En Turquie, Erdogan tente de convaincre le nouveau dirigeant syrien d’attaquer les forces kurdes

Courrier International, le 05/02/2025

Géopolitique.

Ahmed El-Charaa s’est entretenu, le 4 février, avec le président turc. L’objectif principal de Recep Tayyip Erdogan est de persuader le président de la Syrie par intérim d’intervenir militairement contre les forces proches du PKK qui tiennent le nord-est du pays.

C’est la Turquie qu’a choisie Ahmed El-Charaa, le président par intérim de la Syrie, pour sa seconde visite officielle en tant que nouveau dirigeant de la Syrie. Ankara avait forgé, ces dernières années, une alliance avec Hayat Tahir Al-Cham (HTC), l’organisation islamiste armée dirigée par El-Charaa.

Pourtant, les relations entre HTC et la Turquie ont longtemps été compliquées, émaillées d’attaques de HTC contre les groupes armés soutenus par la Turquie et de critiques du groupe islamiste envers Ankara, qui tentait de se rapprocher du dictateur syrien déchu Bachar El-Assad.

Après sa victoire surprise sur le régime syrien et une première visite officielle en Arabie saoudite pour rassurer les monarchies du Golfe et tenter d’obtenir des capitaux, le passage par Ankara était donc un passage obligatoire.

“Djihadiste en costume cravate”

Mardi 4 février, il s’est ainsi entretenu plusieurs heures avec le président islamo-nationaliste turc Recep Tayyip Erdogan, tandis que, dans un effort pour redorer son image, sa femme se faisait photographier en compagnie de la première dame turque.

Cette visite officielle est décriée par la presse d’opposition de gauche, à l’image du quotidien Birgün, qui qualifie le nouveau leader syrien de “djihadiste en costume cravate”, rappel de son passé aux côtés de l’État islamique (EI) puis aux côtés d’Al-Qaïda en Syrie (Front Al-Nosra), avant de fonder HTC. De même, le quotidien Evrensel souligne que le groupe islamiste figure toujours sur la liste des organisations terroristes reconnues par la Turquie.

“Nous avons perdu un ennemi et gagné un ami”

Dans la presse progouvernementale, au contraire, c’est l’optimisme, voire l’enthousiasme, qui prime : “La nouvelle situation en Syrie est à l’avantage de la Turquie et renforce sa situation, nous avons perdu un ennemi et gagné un ami”, écrit l’éditorialiste de Yeni Safak Yasin Aktay, proche d’Erdogan et qui s’était rendu en janvier en Syrie pour y rencontrer Ahmed El-Charaa.

Au menu des discussions entre les deux dirigeants figuraient notamment la question du développement économique, le secteur du BTP turc, dont les grandes firmes sont notamment intéressées par les perspectives de reconstruction, ainsi que le retour des réfugiés syriens. “À mesure que l’économie [de la Syrie] se développera rapidement, les réfugiés y retourneront volontairement”, a ainsi déclaré le président turc, cité par l’hebdomadaire Gazete Oksijen.

Surtout, il s’agit pour Ankara de tenter de convaincre Ahmed El-Charaa de lancer une offensive contre le PKK, forces à dominante kurde très proches de la guérilla kurde de Turquie, qui tiennent le nord-est et une partie de l’est du pays.

Depuis des moi,s le dirigeant islamiste s’y refuse, choisissant plutôt de négocier avec les Kurdes, ce qui inquiète Ankara, qui est contre toute négociation et craint l’émergence d’un système politique fédéral qui garantirait une certaine autonomie aux Kurdes de Syrie. “Sa position sur la question du PKK en Syrie est très claire et répond aux préoccupations sécuritaires de la Turquie”, s’est félicité le ministre des Affaires étrangères turc, Hakan Fidan, à l’issue de l’entretien, soulignant que le nouveau leader syrien n’entendait pas s’orienter vers une forme d’autonomie ou de fédéralisme pour les régions kurdes, rapporte la Deutsche Welle en turc.

Coopération sécuritaire

Aucune déclaration conjointe d’action militaire contre les Kurdes n’a pourtant eu lieu, alors que les deux parties sont dans l’attente de la décision du président américain, Donlad Trump, de retirer ou non les forces américaines présentes dans la zone en soutien aux forces kurdes dans le combat contre les djihadistes de l’État islamique.

◊

Publicité