Élections municipales bis à Istanbul, défaite bis pour Erdogan ?

Courrier International, le 21/06/2019

CUMHURIYET – ISTANBUL

Meeting électoral du CHP, le principal parti d’opposition, le 19 juin à Istanbul.  PHOTO / MURAD SEZER / REUTERS

Après avoir fait annuler sa défaite lors des élections du 31 mars, le président Erdogan et son parti pourraient à nouveau ce dimanche 23 juin perdre Istanbul, une ville qu’ils administrent depuis 1994.

L’opposition turque retient son souffle à l’approche des élections municipales d’Istanbul du 23 juin. Sa précédente victoire, lors des élections du 31 mars 2019, a été annulée sur demande du parti au pouvoir, l’AKP. Mais les sondages et l’humeur de la rue sont plus que jamais en faveur du candidat d’opposition alors que cette élection locale a pris les allures d’un référendum pour ou contre le pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan.

Et les abstentionnistes pourraient bien être les faiseurs de roi, écrit le quotidien d’oppositionCumhuriyet : “17 % des Stambouliotes ne se sont pas rendus aux urnes, en majorité des électeurs de l’AKP ou du MHP [extrême droite], en restant chez eux, ils ont manifesté leur mécontentement à l’égard du pouvoir, sans pour autant basculer dans le camp de l’opposition”, explique Bekir Agirdir, président de l’institut de sondage Konda, interrogé par le quotidien.

Que feront donc ces électeurs le 23 juin ? S’interroge le journal, qui donne l’exemple de Halil Erkek, chauffeur de taxi âgé de 62 ans :

« Je suis un ancien électeur du MHP, maintenant je vote pour l’AKP, c’est la même chose, ce sont deux partis de droite, nationalistes. Le 31 mars, je ne suis pas allé voter, car les factures s’accumulent, tous les prix ont augmenté. Mais maintenant que j’ai vu que nous avons failli perdre la ville, je vais aller voter cette fois-ci. On voulait montrer notre mécontentement, mais on ne peut pas laisser la ville à l’opposition, pas après tout ce qu’a fait l’AKP, les tunnels, l’aéroport qu’ils ont construits n’ont pas d’équivalent dans le monde. J’ai convaincu ma femme d’aller voter avec moi, mais mon aîné refuse obstinément, je le forcerai bien à y aller mais j’ai trop peur qu’il mette un bulletin CHP [le parti d’opposition] dans l’urne.”

Pour d’autres électeurs, c’est l’annulation de l’élection précédente qui fait pencher la balance, rapporte Cumhuriyet, citant le cas de Serdar, un fonctionnaire de 39 ans : “Normalement, je vote pour l’AKP, en m’abstenant j’ai voulu envoyer un message, je ne m’attendais pas à cette défaite. Mais l’annulation des élections m’a mis hors de moi, ils n’ont aucune explication, aucun motif valable à nous donner pour justifier cette annulation, ils ont perdu donc ils annulent, point. C’est insupportable. Je ne sais pas encore si j’irai voter mais si j’y vais, ce sera pour donner ma voix à l’opposition.”

Le vote des Kurdes sera aussi déterminant, rappelle Bekir Agirdir :

« Même si le parti prokurde a appelé à battre l’AKP, sur les 1,2 million d’électeurs de ce parti, au moins 200 000, en dépit de ces appels et de leur hostilité à Erdogan, ont du mal à se résoudre à voter pour le CHP, qu’ils trouvent trop nationaliste. »

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