Le 24 mars dernier, Bülent Kiliç est encore dans son lit lorsque la police frappe à sa porte. « À 6 h du matin, la police a sonné à ma porte. Le premier policier qui m’a parlé était poli, et il ne connaissait même pas la raison de mon arrestation. Ils ne m’ont rien dit. Mais moi, je connaissais la raison. Et puis… quand je suis arrivé au commissariat, on m’a enfin donné un motif officiel. Ils m’ont dit que j’étais allé à la manifestation en tant que manifestant, en tant que participant ».
Le photojournaliste turc de 46 ans est reconnu dans son pays comme à l’étranger. Il a notamment travaillé pour l’AFP et a été récompensé du Prix Pulitzer en 2014.
La veille de son arrestation, il couvrait une manifestation interdite
La police ne pouvait pas l’ignorer. C’est donc sous un faux prétexte qu’il est arrêté, en même temps que sept autres journalistes. « Ensuite, ils nous ont emmenés au sous-sol du commissariat de police. Ce n’était pas facile, car on m’a obligé à dormir par terre, à côté des toilettes, pendant une nuit. C’était assez pénible pour moi. Ensuite, nous sommes allés dans une première prison, puis dans une deuxième… et le quatrième jour, nous avons été libérés ».
À lire aussiManifestations en Turquie: le gouvernement accentue la répression et fustige des «provocateurs»
« Nous sommes dans un autre monde maintenant »
Libéré grâce à la pression internationale, Bülent Kiliç n’est pas retourné photographier les opposants au pouvoir turc. « Non, non, non… je n’y vais pas. Je n’y suis pas retourné… Je veux faire attention à l’endroit où je mets les pieds, vous savez. C’est un nouveau monde. Le pouvoir a franchi une nouvelle étape, et moi, je dois être prudent, parce que je dois travailler. Ce n’est pas agréable. Ils m’ont arrêté pendant quatre jours. J’ai perdu deux contrats et ce n’est pas facile pour moi.
Travailler en zone de guerre est plus facile pour moi aujourd’hui que de travailler à Istanbul. Au moins, je sais que personne ne viendra m’arrêter pour me dire : « Hé, tu viensde prendre des photos » ? »
Bülent Kiliç est parti pour le Liban, puis laSyrie, sans savoir s’il pourra un jour exercer son métier en Turquie sans risquer la prison.