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Le Petit Journal d’Istanbul, le 26/11/2023
Écrit par Pauline Sorain
Dans la circulation chaotique des grandes villes de Turquie et particulièrement à Istanbul, on ne peut pas les rater. Les « Kurye » en turc, font partie du paysage (ils œuvrent pour Getir, Yemeksepeti, Trendyol, Yurtiçi Kargo, etc.). Grâce à eux, nous pouvons avoir nos courses, nos repas, à toute heure et en un rien de temps. Ils sont des milliers à slalomer en permanence au milieu du trafic, quitte à prendre en permanence de nombreux risques. Au 11 novembre, depuis le début de l’année, 54 coursiers motorisés sont morts au travail.
Essentiels au fonctionnement de l’économie, ils travaillent cependant dans un secteur très concurrentiel où il faut toujours aller plus vite.
Un métier à risque
En 2022, au moins 58 coursiers sont morts à cause de la pression, du harcèlement moral, de la vitesse, des longues heures de travail et des agressions, selon les données du Conseil pour la santé et la sécurité au travail (İşçi SaÄŸlığı ve Ä°ÅŸ GüvenliÄŸi Meclisi – Ä°SÄ°G).
Cette année-là , les coursiers s’étaient largement mobilisés pour dénoncer des augmentations de salaire insuffisantes et leurs mauvaises conditions de travail.
Si une partie d’entre eux travaillent dans des conditions légales, c’est loin d’être le cas pour tous. Malgré un droit syndical peu développé et des pressions constantes de la part des entreprises, certains s’organisent pour dénoncer un système qu’ils considèrent esclavagiste et à risque.
Très souvent, ce sont des jeunes sans expérience. Plus de la moitié des 54 coursiers décédés en 2023 étaient âgés d’une vingtaine d’année, selon l’association pour le droit des coursiers (Kurye Hakları Derneği).
Dans la province égéenne d’Izmir, le 19 septembre dernier, un coursier a été abattu en pleine rue dans le quartier de KarabaÄŸlar, après un accrochage lié aux difficultés de circulation.
Un secteur peu réglementé
Alors que le seuil légal d’heures de travail est de 45 heures par semaine en Turquie, les coursiers travaillent souvent 15 à 16 heures par jour. Les coursiers qui livrent le plus de commandes gagnent plus d’argent, tout en devant payer de leur poche les primes d’assurance, le carburant, l’entretien et les équipements.
Lors des heures de pointes, les commandes prévues dans un restaurant sont souvent reportées sur une autre succursale de la même chaîne, moins fréquentée. Si la commande refroidit, ou si le plat est renversé à cause de la longue distance, les frais sont à la charge du coursier.
Aussi, les coursiers ont exprimé différentes revendications : la fin des contraintes de performance, le renforcement des mesures de santé et de sécurité au travail, la limitation du temps de travail et enfin une protection accrue face aux agressions.
Des enjeux de protection
Les dirigeants de l’association pour le droit des coursiers ont souligné que l’enjeu résidait également dans la catégorisation du métier. Aujourd’hui, ces derniers exercent un métier considéré comme peu dangereux. Aussi, ils souhaitent une requalification en métier à risque afin que les coursiers puissent bénéficier d’une meilleure protection : certificat de qualification professionnelle obligatoire, formation avancée à la conduite, prise en charge des équipements de protection, etc.
Le contexte d’inflation galopante (que la nouvelle revalorisation à 40% du taux directeur de la banque centrale cherche toujours à endiguer), ne contribue pas à l’amélioration de leur situation.
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