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Le Monde, le 07/03/2016
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Au premier plan des dirigeants européens réunis lundi 7 mars à Bruxelles, la chancelière Angela Merkel.
Le sommet avec la Turquie, lundi 7 mars à Bruxelles, va-t-il signer la capitulation morale de l’Union européenne (UE) ? Selon des sources diplomatiques européennes, la chancelière Angela Merkel et Mark Rutte, le premier ministre néerlandais, ont préparé un plan qu’ils voudraient faire accepter par le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, consistant à renvoyer en Turquie les Syriens présents en Grèce.
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Ce « plan », qui devrait être discuté lundi après-midi par les 28 chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, puis, éventuellement, agréé à 28 plus M. Davutoglu dans la soirée, consisterait à utiliser l’accord de réadmission existant entre la Grèce et Ankara pour renvoyer en Turquie, dans les quatorze jours suivant leur arrivée en Grèce, les Syriens, y compris ceux qui fuient la guerre dans leur pays, et qui auraient déposé une demande d’asile en Grèce.
Que demandent les Turcs en retour ?
Davutoglu, en position de force, alors que les Européens semblent prêts à tout pour transformer l’Union en bunker, exigerait davantage d’argent. En novembre dernier les Européens ont accepté de verser 3 milliards d’euros pour aider la Turquie à garder les Syriens dans ses camps. Ankara demande depuis des mois non pas 3 milliards pour solde de tout compte, mais trois milliards supplémentaires « d’ici à la fin 2018 », d’après une note turque circulant en marge du sommet, intitulée « EU-Turkey joint actions ». Cette demande turque a été confirmée par le président du Parlement européen Martin Schulz.
La libéralisation des visas pour l’Europe « au plus tard le 1er juin » est aussi sur la table, à condition que les Turcs s’engagent à respecter le futur accord de réadmission entre l’Union européenne et la Turquie, qui devrait entrer en vigueur le 1er juin. Alors que dans l’accord déjà négocié avec les Turcs fin novembre la libéralisation des visas ne devait intervenir que fin octobre 2016.
Ankara souhaite également que l’Europe mette enfin en place, « en échange » des Syriens reconduits en Turquie, un corridor humanitaire directement depuis les camps de Syriens installés sur son territoire. Ce serait « 1 Syrien pour 1 Syrien ». Ces demandes figurent dans le document turc. Quid des conventions de Genève sur l’accueil des réfugiés ? » « Athènes a reconnu la Turquie comme un pays sûr », justifie une source diplomatique…
Quel est le but d’Angela Merkel ?
La chancelière, qui affronte des élections locales dans trois Länders le 13 mars (Bade-Wurtemberg, Rhénanie-Palatinat et Saxe-Anhalt), veut éviter à tout prix un affaiblissement de la CDU, sa famille politique. « Elle veut absolument que la pression retombe sur la Grèce », ajoute cette source diplomatique.
Athènes est confrontée depuis quelques jours à une véritable crise humanitaire, avec près de 30 000 réfugiés coincés dans le pays depuis que la route des Balkans qu’empruntaient jusqu’alors les réfugiés et les migrants pour gagner l’Allemagne et la Suède s’est refermée, fin février. Berlin redoute que le sauvetage financier de la Grèce ne déraille, le gouvernement Tsipras étant trop déstabilisé pour pouvoir continuer à dérouler comme prévu le programme d’austérité que lui imposent ses créanciers (dont l’UE).
Mme Merkel veut aussi envoyer un signal fort non seulement aux migrants économiques mais aussi aux Syriens : il ne sert à rien qu’ils risquent leur vie à traverser la Méditerranée, il vaut mieux qu’ils attendent en Turquie, soit la fin de la guerre en Syrie, soit que le « corridor humanitaire » avec l’Union s’ouvre.
Que pensent les autres Européens de ce « plan » ?
« C’est une idée de Merkel de Rutte. Juridiquement délicate, pratiquement compliquée », souligne une autre source diplomatique. Volonté de préserver la chancelière? En fin d’après midi, ce plan « Syriens contre Syriens », était devenu une proposition des Turcs. Moins explicite que les sources diplomatiques du matin, il précisait que la Turquie allait « réadmettre rapidement tous les migrants irréguliers arrivant dans les Iles grecques depuis la Turquie ».
Les dirigeants européens ont découvert cette proposition, pour la plupart, lundi après midi, et « ils se posent beaucoup de questions, sur la base légale de la proposition, sur sa faisabilité pratique, etc », expliquait un diplomate, dans l’après midi.
Jusqu’à présent, il n’avait jamais été question que de renvoyer les migrants économiques en Turquie, pas les Syriens à qui Angela Merkel avait tendu les bras fin août. Et déjà , ces « refoulements » massifs avaient soulevé les questionnements des ONG, s’interrogeant sur leur légalité. Alors que dire des refoulements de Syriens… « Je ne connais pas encore les détails de cette stratégie mais si elle contribue à lutter contre les trafiquants, il faut la soutenir », a déclaré M. Schulz dans l’après midi.
Pas sûr en tout cas que tous les pays acceptent. A en croire le président Hollande à son arrivée à Bruxelles, lundi midi, la France préférerait que la Grèce soit « soulagée », avec des relocalisations de Syriens depuis la Grèce vers d’autres pays de l’Union. « Qu’il y ait des retours des non-Syriens [vers la Turquie], oui, c’est nécessaire, puisque ce sont des migrants qui n’avaient pas vocation à être en Europe. Après, nous discuterons de savoir comment on peut faire avec les Syriens. Parce que s’ils sont en Grèce, mieux vaut les réinstaller depuis la Grèce », a déclaré le président français, qui n’a été prévenu du « plan » que lundi matin, lors d’une réunion bilatérale avec la chancelière.
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