En Turquie, Erdogan divise l’extrême droite

Courrier International, le 06/12/2021

En désaccord sur l’alliance du Parti d’action nationaliste (MHP) avec le parti présidentiel (AKP), différentes mouvances de l’extrême droite turque se sont affrontées, parfois violemment, ces dernières semaines. Une partie croissante des nationalistes critique ouvertement le président Erdogan.  

Le 28 novembre, à Ankara, une cérémonie organisée en commémoration du leader historique de l’extrême droite turque, Alparslan Türkes (décédé en 1997) a été attaquée violemment par des groupes eux-mêmes affiliés à l’extrême droite, illustration des tensions grandissantes entre soutiens et détracteurs du président Recep Tayyip Erdogan au sein de la droite radicale.

Parmi les agresseurs se trouvaient en effet le chef du MHP (Parti d’action nationaliste) pour la ville d’Ankara, dont le parti est devenu depuis trois ans un allié indispensable du parti présidentiel (AKP, Parti de la justice et du développement), relate le quotidien Cumhuriye. Une participante de la manifestation témoigne avoir vu le responsable politique “de [ses] yeux” :

‘Il avait un pistolet à la ceinture’, raconte-t-elle, ‘ils étaient une cinquantaine, il y avait de très nombreux policiers devant la salle, je les ai appelés à l’aide mais ils ne sont pas intervenus’.”

Alliance avec le gouvernement

Alors que la cote de popularité de Recep Tayyip Erdogan chute régulièrement, notamment en raison de la crise économique que connaît le pays, les tensions se multiplient au sein de l’extrême droite, notamment entre le Bon Parti, créé en 2016 et dirigé par l’ancienne ministre de l’Intérieur (1996) Meral Aksener, et le MHP dont le président est issu.

Autre adversaire du parti présidentiel, le maire d’Ankara Mansur Yavas qui, bien qu’élu sous les couleurs du parti social-démocrate du CHP, est un transfuge du MHP qu’il a quitté en 2014. Accusé par les militants nationalistes de soutenir les fractions dissidentes au sein de la droite radicale, il est menacé directement par l’allié d’Erdogan et président du MHP, Devlet Bahçeli. “Qu’il surveille ses arrières, désormais il a notre souffle dans son cou”, déclarait ce dernier à la presse le 30 novembre, rapporte le quotidien Sözcü.

“Il s’agit de réactions contre ceux qui soutiennent une intervention de l’Europe et des États-Unis contre la Turquie, contre ceux qui s’allient avec des gens [de l’opposition] qui insultent notre saint Coran, qui sont des ennemis de notre drapeau et de notre nation”, justifie le journal Türkgün, très proche du MHP.

Le piège de la violence

“Pourquoi Erdogan, Bahçeli [Devlet, secrétaire général du MHP] ou le ministère de l’intérieur refusent-ils de condamner ces violences ?”, s’interroge un éditorialiste du quotidien d’opposition ultra nationaliste Yeniçag. “L’alliance de l’AKP et du MHP est déterminée à mener toutes sortes d’attaques contre ces adversaires politiques, les médias et la société civile, poursuit-il, il ne faut pas que l’opposition tombe dans leur piège”.

Alors que la grogne monte contre le gouvernement, l’opposition s’inquiète de la montée de la violence. “Ils sont prêt à tout pour ne pas quitter le pouvoir” affirmait Kemal Kiliçdaroglu, le leader du principal parti d’opposition (CHP) au mois d’octobre, disant s’inquiéter de la possibilité d’”assassinats politiques”.

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