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Courrier International, le 24/09/2022
Bruxelles craint qu’Ankara ne devienne une plateforme permettant aux entreprises russes et européennes de contourner les sanctions prises contre Moscou afin de continuer à commercer, explique ce quotidien catalan
La Vanguardia
Traduit de l’espagnol
DESSIN DE KAZANEVSKY, UKRAINE.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’exode des entreprises occidentales ne s’est pas arrêté. Selon le décompte de l’université Yale (États-Unis), plus d’un millier d’entreprises européennes et nord-américaines ont désormais rompu leurs liens avec le pays responsable de l’invasion de l’Ukraine.
Début septembre, les équipementiers Dell, Ericsson et Nokia se sont retirés, et peu avant, la compagnie pétrolière française Total avait été contrainte d’interrompre ses activités après des révélations sur sa présence en Russie. Dans ce contexte, les dernières nouvelles de l’emblématique bière belge Leffe sont des plus surprenantes.
Les deux plus célèbres variétés de Leffe, la Leffe blonde et la Leffe brune, vont en effet commencer à être produites dans sept villes russes (Oulianovsk, Kalouga, Omsk, Voljski, Saransk, Kline et Ivanovo), a tweeté la Chambre de commerce belgo-luxembourgeoise en Russie début août.
Paradoxalement, le brasseur avait pris la décision de quitter le pays en avril, et les appels au boycott de la Leffe et des autres bières du groupe sont rapidement devenus un cauchemar pour AB InBev, qui possède également les marques Stella Artois, Budweiser et Corona.
Même si le train des sanctions européennes contre Moscou ne concerne pas les aliments ni la bière – à condition que les entreprises qui les produisent ne collaborent pas avec des entreprises ou des individus qui soutiennent le Kremlin –, l’apparition d’une entreprise turque – dans ce cas la joint-venture d’ Ab inBev et d’ Anadolu Efes [qui est également le nom d’un club de basket à succès d’Istanbul] – comme alibi afin de pouvoir opérer en Russie illustre une problématique qui inquiète l’Union européenne : l’utilisation de la Turquie comme cheval de Troie afin de contourner des sanctions occidentales et continuer le commerce avec la Russie.
Les sanctions contre la Russie prolongées de six mois
Le 14 septembre, le Conseil de l’Union européenne a prolongé de six mois – jusqu’au 15 mars 2023 – son paquet de sanctions économiques contre la Russie. En réaction à l’invasion russe en Ukraine, le 24 février, Bruxelles avait adopté un certain nombre de mesures pour affaiblir Moscou. Au total, 1 206 personnes – parmi lesquelles de nombreux hauts dignitaires russes, à commencer par le président Vladimir Poutine – et 108 entités sont concernées par ces sanctions. Bruxelles se justifie en estimant que “leurs actions ont compromis l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine”. Le site d’information espagnol El Nacional.cat évoque, entre autres mesures, “un embargo partiel sur le pétrole russe, le gel des avoirs des entreprises et des oligarques, et l’interdiction de faire le commerce de produits technologiques ou de luxe”. “Des restrictions sur les voyages et l’utilisation de l’espace aérien” s’appliquent également, de même que l’exclusion de certaines banques du système Swift, ajoute le média de gauche Público. “La première fois que l’UE a pris des sanctions contre la Russie, c’était en 2014, lorsque Poutine a pris la décision d’envahir la péninsule de Crimée”, précise El Nacional.cat.
L’UE n’a pas publiquement abordé la question et ne l’a pas encore placé sur la liste de ses contentieux politiques avec Ankara, mais la Commission européenne et les gouvernements des pays membres sont sur le qui-vive et suivent “de très près” tous les mouvements commerciaux et politiques entre la Turquie et la Russie, surtout depuis le sommet de Sotchi, où leurs dirigeants respectifs ont réitéré leur volonté de coopérer.
Toutefois, la question a été traitée de manière diplomatique. “La Turquie sait ce que nous attendons d’elle, à savoir ne pas profiter du départ des entreprises européennes et ne pas aider la Russie à contourner les sanctions européennes”, indiquent des sources européennes. Mais ce n’est apparemment pas le cas.
La Turquie, qui ne fait pas partie de l’UE mais de l’Otan, n’a pas pris de mesures contre Moscou et ne s’est pas alignée sur celles adoptées par le bloc occidental contre les alliés du Kremlin et les secteurs industriels stratégiques. Le pays affirme vouloir jouer un rôle de médiateur avec Vladimir Poutine, comme l’illustre son intervention pour faciliter les exportations de céréales d’Ukraine.
“Nous n’avons rien à reprocher à la Turquie à cet égard, mais nous constatons une hausse des échanges commerciaux entre la Turquie et la Russie”, soulignent les sources européennes. “Reste à savoir s’il s’agit d’un phénomène ponctuel ou plus systématique. Il faut aussi chercher à découvrir qui en est à l’origine, et si les instances officielles donnent leur feu vert”, ajoute-t-on à Bruxelles.
Hausse des échanges économiques russo-turcs
Certains suggèrent qu’ Erdogan ferme les yeux sur de telles pratiques pour soulager la situation économique précaire du pays à l’approche de l’élection présidentielle de 2023. “Il ne nous a pas échappé que certaines sociétés qui cherchent à occuper le vide laissé par les entreprises européennes appartiennent en partie à l’État”, ajoutent les sources.
L’intensification des relations économiques bilatérales, ainsi que l’installation en Turquie de sociétés russes qui pourraient ainsi opérer en Europe, laisse penser, selon Bruxelles, qu’elles pourraient servir de couverture afin de contourner les sanctions. Le gouvernement turc affirme que ces soupçons et ces accusations (rendues publiques par les États-Unis par l’intermédiaire du Trésor, qui a menacé de sanctions américaines les entreprises turques qui aideraient les entreprises russes) n’ont aucun fondement.
Au début de la guerre, le retrait des entreprises occidentales de Russie a été facile et rapide. Mais au-delà de l’obligation légale et de la volonté réelle de certaines entreprises de renoncer à ce marché, la législation approuvée ensuite par le Kremlin pour contrecarrer cet exode a compliqué le processus.
Comme le brasseur belge s’est empressé de l’expliquer, la décision de produire en Russie la Leffe, une bière née à Louvain il y a sept cent cinquante ans, ne vient pas d’ AB InBev, mais de son partenaire turc, Anadolu Efes, avec lequel a été créée une joint-venture dans laquelle le groupe belge n’est pas majoritaire. “La suspension de la licence de vente de certaines marques fait partie des discussions en cours avec Anadolu Efes” afin de rompre ce partenariat, a déclaré une porte-parole de la société, en référence à l’annonce, début avril, d’une perte de 1,1 milliard de dollars pour AB InBev.
“La morale ne compte plus”
Mais, cinq mois plus tard, la vente de la participation belge n’est toujours pas finalisée, et le brasseur belge se retrouve dans le collimateur des consommateurs européens, du gouvernement ukrainien et de personnalités comme Katya Ioutchenko, qui l’accuse de participer au “génocide” contre son pays. “Les Européens aiment nous faire la leçon sur la corruption, mais dès qu’il y a de l’argent en jeu, la morale ne compte plus”, a tweeté l’épouse de l’ancien Premier ministre ukrainien.
Les discussions se poursuivent. Entre-temps, depuis le début de la guerre, AB InBev a renoncé aux bénéfices engendrés par la production en Russie et, depuis avril, brasse la bière ukrainienne la plus populaire, la Chernigivske, pour l’exporter dans d’autres pays du monde. Le brasseur reverse l’intégralité des bénéfices à des organisations humanitaires qui viennent en aide à l’Ukraine. Pour autant, tant qu’AB InBev n’aura pas vendu sa participation, Anadolu Efes pourra brasser et vendre une large gamme de bières occidentales en Russie.
Beatriz Navarro
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La Vanguardia
Barcelone Espagne Quotidien en espagnol
“L’Avant-Garde” a été fondée en 1881 à Barcelone par la famille Godó, qui en est toujours propriétaire. Ce quotidien au format berlinois est le deuxième du pays en matière de diffusion, et le numéro un en Catalogne, juste devant El Periódico de Catalunya. Dans la Catalogne d’aujourd’hui, le journal prône un régionalisme modéré.
Depuis 2011, La Vanguardia existe aussi en version catalane. Jusqu’alors, “le plus ancien, le plus lu, le plus vendu et le plus influent des quotidiens publiés en Catalogne” paraissait uniquement en espagnol, contrairement à son challenger El Periódico de Catalunya, qui existe dans les deux langues officielles de la région depuis 1997. Le journal met ainsi fin à ce qu’il qualifie d’“anomalie” et se met en phase avec une société qui, depuis trente ans, est scolarisée en langue régionale. Pour illustrer sa première une en catalan, le journal avait choisi une œuvre de Tàpies, mais la capture et la mort d’Oussama Ben Laden en ont décidé autrement.
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