Manifestations en Turquie : les étudiants libérés de prison veulent poursuivre la contestation

Libération, le 18/04/2025

par Killian Cogan, correspondant à Istanbul

Témoignages

Plus de 300 personnes ont été incarcérées dans la foulée des rassemblements contre l’arrestation du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu. Leur procès doit débuter ce vendredi 18 avril, tandis que l’opposition veut maintenir la mobilisation en organisant des meetings tous les samedis.

Des arrestations menées en masse et à la hâte, dans des conditions kafkaïennes. Les témoignages des étudiants incarcérés – plus de 300 – pour avoir participé aux manifestations contre l’arrestation du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, font état d’un même mode opératoire : des interpellations à domicile conduites à l’aube par des forces de l’ordre surmenées, débouchant sur une garde à vue suivie d’une audience expéditive au tribunal, puis d’une incarcération pendant près de deux semaines. Plus de 200 manifestants ont déjà été libérés, et près d’une centaine demeurent en détention, dans l’attente d’un procès qui se tiendra à compter de ce vendredi 18 avril.
«Ces arrestations sont purement politiques et n’ont aucun fondement légal, ce n’est rien d’autre qu’une mesure visant à nous intimider», assène Selinay Uzuntel, 24 ans. Cette étudiante en économie à l’université d’Istanbul a été interpellée après que la police a pris une photo d’elle participant à l’une des manifestations qui s’est tenue dans les jours suivant l’arrestation d’Ekrem Imamoglu. Dès le 25 mars, l’étudiante a ainsi été placée en garde à vue avant d’être amenée au tribunal puis transférée à l’emblématique prison de Marmara, un établissement pénitentiaire de haute sécurité situé à Silivri, à l’ouest d’Istanbul. Elle est accusée d’avoir participé à une «manifestation non autorisée».

Des policiers dépassés

Selinay Uzuntel a alors séjourné près de deux semaines en prison, où elle a partagé une cellule avec quinze autres personnes, toutes liées aux manifestations. Si elle fait état de conditions rudimentaires, l’étudiante en économie dit «ne pas avoir été maltraitée» par le personnel pénitentiaire, contrairement à d’autres étudiants qui ont subi des violences et des fouilles à nu, selon leurs avocats et des députés du Parti républicain du peuple (CHP), le parti d’Ekrem Imamoglu.

Un constat que partage Hüseyin Arif, 25 ans, étudiant en sciences politiques à la prestigieuse université du Bosphore, interpellé le 24 mars avant d’être envoyé à la prison de Metris et libéré le 11 avril. «Des équipes antiterroristes ont débarqué à ma porte très tôt le matin alors que je venais de faire le sahur [le repas de l’aube pendant le mois de ramadan, ndlr], explique-t-il. Ces agents de police avaient une liste de personnes à arrêter, mais ils semblaient dépassés, à tel point qu’on aurait dit qu’ils ne savaient pas pourquoi ils étaient là.»

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