Entre Turquie et Arménie, la porte s’entrouvre avec les dernières négociations

Ouest-France, le 31/01/2022

Raphaël BOUKANDOURA à Istanbul

Des vols Istanbul-Erevan commenceront cette semaine du 31 janvier 2022, et des négociations sont en cours entre les deux voisins, laissant espérer une ouverture de leur frontière commune.

Un mirador du côté arménien de la frontière commune avec la Turquie, fermée en 1993 par Ankara, solidaire de l’Azerbaïdjan lors de la guerre du Haut Karabagh. | ARCHIVES DAVID MDZINARISHVILI, REUTERS  

 
 
Mercredi 2 février 2022, des vols directs reprendront entre Istanbul et Erevan. C’est une bonne chose mais moi, ce que j’attends, c’est de pouvoir aller en Arménie en voiture ! s’amuse Pakrat Estukyan. Cet Arménien de Turquie, ancien biochimiste de 69 ans, a intégré la rédaction d’Agos, journal de la petite communauté arménienne d’Istanbul, après l’assassinat par un ultranationaliste turc en 2007 de son ami Hrant Dink, le directeur de la publication.

« Je me garde d’avoir trop d’espoir »

Il se réjouit bien sûr des négociations entamées à Moscou, le 14 janvier, en vue de normaliser les relations entre les deux pays. Mais je me garde d’avoir trop d’espoir, il y a déjà eu tellement d’occasions manquées , précise-t-il aussitôt, en référence aux tentatives de dégel précédentes, la dernière remontant à 2009.

Cette fois, un obstacle de taille a été levé. La question du Haut Karabagh, disputée entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie – deux pays issus de la dislocation de l’URSS en 1991, N.D.L.R. – bloquait les avancées, mais la victoire de l’Azerbaïdjan en septembre-novembre 2021 a levé cet obstacle côté turc , souligne Richard Giragosian, fondateur du Centre d’études régionales, basé à Erevan. Cette victoire des Azéris turcophones, permise notamment par les frappes de drones turcs, pourrait paradoxalement pourrait permettre cette normalisation.

Au-delà de l’économie, une réconciliation ?

La grande question est celle de l’ouverture de la frontière, fermée depuis 1993. Cela désenclaverait l’Arménie, coincée entre la Turquie et l’Azerbaïdjan, dont l’économie est en grande difficulté. La Turquie serait aussi gagnante, puisque cela renforcerait sa place dans la logistique régionale et lui ouvrirait une route directe vers son allié azéri », estime l’expert, mais aussi vers l’Asie Centrale.

L’espoir demeure que ces négociations puissent aussi déboucher sur un rapprochement entre les deux peuples, séparés par le génocide de 1915, qui fit plus d’un million de morts parmi les Arméniens de l’empire Ottoman, dont la Turquie est l’héritière. L’Arménie a pourtant fait le choix de ne pas poser la reconnaissance du génocide par Ankara comme préalable aux négociations. Un choix qu’approuve Pakrat Estukyan : Il suffit d’arrêter avec la propagande réciproque, de laisser la parole libre et les gens se rencontrer, et les choses se régleront naturellement, croit-il. Ces peuples ne sont pas irréconciliables, loin de là, ils ont une histoire et une culture communes.

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