Turquie : mobilisation des agriculteurs

France Culture / Radio France, le 29/08/2024

Turquie, Serik, ancienne ville d’Aspendos, aqueduc et champ de chaume ©Maxppp – Martin Siepmann

La Turquie vit une véritable crise agricole. Eleveurs, agriculteurs quittent leurs champs et leurs exploitations pour faire bruyamment entendre leur plainte. Ils ne peuvent plus couvrir les coûts de production, doivent vendre à perte et ne voient aucune issue se dessiner.
Les agriculteurs turcs bloquent les routes avec leurs tracteurs, déversent des tonnes de tomates dans les rues, distribuent melons et pastèques gratuitement ou encore laissent leurs fruits pourrir dans les champs… Le 1er août, ce sont les producteurs de pâte de tomate qui ont investi la ville d’Izmir, avec un cercueil portant l’inscription « Vous avez tué les fermiers, disposez de leurs corps ». Le 4 août, les producteurs de pistaches d’Antep, juchés sur une centaine de tracteurs, déversaient des sacs entiers devant le marché. La pistache, c’était l’or vert en Turquie, une époque révolue. Le 8 août, plusieurs milliers de producteurs de blé ont bloqué la route entre Bursa et Istanbul. Le 11, c’était le tour des producteurs d’abricots de Malatya. Et ainsi de suite… Chaque jour, une nouvelle mobilisation. Mais un même combat.

Les fermiers turcs disent ne plus pouvoir vivre de leur travail. Le coût des intrants, les engrais, pesticides, les semences a explosé, entre 50 et 90% de plus, mais eux doivent vendre au même prix, voire moins cher, que l’année dernière. Le diesel a pris plus de 100% en un an. Ils ont calculé qu’un plein de tracteur, c’est l’équivalent de 400 kilos de blé. Sans oublier les salaires, multipliés par trois pour les ramasseurs d’abricots. Il n’est plus rentable de les récolter.

 
L’inflation des produits alimentaires est pourtant forte en Turquie

Selon l’OCDE, la Turquie est même au premier rang avec une inflation de 68% pour l’alimentation sur un an, mais si la valse des étiquettes se poursuit dans les supermarchés, sur le terrain, les négociants mènent la vie dure aux agriculteurs. Ils négocient toujours plus à la baisse. Devant l’abondance des récoltes de tomates, les industriels n’ont même pas respecté le prix fixé par contrat. Moins de 2 livres turques alors qu’il aurait dû être de 5 livres. Pour les melons, le coût de production est 5 fois plus élevé que ce que les négociants proposent.

Et la colère des agriculteurs turcs est nourrie par ce qu’ils ressentent comme un abandon de la part du gouvernement et des institutions. Ils sont laissés seuls face aux négociants. Ils dénoncent l’indifférence des chambres d’agriculture et des coopératives. Ils attendent toujours que des prix plancher soient fixés. En fait, le manque de soutien de l’Etat et l’absence de planification sont des maux structurels de l’agriculture turque. Mais la crise économique amplifie leurs conséquences.

La dette des agriculteurs a grimpé de 77%. Ils ne peuvent plus faire face aux échéances. Certains vendent leurs tracteurs pour placer l’argent sur des comptes rémunérés. Cela rapporte plus disent-ils. Si la Turquie reste un grand pays agricole, sa moyenne d’âge est de 58 ans, et les jeunes manquent d’appétence pour prendre la suite.

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