En Inde, les tensions diplomatiques s’intensifient avec la Turquie

RFI, le 19/05/2025

Avec notre correspondante à New Delhi, Léa Aujal  

New Delhi accuse Ankara de se ranger du côté du Pakistan, en le soutenant militairement, suite à la brusque flambée de violence entre les deux voisins. Un soutien qui inquiète les autorités indiennes. Que reproche exactement l’Inde à la Turquie ? Éclairages.

Des militants de groupes hindous d’extrême droite protestent contre la Turquie et la Chine pour leur soutien présumé au Pakistan lors des récents affrontements militaires entre l’Inde et le Pakistan, à Jammu, en Inde, le jeudi 15 mai 2025. AP – Channi Anand

L’armée indienne affirme détenir des preuves tangibles d’une implication turque dans le conflit entre le Pakistan et l’Inde. Selon les autorités indiennes, l’armée pakistanaise a utilisé des drones kamikazes turcs lors des récents affrontements. Le fait que New Delhi nomme explicitement les drones turcs dans ses accusations n’est pas anodin. Le Pakistan s’appuyait essentiellement sur du matériel militaire chinois. Cette fois, la présence de drones kamikazes de fabrication turque sur le sol indien illustre un tournant stratégique : celui d’une coopération militaire turco-pakistanaise de plus en plus assumée.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est d’ailleurs entretenu par téléphone la semaine dernière avec le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif. Il lui a exprimé sa solidarité après les frappes indiennes. 

Et dans ce contexte de tensions, L’Inde a pris des sanctions… 

L’attitude de la Turquie provoque une vague d’appels au boycott en Inde, où domine un fort sentiment nationaliste. Sur le plan touristique, la riposte prend de l’ampleur. Plus aucune publicité vers la Turquie et son état frère l’Azerbaïdjan. Plusieurs plateformes de réservation de vol ont cessé de promouvoir ces deux destinations. Et cela semble fonctionner : jusqu’à 60 % de baisse des réservations selon les professionnels du secteur et une explosion des annulations. 

Dans l’enseignement supérieur, au nom de l’intérêt national, plusieurs établissements ont rompu leurs partenariats académiques avec des institutions turques. L’université de Chandigarh, cette ville de plus d’un million d’habitants, a mis fin à ses liens avec 23 universités turques. 

Et ce mouvement de boycott vis-à-vis de la Turquie va plus loin. L’association des grossistes en textile, a décidé de suspendre immédiatement tout commerce avec la Turquie et l’Azerbaïdjan. 

Pourtant, la Turquie et l’Inde ont entretenu jusqu’ici des liens diplomatiques constants… 

Oui, de longs liens diplomatiques depuis 70 ans. Ces dernières années, plusieurs rencontres au sommet avaient même laissé entrevoir un rapprochement.

Ainsi, en septembre 2023, le président turc Erdogan s’est rendu à New Delhi pour le sommet du G20, où il a rencontré le Premier ministre Narendra Modi en marge des discussions. 

Commerce, défense, sécurité, aviation ou encore transport maritime : les deux dirigeants avaient évoqué le potentiel de collaboration dans plusieurs domaines stratégiques.

Mais aujourd’hui la table semble renversée. L’implication militaire présumée d’Ankara aux côtés du Pakistan ravive les tensions régionales et met à mal des décennies de relations bilatérales. De son côté, New Delhi lance un appel clair à la communauté internationale : toute solidarité affichée avec Islamabad sera perçue comme un acte hostile.

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