Vu de Turquie. Erdogan utilise l’affaire Khashoggi comme arme politique face à Riyad

Courrier International, le 25/10/2018

par
HABERTÜRK – ISTANBUL
 

      Bertrams (Pays-Bas)
 

Après une semaine d’enquête et de révélations soigneusement distillées par les services turcs concernant la mort du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul, le président Erdogan a proposé que les Saoudiens responsables du meurtre soient jugés en Turquie plutôt que dans leur pays. Mais, pour ce journaliste, il s’agit là d’une réponse plus politique que juridique.

On ne peut pas dire que les éclaircissements d’Erdogan sur le meurtre de Jamal Khashoggi dans l’enceinte du consulat saoudien d’Istanbul, pourtant très attendus, aient particulièrement satisfait notre curiosité. Le président s’est contenté de résumer les informations qui avaient déjà filtré dans la presse. Cela étant, il fallait que ces choses fussent dites officiellement, par la bouche du plus haut responsable de l’État.

Son ton est resté relativement mesuré, ce qui prouve qu’il n’est pas question d’aller à la rupture avec les Saoudiens. Erdogan s’est gardé d’interpeller directement le prince héritier Mohammed ben Salmane et a accordé au roi Salmane le titre honorifique de “gardien des Lieux Saints”, revendiqué des siècles durant par les sultans ottomans avant la perte de La Mecque et de Médine.

Un message à l’attention de Riyad

“Vous avez été pris sur le fait”, semble dire Erdogan aux Saoudiens. “Nous pourrions retourner le couteau dans la plaie, mais nous ne le ferons pas, aussi longtemps que vous ne dépasserez pas les bornes vis-à-vis de nous.” Et si j’en arrive à cette conclusion, c’est qu’Erdogan a très clairement dit que cette mort n’était pas accidentelle, qu’il s’agissait au contraire d’un assassinat politique fomenté au sein de l’appareil d’État saoudien.

Autant dire que personne ne croit plus un mot de la thèse saoudienne selon laquelle Khashoggi serait mort accidentellement au cours d’un interrogatoire. Cette thèse, aussi fragile fût-elle, était pourtant leur seule défense. Ceux qui attendaient d’Erdogan des prises de position en faveur de la justice en ont été pour leurs frais, mais ceux qui réclamaient une réponse politique à l’affaire Khashoggi ont été comblés au-delà de leurs attentes. Le gardien des Lieux Saints de l’islam se retrouve désormais mis au pied du mur, le tout, il va sans dire, très respectueusement.

Des coupables tout trouvés

Il est à prévoir que le pouvoir saoudien s’emploiera à faire porter le chapeau à l’équipe de quinze personnes spécialement dépêchée en Turquie pour organiser ce meurtre, quels que soient leur grade et leur position. L’important, c’est le roi, le reste peut être sacrifié. Il est probable que nous n’entendions plus jamais parler d’eux. Une partie d’entre eux sera condamnée et montera sur l’échafaud, une autre disparaîtra de la circulation.

Dans les États régis non par le droit mais par l’arbitraire, non par la loi mais par le roi, personne n’est en sécurité. Vous pensiez servir la couronne et le régime, vous vous retrouvez traités comme un ennemi. Vous attendiez une récompense, et pour toute gratification, vient le bourreau.

                                                                                                                                                                                   Fatih Altayli

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Habertürk
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Quotidien
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Turc
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Fondé en 2001 à Istanbul en tant que journal en ligne, « Actualité turque » est aussi depuis mars 2009 un quotidien papier. Il se veut « le seul journal différent de Turquie ». La place qu’il accorde à la photo lui vaut d’être qualifié par ses détracteurs de quotidien à regarder plutôt qu’à lire.

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