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RFI, le 01/07/2019
BONJOUR L’EUROPE
Par Anne Andlauer
Femme portant son bébé dans la rue à Antalya (Turquie) le 25 août 2017 (Photo d’illustration). Sergei Bobylev\TASS via Getty Images
En Turquie, le gouvernement provoque une fois de plus la colère des ONG de défense des droits des femmes en proposant une réforme du système des pensions alimentaires.
Le Code civil turc, dans son état actuel, laisse aux juges une grande liberté pour décider, au moment d’un divorce, qui peut toucher une pension alimentaire – cela peut être l’homme, mais c’est quasiment toujours la femme – dans quelles conditions et surtout pendant quelle durée ! Cela veut dire, par exemple, qu’un juge peut accorder à une femme le droit de percevoir une pension de son ex-époux pendant le reste de sa vie parce qu’il estime qu’elle en aura besoin pour vivre. Ce que le gouvernement veut faire, c’est encadrer la liberté des juges en instaurant une durée minimale et une durée maximale de versement des pensions alimentaires.
Une loi en préparation obligerait les juges à indexer la durée de la pension sur la durée du mariage. Deux ans de pension – ce serait la durée minimale – si le mariage a duré moins de deux ans. Puis trois ans de pension si le mariage a duré trois ans ; dix ans s’il a duré dix ans, et ainsi de suite… Dans des cas exceptionnels, si la femme est dans l’incapacité de travailler, le juge conserverait l’option d’une pension à durée indéterminée.
Vers un système « plus juste » selon le président turc
Le ministère de la Justice explique avoir reçu de nombreuses plaintes d’hommes divorcés, notamment par l’intermédiaire des réseaux sociaux et d’une plateforme dite « des victimes des pensions alimentaires à vie ». Des hommes qui expliquent que l’argent qu’ils versent à leur ex-épouse les empêche de fonder une nouvelle famille ou de se lancer dans un projet professionnel, ou qui estiment injuste d’avoir à s’acquitter d’une pension alimentaire ad vitam aeternam alors qu’ils n’ont été mariés, par exemple, que trois ou quatre ans. Les médias ont relayé leurs appels et le président Recep Tayyip Erdogan leur a envoyé un signal en début d’année en promettant de rendre « plus juste » le système des pensions alimentaires.
Une initiative au centre de nombreuses critiques
La riposte est surtout portée par une autre plateforme créée pour l’occasion, la « Plateforme des femmes pour le droit à une pension alimentaire ». Sa première action a été de publier une pétition signée, à l’origine, par 100 femmes journalistes, artistes, universitaires, chefs d’entreprises rejointes depuis par plus de 10 000 signataires.
Dans ce texte, elles soulignent d’abord que seules 29% des femmes turques travaillent. Elles accusent l’État et la société d’enfermer les femmes mariées dans le rôle d’épouse et de mère, par exemple, en ne faisant quasiment rien pour développer les systèmes de garde et donc encourager le travail des mères. Puis, lorsque ces femmes divorcent, de s’attendre à ce qu’elles « trouvent miraculeusement un travail » et ne dépendent pas d’une pension alimentaire.
Les signataires rappellent aussi une étude de 2014 selon laquelle 75% des femmes divorcées disent avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur ex-mari. Elles expliquent que de toute façon, les juges n’accordent pas de pensions à vie aux femmes qui n’en ont pas besoin. Elles appellent donc les pouvoirs publics à ne pas se tromper de victimes et à ne pas toucher aux droits garantis par le Code civil en matière de pension alimentaire.
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