« Un mur de dissuasion contre la Turquie » : Israël, la Grèce et Chypre renforcent leur alliance

Les Echos, le 22/12/2025

Décryptage

Par Pascal Brunel

Le Premier ministre grec et le président chypriote effectuent une visite commune en Israël en vue d’un renforcement de la coopération militaire face à la Turquie, considérée comme une menace par les trois pays.

 
Israël gère des plate-forme sur ses champs gaziers (ici le champ Leviathan) mais détient aussi des parts d’Aphrodite, un important champ gazier chypriote, via la firme israélienne NewMed Energy. (Photo Ariel Schalit / Ap / SIPA)

« Un mur de dissuasion contre la Turquie. Â» Cette manchette barrait, dimanche, toute la une du « Yediot Aharonot Â», le quotidien israélien le plus populaire, à l’occasion de la visite de Kyriakos Mitsotakis et de Nikos Christodoulidis, respectivement Premier ministre grec et président chypriote. Ils participent ce lundi à un sommet tripartite avec Benyamin Netanyahou, le chef du gouvernement israélien.

Au menu des discussions figure avant tout un renforcement de la coopération militaire, mais aussi énergétique. La semaine dernière, un média grec a été un peu vite en besogne en évoquant la prochaine mise sur pied d’une unité d’intervention rapide composée de plusieurs milliers de soldats des trois pays.

« Nous n’en sommes pas là. Pour le moment, il s’agit avant tout de renforcer nos liens. D’ores et déjà nous coopérons étroitement. Israël et la Grèce participent ainsi à au moins 40 exercices militaires conjoints Â», affirme un diplomate israélien. Et d’ajouter : « Il ne s’agit pas de traiter la Turquie en ennemie, mais de réfréner ses ambitions régionales. Â» Les motifs d’inquiétude suscités par Recep Tayyip Erdogan, le président turc, ne manquent pas pour impulser une telle alliance d’intérêts.

Violations de l’espace aérien grec

Israël dénonce le soutien accordé par Ankara au Hamas, alors qu’une partie des dirigeants islamistes palestiniens se sont réfugiés en Turquie. Le gouvernement israélien met aussi son veto à toute participation de soldats turcs à une « force de stabilisation internationale Â» prévue par le plan de paix de Donald Trump pour la bande de Gaza. L’Etat hébreu s’inquiète enfin des volontés hégémoniques prêtées à la Turquie en Syrie depuis la chute de Bachar Al-Assad.

Des tensions se sont également multipliées entre la Turquie, la Grèce et Chypre, notamment sur l’exploitation de champs gaziers en Méditerranée, à propos de la délimitation des eaux territoriales et des zones économiques exclusives en mer Egée. Et Athènes dénonce des violations régulières de son espace aérien par l’aviation turque.

Résultat : Athènes et Nicosie estiment qu’Israël peut jouer un rôle de contrepoids. L’Etat hébreu fournit d’ores et déjà des armes à ses deux « alliés Â». La Grèce s’est équipée tout récemment d’un système de lance-roquettes israéliens.

Batteries de missiles antimissiles

Chypre, dont le ministre de la Défense s’est rendu la semaine dernière en Israël, a acquis des Ã©quipements israéliens de défense aérienne. Athènes pourrait aller encore plus loin. Des négociations sont en cours pour l’achat par la Grèce de batteries de missiles antimissiles israéliennes de type « fronde de David Â» pour un contrat qui pourrait dépasser le milliard de dollars.

Par ailleurs, les concertations et échanges de renseignements se multiplient. Tout récemment, le prochain patron du Mossad, Roman Gofman, a fait un déplacement à Athènes, tandis que le commandant de l’aviation israélienne, le général Tomer Bar, a rencontré des officiers supérieurs grecs et chypriotes.

Israël touché par une « fuite des cerveaux »

Le rapprochement est également sensible dans le secteur de l’énergie. La firme israélienne NewMed Energy détient 30 % des parts d’Aphrodite, un important champ gazier chypriote offshore, alors que la Turquie a des revendications sur la zone maritime où il se trouve.

Les trois pays planchent sur un projet surnommé EuroAsia Interconnector, prévoyant la pose d’un câble sous-marin de transport d’électricité à haute tension de près de 1.500 km de long pour relier le réseau électrique israélien à ceux de Chypre et de la Grèce. Il devrait permettre à l’Etat hébreu d’être connecté pour la première fois au réseau électrique de l’Union européenne.

Pascal Brunel (Correspondant à Tel-Aviv)

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