« Mehmet Ulusoy. Un théâtre interculturel » de Béatrice Picon-Vallin et Richard Soudée
Mehmet Ulusoy, aristocrate caucasien, est venu au théâtre dès le lycée par la pra-tique amateur et la lecture de Nazim Hikmet, qui sortira le théâtre dans la rue et sur les places de village et prendra tous les risques pour faire du théâtre engagé. Au carrefour de plusieurs cultures — la culture populaire turque (karagoz, marionnettes, art du conteur tekerlemé, fêtes) et le théâtre d’art européen (le Piccolo de Strehler et le Berliner Ensemble où il sera assistant ou stagiaire) auquel s’adjoindra plus tard la culture caribéenne de l’île de la Martinique —, Ulusoy occupe une place particulière dans l’histoire du théâtre français du dernier quart du XXe siècle où s’est déroulée une grande partie de sa carrière et dont il est un des étrangers actifs : en 1972, après avoir fui la Turquie, il y fonde une troupe sans lieu fixe où se rassembleront des acteurs et des artistes venus de différents pays voire continents — comme chez Mnouchkine, Serreau et Brook, mais à leurs marges. Pour Ulusoy, quelle que soit son origine, un acteur entrait dans une distribution, non pour jouer un personnage, mais pour faire un spectacle, avec un groupe.
Entre Turquie, France et Martinique, il va pratiquer un théâtre libre (« de Liberté », c’est le nom de son théâtre) et nomade, profondément politique et contestataire sans slogan ni didactisme, en s’appuyant sur les pratiques de Brecht et Meyerhold, en se nourrissant de la théorie du grotesque qu’il appelle aussi fantastique — en admirateur de Brueghel qu’il est. Son théâtre est un théâtre de montage, tant dans le travail dramaturgique sur des textes qui au départ ne sont pas du théâtre que sur celui du jeu de l’acteur.
Ed. L'Age d'Homme, 2010, 280 pages
Lire aussi- N° Spécial OLUSUM/GENESE : La République turque a cent ans
- Vient de paraître : Lettres d'exils (1975-1995) de Nedim Gürsel
- Lecture d'été : "Brûlures d'une enfant de la République" de Gül ILBAY
- Lecture d'été : "Redécouvrir les Ottomans" de Ilber Ortaylı
- Journal inquiet d'Istanbul d'Ersin Karabulut