Sur l’esplanade qui s’étend devant le palais de justice de Çaglayan, à Istanbul, un calme presque interpellant règne en ce jeudi ensoleillé du 8 juin. Voitures blindées, militaires et officiers de police trônent, immobiles, çà et là. Quelques avocats, observateurs ou simples citoyens tracent leur route, imperturbables, vers ce bâtiment aux allures de forteresse. Avant d’entrer, Erol Önderoglu, représentant de Reporters sans frontières, discute avec quelques journalistes. Boucles grisonnées, lunettes rouges sur le nez, légère chemise en lin, ce quadragénaire à la sagesse d’un vieillard, mais à l’allure juvénile parle de tout sauf de lui.

De l’intimidation que subissent ses confrères, d’une liberté de presse bâillonnée, des droits de l’homme bafoués en Turquie, ce pays devenu la plus grande prison de journalistes au monde. « J’ai dit du bien, j’ai dit du mal du gouvernement. J’ai signé des milliers d’articles sur les réformes faites en vue de l’adhésion à l’Union européenne, j’ai évoqué des exactions, j’ai visité des prisons, je passe deux jours par semaine dans ce palais de justice pour couvrir des procès de journalistes.C’est assez déplaisant de devoir s’occuper de soi-même alors que la défense de la liberté de la presse nécessite déjà tant de travail en Turquie », soupire-t-il.

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