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Médiapart, le 22/09/2019
BLOG : LE BLOG DE EMMANUEL KOSADINOS
Vue de France, la vie politique et sociale en Turquie peut susciter la perplexité, l’inquiétude, l’indignation selon l’actualité diffusée par les médias. Souvent la Turquie, perçue lointaine et exotique, est relayée au second rang de l’intérêt de l’opinion publique. Pourtant nos mouvements citoyens ont bien des choses à partager avec ceux de ce pays méditerranéen, à la lisière de l’Europe.
Le cadre politique et social de la Turquie actuelle
Vue de France, la vie politique et sociale en Turquie suscite souvent l’inquiétude, la perplexité, l’indignation, au fur et à mesure de l’actualité internationale ou des informations choisies par les agences de presse. Mais la plupart du temps la Turquie, perçue lointaine et exotique, est relayée au second rang de l’intérêt de l’opinion publique française. Pourtant nos mouvements citoyens ont beaucoup de choses à partager avec ceux qui animent la vie de ce grand pays méditerranéen, à la lisière de l’Europe.
Plus de 6 ans après le mouvement de protestation du parc Gezi, à Istanbul, et la vague de répression qui s’en est suivie, la vie politique en Turquie garde toujours les traces profondes.
Car ce mouvement a placé sur la scène politique du pays des revendications qui animent les sociétés dans une grande partie du monde actuel : réappropriation des espaces publics, sauvegarde de l’environnement naturel et urbain, reconnaissance des droits des minorités, participation directe des citoyen-ne-s à la vie politique.
Si le gouvernement Erdogan a réussi par la répression à venir à bout de ce mouvement, ses mots d’ordre ont désormais imprégné une bonne partie de la société turque, une autre partie restant toujours acquise à l’idée d’un pouvoir central fort et à une vision du monde conservatrice, influencée par l’Islam.
Le mouvement du parc Gezi a introduit dans la vie publique turque une troisième voie de réflexion, clairement distincte à la fois du nationalisme (prétendument laïque) des généraux de l’armée et du conservatisme social (s’appuyant sur l’héritage traditionnel et plébiscité par les urnes) du parti AKP au pouvoir.
La création du Parti Démocratique des Peuples (HDP), par la fédération du mouvement de la minorité kurde, de représentants du mouvement citoyen et écologiste et de formations de la Gauche radicale, est une des retombées du mouvement de 2013 et l’annonce de la possibilité d’une présence sur la scène du pays de nouveaux mouvements de contestation sociale et politique. Sa présence constante, depuis juin 2015, dans la Grande Assemblée Nationale turque, malgré la répression dont il a fait l’objet, donne fondement à cet espoir.
Des courants progressistes se manifestent aussi, bien que timidement, au sein du Parti Démocrate Populaire (CHP), jadis kémaliste et longtemps pilier de la vie politique turque, aujourd’hui écarté du pouvoir par la longue hégémonie du parti AKP d’Erdogan.
Le coup d’État raté de 2016 a déclenché une nouvelle régression politique pour le pays, qui s’est retrouvé de nouveau pris en étau entre les velléités putschistes des militaires et le pouvoir autocratique d’une Droite néolibérale et traditionaliste, représentée par Erdogan et l’AKP.
Ainsi, depuis 2013, la situation des droits humains et démocratiques en Turquie se dégrade à nouveau, en dépit des annonces médiatiques du gouvernement qui s’efforce de présenter une image favorable à l’étranger. Cette régression va de pair avec une politique militaire agressive, à l’intérieur comme à l’étranger, concrétisée par les interventions militaires à Afrin et dans le nord de la Syrie.
L’ouverture de 2009, visant notamment à trouver une solution à la question kurde, n’a pas été suivie d’effets. La représentation politique du sud-est du pays a souffert de la détention d’un grand nombre de responsables politiques locaux.
Le système judiciaire turc actuel est un des principaux leviers de la restriction, perpétrée par le pouvoir, des droits démocratiques. Les durées des détentions préventives anormalement longues, notamment de personnes mises en cause pour des délits d’opinion, sont particulièrement délétères pour l’expression libre dans le pays. Nombre de procédures judiciaires sont en attente de traitement, car la priorité est donnée aux demandes reconventionnelles déposées par les forces de sécurité.
Il y a aujourd’hui en Turquie 70 écrivains en prison et un grand nombre de journalistes, artistes et personnes politiques pris dans les tentacules d’une justice aux ordres du gouvernement.
La baisse du nombre des cas de torture et de mauvais traitements, observés dans les lieux de détention, ne saurait masquer le recours excessif à la force par le pouvoir, notamment pour la répression de manifestations n’ayant pas reçu d’autorisation préalable. L’impunité des responsables étatiques mis en cause dans des affaires de corruption ou de violation de droits humains empoisonne la vie politique.
Nouvelles menaces sur les libertés démocratiques en Turquie
Le 19 août le gouvernement turc a procédé à la destitution des maires de Diyarbakir, Van et Mardine, élus pourtant à très larges majorités 5 mois auparavant, lors des dernières élections locales, pour les remplacer par des fonctionnaires d’État, dociles au pouvoir d’Ankara. Ce coup de force du gouvernement turc fait écho dans la mémoire de la population de l’Est du pays à celui de 2016, perpétré à l’encontre des maires du HDP, dont 96 sur 102 avaient été destitué-e-s, parmi lesquel-le-s certain-e-s sont toujours emprisonné-e-s à l’image de Mme Gultan Kisanak ancienne maire de Diyarbakir.
La destitution des autorités locales élues et leur remplacement par des fonctionnaires de l’État, dociles au pouvoir central, rappele aux Français la politique en la matière du régime de Vichy pendant l’occupation nazie. En effet, les élus des villes et communes deviennent souvent dans des contextes d’oppression politique des appuis des revendications citoyennes et les autocrates s’empressent à s’en débarrasser.
La politique actuelle du gouvernement turc laisse en effet peu d’espace aux revendications citoyennes de droits individuels et collectifs et de Démocratie. Dans un tel cadre asphyxiant, les initiatives citoyennes doivent faire preuve de réalisme, de créativité, de résilience et d’endurance. L’appui du mouvement solidaire international, démocratique et populaire, est alors précieux. Ces initiatives, évoluant dans des contextes difficiles, alimentent en échange l’espoir des militant-e-s qui se battent pour des causes similaires dans leurs pays respectifs.
La destitution autoritaire des maires élus des trois grandes villes (Diyarbakir, Van, Mardine) de l’Est du pays a soulevé une vague de protestations en Turquie. Elle a été perçue à juste titre comme une nouvelle régression des libertés politiques, préfigurant de nouvelles mesures répressives pouvant aller jusqu’à l’interdiction du Parti Démocratique des Peuples (HDP), troisième force parlementaire du pays.
Ces protestations ont été relayées, par les communautés kurdes en exil, dans nombre de pays, dont la France où des manifestations ont été organisées à Paris, Marseille, Toulouse, Strasbourg et Bordeaux. Le succès de ces manifestations, en pleines vacances du mois d’août, démontre que la question des droits en Turquie, notamment ceux de la communauté kurde, mobilise largement l’opinion de gauche en France. Le soutien aux luttes démocratiques en Turquie reste un terrain de convergence des forces françaises progressistes depuis Alternative Libertaire jusqu’à EELV, en passant par LFI, le PCF et le NPA.
Le parti HDP, dépassant ses divergences stratégiques internes, lance aujourd’hui aux forces démocratiques un appel à rassemblement pour faire barrage à la dérive autoritaire liberticide du gouvernement Erdogan, désigné à l’heure actuelle comme la plus grave menace pour la Démocratie dans le pays.
Cette position se confirme par la toute récente condamnation de Canan Kaftancioglu, enseignante à la Faculté de Médecine et dirigeante du Parti Démocrate Populaire (CHP), à dix ans de prison pour des publications sur Twitter datant de plusieurs années. La vérité est que la sentence des juges serviles au pouvoir sanctionne la participation de Canan Kaftancioglu à la campagne des dernières élections municipales, le résultat desquelles a confirmé le recul dans les urnes du parti d’Erdogan.
La lutte pour l’environnement est un autre aspect de la lutte pour la Démocratie
La longévité de la gouvernance du parti d’Erdogan (AKP – Parti de la justice et du développement) en Turquie s’appuie en grande partie sur une croissance capitaliste expansionniste (investissements et conquête de marchés) orientée à la fois vers l’intérieur et l’extérieur du pays. Cette croissance, dont les résultats ont placée la Turquie au centre du système capitaliste mondial, a exploité à outrance les ressources disponibles, très souvent au détriment de l’équilibre et de la durabilité de l’environnement, de la santé des populations locales et des droits élémentaires des travailleurs de Turquie.
Elle a été en grande partie alimentée par l’afflux de capitaux étrangers qui, en synergie avec les capitalistes autochtones exploitent une main d’œuvre abondante, dont une partie issue des flux migratoires consécutifs à l’instabilité géopolitique de la région.
Cependant la sensibilité croissante face aux questions écologiques d’une importante partie de l’opinion publique turque, notamment de la jeune génération, dénonce les risques pour l’avenir du pays du modèle économique actuel, et incarne un nouvel espoir pour le renouveau de la vie politique.
Les revendications écologiques sont étroitement liées aux revendications sociales, les classes populaires étant les plus exposées aux conséquences de la dégradation de l’environnement, alors que le capital augmente ses profits en externalisant les coûts d’exploitation. Les revendications écologiques sont fortement associées à celles de Démocratie. L’environnement appartient de manière ontologique à toutes et tous à parts égales. La revendication de son statut de bien commun légitime et complète tout projet démocratique, alors que sa spoliation est favorisée par l’installation de régimes autoritaires et corrompus.
La ruée vers le profit dans le Sud-Est européen : des promesses qui brillent pour un avenir sombre
La spoliation des populations de leur environnement naturel, par les projets d’un capitalisme néolibéral agressif, touche aujourd’hui plusieurs pays , notamment dans le sud-est de l’Europe, car l’augmentation actuelle du prix des matières premières sur les marchés financiers rend envisageables des projets extractivistes, jadis écartés pour leur coût élevé d’exploitation.
De tels projets ont ainsi vu le jour en Grèce (Halkidiki), en Roumanie (Rosia Montana), dans les «nouveaux pays» des Balkans, et bien sûr en Turquie, où l’étendue du territoire et la diversité du sous-sol attirent les convoitises des compagnies minières. Les projets d’extraction de métaux précieux ou rares sur le continent et d’hydrocarbures, sur le continent et en mer, sont multitude dans le sud-est européen. La plupart sont au stade de prospection ou d’étude de faisabilité, d’autres sont au stade des travaux d’installation, alors que des mines d’or fonctionnent déjà à plein régime en Turquie (Kişladağ, au centre-ouest du pays), en Grèce (Olympiada Halkidikis, dans le Nord du pays), au Kosovo (Trpeza, près de Prizren) et en Bulgarie (Krumovgrad).
En Turquie, l’explosion en quelques années de l’activité de la mine de Kişladağ (31 tonnes en 2014 avec tendance à forte hausse) a placé le pays en tête des producteurs d’or en Europe et dans le Moyen Orient.
En Roumanie, le projet minier de Rosia Montana a été arrêté par le gouvernement, suite aux mobilisations populaires dans l’ensemble du pays et à l’étranger.
En Grèce, malgré une lutte exemplaire de plusieurs années contre le projet minier à Skouries (aussi dans la région de Halkidiki) les travaux de la compagnie ont repris, à cause de la position ambiguë du gouvernement SYRIZA (et de son ministre «écologiste» Tsironis), relayé aujourd’hui par un gouvernement de Droite très favorable au projet et aux «investissements» étrangers en général.
Partout où sont annoncés des projets miniers les sociétés locales et les opinions publiques ne sont pas majoritairement favorables, malgré la manipulation à large échelle de l’information par les compagnies minières, et des promesses surdimensionnées de créations d’emplois, un bénéfice qui ne saurait compenser les dégâts environnementaux, sociaux et même économiques.
Les combats citoyens pour l’environnement deviennent souvent le révélateur de l’indigence politique et morale des gouvernements qui se posent en porte-paroles des compagnies privées et souvent, comme en Grèce, n’hésitent pas à déployer contre les citoyen-ne-s toute la brutalité répressive à leur disposition. Des dispositifs législatifs d’exception , mis en place dans plusieurs pays pour favoriser les activités minières, et la répression des mouvements écologistes citoyens créent localement ainsi de vrais laboratoires pour des politiques les plus autoritaires et antidémocratiques.
Les ravages prévisibles des projets extractivistes vont au delà de l’horizon de la survie politique des pouvoirs en place, de celui des générations actuelles et risquent parfois d’être pérennes. La prise de conscience de cette réalité alimente les mouvements de protestation populaires écologistes, qui dépassent les clivages politiques traditionnels et les frontières des classes sociales, des générations et des communautés.
De surcroît, ces mouvements s’articulent souvent, sur un mode progressiste, avec le sentiment d’appartenance collective, communautaire ou nationale, des citoyen-ne-s. Car les projets extractivistes, au delà des ravages occasionnés de l’environnement naturel et de la qualité de vie, détruisent aussi des repères symboliques culturelles en s’attaquant au paysage, aux monuments historiques, parfois même en imposant le déracinement et l’exil de villages (Roumanie) et de communautés entières.
Toutefois les compagnies minières ne sont pas prêtes à lâcher le morceau, malgré des revers subis, temporaires (Grèce, Turquie, Guyane) ou définitifs (Roumanie). Convaincues que les décisions qui leur sont défavorables résultent de systèmes juridiques et administratifs nationaux qui «dysfonctionnent» nécessitant d’être «mis à jour», elles n’hésitent pas de contre-attaquer dans les tribunaux et instances d’arbitrage international. Elles font même l’impasse sur les décisions de la Commission Européenne, qui n’a pas validé la cession des installations minières par l’État en Grèce, et du Parlement Européen, qui a voté à nette majorité l’interdiction de l’utilisation des cyanures dans l’industrie minière. Souvent même, malgré le gel ou le retrait des licences, les compagnies, sous divers prétextes, poursuivent illégalement leurs travaux sur le terrain, à renfort de coups de répression par les «forces de l’ordre» nationales, comme se fut le cas, à Skouries de Halkidiki, dans le Nord de la Grèce.
Ces compagnies n’hésitent pas à poursuivre leurs travaux sans même la moindre certitude sur l’aboutissement final. Ceci s’explique par le fait que, dans le cadre du capitalisme financier actuel, la ruée vers le profit est distincte de la récupération et exploitation réelle des richesses du sous-sol et de la production de plus-value réelle. Aujourd’hui, les compagnies minières (et les capitaux qui investissent dans leurs activités) profitent régulièrement des gains occasionnés par la négociation de leurs actions en bourse et l’effondrement de leur valeur suite à l’échec d’un projet a un impact marginal. Le palmarès des activités d’extraction de minerais précieux est détenu par des sociétés canadiennes (Eldorado, Alamos Gold, Gabriel Resources, Columbus Gold) dont certaines auraient démarré avec de très petits moyens. Mais derrière cette apparente diversité des raisons sociales se cachent les mêmes gros investisseurs systémiques, fonds canadiens de pension en tête, capables de lisser pertes et profits sur le long terme, et même d’absorber les éventuelles faillites des sociétés individuelles. Le système du capitalisme financier, fondé sur la spéculation sur les prix des matières du sous-sol, est la locomotive de l’expansion des activités minières sur la planète.
En règle générale une compagnie minière obtenant une concession dans une région elle ne se satisfait pas d’un seul site mais cherche à s’étendre localement, telle un cancer. D’une part pour garder le chemin à ses concurrentes, d’autre part pour profiter des moyens techniques déjà installés, d’infrastructures dédiées, souvent financées par l’argent des contribuables, et des richesses des sous-sols avoisinants. Des sols, même de plus faible teneur en métaux, peuvent devenir rentables par l’utilisation de moyens techniques installés à proximité et du pouvoir acquis sur les sociétés locales. Quand bien même une compagnie n’obtiendrait pas telle autorisation pour un processus industriel de l’enrichissement, elle peut toujours exporter à l’état brut les matières prélevées à la terre et les faire traiter par une compagnie affiliée dans un pays tiers, par exemple en Chine ou en Pologne. Les matières ainsi exportées étant considérées de valeur nulle, l’activité de la compagnie est totalement exemptée d’impôts et de taxes.
Le mouvement pour la sauvegarde du Mont Ida
Un large mouvement populaire écologiste a vu le jour cette année dans le Kaz Dag en Turquie, région connue aussi sous son ancien nom de Mont Ida, site légendaire de la Troade d’Homère, qui en a fait le poste avancé des dieux de l’Olympe, le lieu même où Pâris a offert la pomme de la discorde à Aphrodite.
La région, dotée d’un très important patrimoine naturel et culturel, possède également une économie très vivante, bonne contributrice à la richesse nationale, grâce à l’agriculture et au tourisme.
La mobilisation pour la sauvegarde du patrimoine naturel et culturel du Mont Ida, de l’environnement et des ressources locales est exemplaire parce qu’elle a réuni dans le même combat collectifs citoyens, autorités locales et syndicats de travailleurs.
Elle a recours à la fois aux démarches juridiques et institutionnelles (rapports, plaidoiries), à l’utilisation large des réseaux sociaux et aux mobilisations sur le terrain. Le mouvement a généré un écho national et international. Des manifestations de soutien ont eu lieu en Allemagne et au Canada, où l’opinion publique avertie des manœuvres d’évasion fiscale des compagnies minières canadiennes, reste très attentive à leurs activités à l’étranger. En France, le sujet n’a pas été traité par les médias, les partis et les organisations citoyennes. Il n’a même pas été évoqué pendant l’Université d’été d’EELV, tenue simultanément au plus fort moment de la mobilisation en Turquie.
Le succès de la mobilisation peut aujourd’hui se mesurer au nombre des près de 600.000 signatures récoltées par la pétition contre les activités de la compagnie minière et par le retrait d’une des licences d’exploitation minière par la justice turque. Comme en Grèce, ce retrait n’a pas été suffisant pour stopper les activités de la compagnie, notamment de déforestation, encore moins de l’obliger à réparer les dégâts occasionnés sur la nature.
La lutte contre le projet de mine d’or et d’argent de Kirazli crystallise des enjeux sociaux et écologiques régionaux voire nationaux puisque, sur un horizon de quelques années, des dizaines de projets extractivistes, dans toute la région et au delà, sont sur les agendas des compagnies et des autorités turques: activités minières, centrales éoliennes ou géothermiques, ou encore projets d’agriculture industrielle à large échelle. Certains de ces projets sont même présentés comme d’intérêt écologique, alors qu’en réalité tous, individuellement et de manière cumulée, seront ravageurs de l’environnement et de la biodiversité (notamment par la déforestation massive qu’ils impliquent), nuisibles aussi pour la santé, l’autonomie et l’équilibre des sociétés locales.
La première place du podium des activités nuisibles est occupée par les projets miniers, d’extraction de métaux «précieux» ou rares à partir de milliers de tonnes de matières soustraites à la terre, traitées par l’utilisation de cyanures toxiques.
Les procédés de traitement industriel du minerai sont susceptibles de drainer la quasi-totalité des ressources en eau du territoire. À titre d’exemple, l’extraction d’un seul gramme d’or, nécessite la consommation d’au moins 3 tonnes d’eau, non restituables à la nature en l’état de sa pureté originelle. En Turquie comme ailleurs la lutte contre les projets miniers est aussi lutte pour la préservation de l’eau en quantité suffisante, propre à la consommation humaine et à l’agriculture. En fait, un nouveau site minier est prévu d’être créé à 1,5 km à peine de l’important village de Kirazli, dans la province de Canakkale. Le district de Kirazli est le bassin hydrographique du barrage d’Atikhisar, seule source d’eau potable de Canakkale, fournissant en eau plus de 180.000 habitants de la région. La menace de sa pénurie, consécutive à son gaspillage industriel et à sa pollution et toute la région.
La déforestation à large échelle, préalable initial des travaux miniers à l’impact gravissime sur la biodiversité et le micro-climat, a largement excédé sur le Mont Ida en Turquie l’étendue autorisée par les licences officielles. Elle a excédé l’opinion publique et les communautés locales et a déclenché leur mobilisation.
Kirazli est ainsi devenu le lieu de rassemblement de toutes les personnes qui s’opposent aux projets miniers. Les militants écologistes ont établi leur campement (appelé «Observatoire») à petite distance du site minier et ils y ont organisé des réunions publiques, des assemblées générales, des stands d’animation, des marches, des concerts. Des maires, de petites et grandes villes de la région, ont pris la parole lors des réunions publiques, aussitôt relayées par les chaînes locales, et des délégués du Syndicat des travailleurs turcs des Eaux et Forêts ont symboliquement cadenassé le portail du site minier en y interdisant l’accès.
Après une longue lutte de cet été, les militants ont finalement démantelé eux-mêmes le campement de «l’Observatoire» jugeant que la campagne de sensibilisation à travers cette action avait atteint ses objectifs.
Une première retombée positive des mobilisations a été le rejet juridique du rapport d’évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE) de la mine d’or Bakanlık Demirtepe, dans le sud du Mont Ida, suivi de l’abandon du projet.
Cependant, la déforestation et les autres activités de construction de la mine d’or se poursuivent à Kirazlı, dans le district de Çanakkale. Le collectif de lutte, soutenu par la solidarité nationale et internationale, poursuit ses actions sous le mot d’ordre « Le Mont Ida est à nous!»
La campagne de signatures sur internet est toujours active et il est possible d’y participer en suivant le lien suivant : http://bit.ly/2kXVAOS
L’émergence et la marche vivante d’un tel mouvement populaire écologique au nord-ouest de la Turquie a fait réapparaître sur le terrain des formes de démocratie directe, de débat fraternel et de partage, dans un pays où la Démocratie est aujourd’hui en souffrance. L’action des citoyen-ne-s engagé-e-s dans ce mouvement donne justification au proverbe chinois: «Mieux vaut allumer une seule et minuscule chandelle que de maudire l’obscurité.»
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Liens internet :
Comptes Twitter écologistes turcs :
@MiningWatch, @heryerkazdaglar, @KazdaglarK, @mininginjustice, @yesilcanakkale
Hashtags : #KazdağlarıHepimizin («Le Mont Ida est à nous tous»), #SuVeVicdanNöbeti («Regard sur l’eau et la conscience»)
EMMANUEL KOSADINOS
Psychiatre d’adultes d’enfants et de jeunes, psychothérapeute, syndicaliste à l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP),
animateur du Réseau européen pour une Santé Mentale Démocratique (RESMD),
membre du CA de l’Association Internationale pour les Politiques de santé en Europe (IAHPE),
membre du groupe de coordination de la section européenne de PHM (Mouvement Populaire pour la Santé),
militant politique, syndical et associatif
Paris – France
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