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France info / Radio France, le 09/03/2021
Anne Andlauer,
Dix-huit ans, c’est l’âge du droit de vote pour une génération qui ne connaît que Recep Tayyip Erdogan. Quel regard ces jeunes Turcs portent-ils sur les « années Erdogan » ?
Le 9 mars 2003, Recep Tayyip Erdogan devenait Premier ministre en Turquie. Depuis, il n’a plus quitté le pouvoir, qu’il exerce aujourd’hui comme président de la République. Mais la « génération Erdogan » n’est pas acquise politiquement à l’actuel président. Elle semble même beaucoup moins divisée que le reste de l’électorat entre « pro » et « anti » Erdogan. Selon l’institut de sondages Gezici, à la dernière présidentielle de juin 2018, les trois quarts des primo-votants – les Turcs nés en l’an 2000 – n’ont pas donné leur voix à l’actuel président.
Pour son parti, l’AKP, c’est un défi que de convaincre ces jeunes. Quand Recep Tayyip Erdogan énumère les ponts, les routes ou les hôpitaux, les aéroports qu’il a fait construire depuis 18 ans, quand il oppose « l’ancienne Turquie » à la « nouvelle Turquie », cela ne parle pas à cette jeunesse qui a grandi avec lui et a bien d’autres préoccupations.
« Je rêve simplement de pouvoir rêver »
La précarité économique et les restrictions à la liberté d’expression, voilà les deux sujets dont les jeunes Turcs se plaignent le plus. Sur ces deux tableaux, la situation n’a cessé de se dégrader depuis cinq ans et pour beaucoup de jeunes, le responsable est tout désigné. Le chômage frappe un quart des moins de 25 ans et certaines critiques, notamment celles que le président Erdogan juge insultantes à son égard, peuvent mener en prison.
Iraz, 20 ans, accepte de parler mais sans donner son nom de famille : « Sur les réseaux sociaux, même lorsque votre compte est privé, vous n’êtes pas en sécurité… Et dans l’espace public, quand je discute avec des amis, je ne peux pas m’empêcher de regarder derrière moi pour vérifier que personne n’écoute. Je ne me sens pas du tout à l’aise. Ce que je réclame, c’est simplement d’être libre de mes propos, dans mes études ; de pouvoir vivre sans me soucier de l’avenir, d’arriver à joindre les deux bouts. Je rêve simplement de pouvoir rêver. C’est ça, je pense, qui manque le plus aux jeunes sous Erdogan : pouvoir rêver. »
L’opposition ne séduit pas les jeunes
Si une partie de la jeunesse se détourne d’un président qui la gouverne depuis le berceau, elle ne se tourne pas pour autant vers l’opposition. C’est peut-être la seule bonne nouvelle pour Recep Tayyip Erdogan, aucun parti d’opposition ne semble susciter l’engouement de la jeune génération. Beaucoup peinent à se reconnaître dans l’offre politique actuelle. C’est notamment le cas de Kaan : « Dans mon cercle d’amis, on est tous d’accord pour dire pour qui il ne faut pas voter, mais on débat énormément de savoir pour qui il faut voter. Quand vous regardez les maires issus de l’opposition, ils vous font des promesses et puis vous vous rendez compte après qu’eux aussi, par exemple, demandent aux bars de rester fermés pendant le ramadan… Malheureusement, depuis une trentaine d’années, notre pays est sous l’emprise de la droite conservatrice, avec toutes ses valeurs religieuses et culturelles. »
Beaucoup de jeunes comme moi se retrouvent à devoir choisir le moins mauvais des candidats…
Kaan à franceinfo
S’il est encore trop tôt pour prévoir comment les jeunes Turcs voteront en 2023 – année des prochaines élections législatives et présidentielle – une chose est sûre : leurs voix comptent et elles sont convoitées par tous les partis. En 2023, 12 % des électeurs turcs seront des jeunes nés au tournant des années 2000.
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