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Courrier International, le 30/12/2023
Le refus des joueurs de Fenerbahçe et de Galatasaray de participer au match en Arabie Saoudite, annulé vendredi soir, a été applaudi par les supporteurs des deux camps et galvanise l’opposition turque. De quoi raviver les tensions entre Ankara et Riyad.
Des milliers de supporteurs turcs, certains brandissant des images de Mustafa Kemal, ont acueillis leurs équipes dans les deux aéroports d’Istanbul.(Photo by YASIN AKGUL / AFP) YASIN AKGUL / AFP
La Turquie compte parmi les nations les plus passionnées de football de la planète et dans le pays, le ballon rond prend de temps à temps un tour politique, voire géopolitique.
Ce fut encore le cas vendredi 29 décembre au soir, alors que devait se disputer, à Riyad, en Arabie Saoudite, le derby entre les deux grands rivaux du football turc, les clubs de Fenerbahçe et Galatasaray, à l’occasion de la Supercoupe de Turquie (opposant le Champion de Turquie au vainqueur de la Coupe de Turquie).
Or ce match très attendu, qui devait se jouer dans le contexte du centenaire de la création de la République Turque, a finalement été annulé. En cause, la décision des autorités saoudiennes d’interdire les maillots et pancartes ornés du portrait de Mustafa Kemal “Atatürk” (1881-1938) le fondateur de la République turque, partisan d’une laïcité de combat et ayant aboli, en 1923, l’institution islamique du Califat. Face à ce refus, les joueurs et les directions des deux clubs ont à leur tour refusé de jouer le match qui a dû être annulé. De retour dans la nuit, les joueurs ont été accueillis à l’aéroport par des milliers de leurs supporteurs qui ont enterré la hache de guerre pour l’occasion.
Sabiha Gökçen Havalimanı’nda bekleyen taraftarlar.
— BBO Sports (@bbosports) December 30, 2023
Leur refus de jouer pourrait coûter cher aux deux clubs, jusqu’à 40 millions de dollars de réparation du préjudice commercial, annonce le média spécialisé Galatasaray Gazetesi. Les autorités saoudiennes et l’entreprise organisatrice de événementi, elles, estiment que cette interdiction s’inscrivait dans le cadre de leur politique visant à interdire les slogans et symboles politiques des stades, qui avaient été acceptée par les deux clubs, rapporte le média en ligne T24.
Du pain bénit pour l’opposition turque
Cet incident intervient alors que les deux pays étaient sortis, depuis avril 2022, de leur antagonisme géopolitique régional, l’Arabie Saoudite reprochant notamment au président Erdogan son soutien affiché, depuis les printemps arabes, au mouvement des Frères musulmans, bête noire de la monarchie saoudienne. L’assassinat sur le sol turc, en 2018, du journaliste d’opposition saoudien Jamal Khashoggi avait encore tendu les relations entre les deux pays.
Entériné par une série de visites officielles, le rapprochement entre Ankara et Ryad s’était notamment soldé par l’envoi opportun de 5 milliards de dollars saoudiens à la Banque centrale turque, juste avant les élections présidentielles de mai 2023, alors que les institutions financières du pays tentaient de maintenir la valeur de la livre turque pour favoriser la réélection du dirigeant islamo-nationaliste. “Rendez les 5 milliards qui nourrissent leur impudence !” titre un article du quotidien nationaliste d’opposition Sözcü.
Des voix s’élèvent aussi pour demander la démission du président de la fédération du football turque, Mehmet Büyükeksi, nommé par le président Erdogan, et qui a tenté en vain de convaincre le club de jouer le match. L’opposition laïque et nationaliste s’est immédiatement emparée de l’affaire, alors que, minée par le désespoir et les divisions depuis sa défaite en mai, elle apparaît fragilisée pour les élections municipales cruciales de mars 2024.
Cœur battant du football turc et bastion de l’opposition kémaliste, la mairie du quartier de Besiktas, à Istanbul a ainsi annoncé renommer la rue du consulat saoudien en l’honneur de Fahrettin Paşa, général turc ayant combattu les tribus du Hedjaz lors de la révolte arabe contre l’empire Ottoman pendant la première guerre mondiale, annonce le quotidien Cumhuriyet. Ekrem Imamoglu, maire d’opposition d’Istanbul, a lui appelé les habitants a se rassembler, munis d’un tee-shirt d’Atatürk, sur la place de Besiktas, samedi 30 décembre, rapporte le quotidien Birgün.
Courrier international
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