Football .Turquie : l’agression d’un arbitre, symptôme de l’impunité des “petits Erdogan” ?

Courrier International, le 13/12/2023

Connu pour sa proximité avec le président turc, le dirigeant du club d’Ankaragücü, Faruk Koca, a violemment attaqué un arbitre à l’issue d’une rencontre, lundi 11 décembre, suscitant une pluie de condamnations. La presse d’opposition turque y voit le résultat d’une polarisation de la société permise par Recep Tayyip Erdogan.

L’arbitre turc Halil Umut Meler, agressé par Faruk Koca à la fin du match Ankaragücü-Rizespor, à Ankara, le 11 décembre 2023. Photo Abdurrahman Antakyali/DEPO PHOTOS/REUTERS
 

Les images du match de première division qui opposait les clubs d’Ankaragücü et de Rizespor le lundi 11 décembre continuent de tourner en boucle sur les télévisions turques. À la 97e minute de la rencontre, qui s’achevait sur le score de 1 partout, le président du club d’Ankaragücü, hors de lui, a fait irruption sur le terrain pour asséner un violent coup de poing au visage de l’arbitre. Touché de plein fouet, Halil Umut Meler est tombé à terre, où il a reçu plusieurs coups de pied de la part des proches de l’agresseur.

Ankaragücü Başkanı Faruk Koca başta olmak üzere Ankaragüçlüler hakem Halil Umut Meler’e saha içinde saldırdı

Saldırı anının görüntüleri…https://t.co/aAaPUVC4oB pic.twitter.com/bTt0SeBRBc

— Diken (@DikenComTr) December 11, 2023

Des images d’une rare violence, qui ont été immédiatement condamnées par l’ensemble du monde sportif turc, et jusqu’au président de la Fédération internationale de football (Fifa), Gianni Infantino, qui a dénoncé des événements “inacceptables […] qui n’ont pas leur place dans le sport ni dans le reste de la société”, souligne le journal Takvim. Le président de la Fédération turque de football, Mehmet Büyükeksi, a annoncé mercredi 13 décembre la suspension du championnat jusqu’au 19 décembre.

Pendant qu’il était à l’hôpital, dont il est sorti mercredi 13 décembre, l’arbitre a refusé la visite de dirigeants du club d’Ankara venus lui présenter leurs excuses, rapporte le quotidien Cumhuriyet.

Si l’événement continue depuis des jours de secouer le pays, où le football tient une place très importante et où les incidents violents sont assez fréquents sur les pelouses, c’est que le geste émane cette fois du président d’un club, également proche du président Recep Tayyip Erdogan.

“Nous ne laisserons pas la violence s’installer”

Faruk Koca, à la tête du club depuis 2021, était auparavant connu comme un homme d’affaires assez proche du président islamo-nationaliste. Il avait d’ailleurs été élu de son parti, l’AKP. Il est également le propriétaire de la maison occupée pendant douze ans à Ankara par Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, jusqu’à son élection à la présidence, en 2014, rappelle le média en ligne T24.

“Nous ne laisserons pas la violence s’installer dans le sport turc”, a déclaré le président turc à la suite de cette agression commise par Faruk Koca, qui a été placé en détention, souligne le quotidien Milliyet.

Pour la presse d’opposition, la figure de Faruk Koca est révélatrice des dérives du monde du sport, mais aussi de la société turque dans son ensemble. “Cela fait déjà longtemps qu’être président d’un club de sport ne signifie pas se consacrer à servir une passion sportive, mais est devenu pour certains affairistes un moyen de renforcer leur pouvoir économique et leur envergure politique”, dénonce une éditorialiste du quotidien de gauche Birgün.

“Des petits Erdogan”

L’éditorialiste déplore également que certains supporteurs du club, issus des franges les plus défavorisées de la population, se soient réunis devant la prison où est incarcéré Faruk Koca pour scander des slogans de soutien et de félicitations.

“La Turquie est devenue le pays des petits Erdogan”, déplore un éditorialiste en exil dans le média en ligne Artigerçek. “Dans ce pays, dans la police, la justice, les barreaux, les syndicats l’on compte désormais partout plein de petits ‘présidents’ qui évoluent à l’ombre du grand, gonflés d’un sentiment de puissance et d’impunité”, s’alarme-t-il.

Et il rappelle que les supporteurs et dirigeants du club avaient déjà défrayé la chronique avec des slogans et des pancartes racistes, ainsi que des violences physiques demeurées impunies, contre les membres du club kurde d’Amedspor, le 24 avril 2016.

Courrier international

♦ 

Publicité