car il contrôle 25 des 39 districts de la ville et a la majorité au conseil municipal.
C’est pour cette raison qu’après la première victoire d’Imamoglu, en mars, Erdogan l’avait qualifié de « canard boiteux ».
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