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Le Point avec AFP, le 19/12/2017
Turquie: plus de sept siècles après sa mort, Roumi fait toujours tourner des têtes © AFP / ADEM ALTAN
Les bras croisés sur le coeur, les mains posées sur les épaules, les derviches entament leur danse, tournant sur eux-mêmes, glissant lentement leurs mains le long du corps avant de les dresser vers le ciel, embrassant l’univers devant un public chaque année plus nombreux.
Chaque décembre, Konya organise dix journées de célébrations pour commémorer la mort, le 17 décembre 1273 dans cette ville du centre de la Turquie, de Jalal al-Din Roumi, poète soufi du 13e siècle, dont les adeptes fondèrent la confrérie des derviches tourneurs, appelés ainsi d’une danse giratoire proche de la transe.
En 2016, le mausolée du Mevlana (le « maître », titre accordé à Roumi) de Konya, où se trouve sa tombe, a été le musée le plus visité de Turquie, avec 2,43 millions de visiteurs, largement devant celui de Topkapi (1,46 million) et la basilique Sainte-Sophie (1,43 million), situés à Istanbul.
Et Abdüssettar Yarar, directeur de la Culture et du Tourisme à Konya, espère faire aussi bien cette année : lors des célébrations du 7 au 17 décembre 2017, entre 60.000 et 65.000 personnes sont venues assister aux « Sema » (danse des derviches), soit « environ 10.000 de plus qu’en 2016 », se félicite M. Yarar. Sans compter les personnes venues au musée et aux autres événements –conférences, pièces de théâtre, expositions– organisés çà et là dans la ville.
Ces chiffres, explique-t-il, augmentent chaque année grâce aux efforts de promotion menés par les autorités culturelles et touristiques turques dans des foires et salons à travers le monde.
Chaudes larmes
Des membres de la confrérie des derviches tourneurs, le 19 décembre 2017 à Konya (Turquie) © ADEM ALTAN AFP
Les confréries ont été officiellement interdites en Turquie en 1925, ce qui a conduit à la fermeture des « tekke » (couvent de derviches) à travers le pays. Beaucoup ont par la suite été rouverts sous forme de musées, comme c’est le cas à Konya.
Par ailleurs, les autorités ont autorisé les cérémonies de derviches tourneurs à reprendre dans les années 1950, reconnaissant leur valeur culturelle et leur potentiel touristique.
Ainsi, la silhouette des derviches, longue tenue blanche virevoltante, tête coiffée d’une grande toque et bras dressés, une main vers le ciel et l’autre vers la terre, est devenue l’un des symboles de la Turquie.
Au cours d’une « sema » organisée à l’occasion du 744e anniversaire de la mort de Roumi, le public assiste, ému, au ballet des derviches tourneurs, symbolisant notamment le mouvement des planètes, sur fond de musique soufie résonnant dans l’immense Centre des sports et des congrès de Konya.
« Beaucoup de gens sont touchés par la poésie de Roumi parce qu’elle vient de son coeur, de son âme. Et dans son âme, il était avec Allah », dit Andrey Zhuravlyov, venu de Lettonie pour la troisième fois.
Un peu plus loin dans la ville, dans le mausolée de Roumi reconnaissable à son dôme cannelé recouvert de faïence turquoise, les touristes se bousculent, se recueillent, certains pleurent à chaudes larmes face à la tombe du poète.
« A chacune de mes venues, je ressens des choses différentes », raconte Alper Ali Atik. Le jeune homme vient régulièrement d’Izmir (ouest) à Konya pour son travail, et profite de chaque passage pour visiter le musée du Mevlana, qui diffuse selon lui « quelque chose d’apaisant ».
‘Sentiment différent’
La mosquée de Konya, dans le centre de la Turquie, et le musée consacré au poète soufi du 13e siècle Roumi © ADEM ALTAN AFP
Environ 10 % des touristes venus à Konya pour les célébrations de décembre sont des étrangers, « surtout des Iraniens », estime M. Yarar.
C’est le cas de Maryam, qui a visité Istanbul et la station balnéaire d’Antalya par le passé, mais qui trouve qu’à Konya, « il y a un sentiment différent ».
Sa compatriote Shams affirme beaucoup aimer le « Mevlana ». « Un grand poète iranien », souligne-t-elle, avec un grand sourire.
En effet, si Jalal al-Din Roumi est né en 1207 à Balkh, dans le nord-ouest de l’Afghanistan actuel, Kaboul, Téhéran et Ankara se disputent son héritage.
« Quand on dit Konya, on pense à Mevlana et quand on dit Mevlana, c’est Konya qui vient à l’esprit », tranche Abdüssettar Yarar.
Murat Cengiz, guide touristique depuis presque 20 ans, a vu croître l’engouement pour ce saint du soufisme, qui touche, selon lui, bien au-delà des musulmans et des Turcs. Une « opportunité », selon lui, « pour la protection du patrimoine et le développement de Konya »
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