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Europe 1 – JDD, le 07/01/2018
INTERVIEW
La chercheuse Dorothée Schmid décortique les ressorts de la visite du président turc Erdogan à Paris, vendredi.
Grande spécialiste de la région, Dorothée Schmid, analyse la visite du président turc à Paris vendredi, la première dans une grande capitale de l’UE depuis le putsch de juillet 2016 et la dérive autoritaire qui s’ensuivit dans le pays. Alors que l’adhésion de la Turquie semble au point mort, Erdogan reste tout de même un allié indispensable à l’Europe dans la lutte contre Daech. Un partenaire qui est de plus en plus séduit par une collaboration accrue avec la Russie.
À quoi a servi cet entretien?
Il a permis à chacun d’évaluer la qualité de la relation, qui est importante pour les deux pays, ambivalente, avec des points de convergence, mais aussi du flou. La France reste une alliée indispensable pour la Turquie au niveau européen et au Moyen-Orient. Pour la France, Ankara reste incontournable en matière de coopération policière et de renseignement. C’est aussi une puissance active dans la région, en Syrie, sur le dossier palestinien, dans le Golfe. Elle redéploie sa diplomatie dans ce chaos régional, comme Paris. Ce parallélisme peut permettre de nouer des alliances.
Le Brexit a finalement dédramatisé le fait, pour les Turcs, de ne pas devenir membre
Le terme de « partenariat » 
entre l’Europe et la Turquie, 
utilisé par le président Emmanuel Macron, a-t-il vexé 
son homologue turc?
Erdogan est un pragmatique. Enfin, la question de l’adhésion de la Turquie est discutée de manière explicite au niveau des chefs d’État européens ! Angela Merkel avait ouvert la porte fin 2017, la doctrine change. Nous sommes à un point de bascule. Il faut remettre cela dans le contexte post-Brexit, avec le détricotage de l’Union européenne. La Turquie envisageait à un moment de prendre le Royaume-Uni comme modèle pour entrer dans l’UE. Le Brexit a finalement dédramatisé le fait, pour les Turcs, de ne pas en devenir membre. Reste maintenant à savoir quel type de partenariat nouer et qui va l’inventer. Car il est peu probable que la solution vienne des Turcs.
Erdogan reste-t-il un allié indispensable pour régler les crises régionales, notamment la syrienne?
La Turquie est évidemment un partenaire important de la coalition anti-Daech. Le travail de renseignement continue, même si les combats sont pratiquement terminés. Mais sur la Syrie, les intérêts turcs convergent-ils avec ceux de la communauté occidentale ? Ankara s’est récemment rapprochée de la Russie, qui l’instrumentalise et la maintient dans un rôle inconfortable. Elle n’arrive pas à convaincre ses partenaires de la suivre sur ses priorités, à savoir la lutte contre les Kurdes et l’inclusion dans le jeu politique des acteurs islamistes, les mouvances de type Frères musulmans.
En qualifiant vendredi le PKK de mouvement « terroriste », Macron s’est aligné en public sur Ankara
La Turquie déclare avoir livré 
200 djihadistes à la France entre 2013 et 2017, et souhaiterait en contrepartie une meilleure coopération française dans la lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan. La question kurde peut-elle devenir un point d’achoppement entre Paris et Ankara?
C’est un point de discussion permanent depuis le début de la crise. La Turquie essaie de faire jouer à la France le rôle de médiateur vis-à -vis des États-Unis sur cette question. En qualifiant vendredi le PKK de mouvement « terroriste », Macron s’est aligné en public sur Ankara, même si la France a combattu aux côtés des Kurdes syriens du PYD pour reprendre Raqqa à  Daech. Les Turcs considèrent qu’ils ont encore, avec les djihadistes en leur possession, une monnaie d’échange pour faire pression sur la question kurde. Mais ils aimeraient bien aussi s’en débarrasser, car les surveiller coûte cher.
Ce type d’entretien peut-il 
freiner la dérive autocratique 
du président turc?
Cela m’étonnerait. Erdogan est conscient d’avoir un déficit d’image en Europe, mais il est offensif et écoute à peine ce qu’on lui dit. Certains contrats commerciaux ou d’études peuvent être signés dans le domaine de l’armement, de l’aviation et de l’énergie, comme ce fut le cas vendredi. Mais sur l’opposition et la restriction des libertés, la France dispose de peu de leviers. L’Allemagne pèse plus, du fait de sa relation économique forte avec Ankara, mais aussi de sa communauté turque, dont une partie est active politiquement. Comme le leader des Verts, Cem Özdemir, qui affiche ouvertement son opposition au président turc.
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