Vu de Grèce. La reconversion de Sainte-Sophie en mosquée, une “bombe dégoupillée par Erdogan”

Courrier International, le 11/07/2020

La presse grecque condamne unanimement la décision prise vendredi 10 juillet par le Conseil d’État turc, à la main du président Recep Tayyip Erdogan. Un quotidien de droite va jusqu’à la comparer à la chute de Constantinople en 1453.

“Indignation” : le mot revient dans toute la presse grecque ce samedi 11 juillet, au lendemain de l’annonce de la décision du Conseil d’État turc de refaire de l’ex-basilique de Sainte-Sophie une mosquée. Inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, cet édifice avait successivement abrité une église orthodoxe et une mosquée, avait d’être déconsacré en 1934.

Le journal de droite Dimokratia fait figurer à sa une sur fond noir une photo de Sainte-Sophie flanquée des mots turcs “mosquée Sainte-Sophie”, le tout surplombé du gros titre “Tombée !” Le quotidien n’hésite pas à comparer l’annonce de vendredi à la chute de Constantinople en 1453, année “qui correspond à la prise de la cité sacrée [ancienne capitale de l’empire byzantin] par les Ottomans, et qui aura marqué la fin de l’Empire chrétien. Il n’en demeurait pas moins un symbole de l’histoire [à Istanbul], et il était incarné par Sainte-Sophie”.

La une du quotidien grec Dimokratia, le 11 juillet 2020.
 

Un autre quotidien de droite, Kathimerini, s’étonne “de l’annulation d’une décision symbolique de 1934”. C’est en effet Atatürk lui-même, le fondateur de la Turquie moderne, qui avait signé le décret faisant de Sainte-Sophie un musée.

“Cette bombe dégoupillée par Erdogan trace un mur entre la Turquie et l’Occident et rappelle que la justice turque n’est pas indépendante”, déplore pour sa part le quotidien Ta Nea, qui insiste sur le devoir de mémoire et la nécessité de protéger le patrimoine byzantin. Des analystes estiment dans les colonnes de ce journal classé gauche que le président turc, “comprenant qu’il n’avait pas sa place au sein de l’Union Européenne, veut s’immiscer dans le duel entre les États-Unis et la Russie pour se positionner comme troisième pôle soutenu par les pays arabes”.

Une provocation de plus

Dans son éditorial sur le site d’opinion Portagon, le journaliste Kostas Giannakidis souligne “le nationalisme d’Erdogan”, tout en remettant en contexte la décision du président turc : Il veut flatter son électorat car il est mal en point dans les sondages.”

“Erdogan multiplie depuis des mois les provocations envers l’Occident, et envers la Grèce en particulier, poursuit l’éditoraliste. Il d’abord tenté d’envoyer au mois de février des milliers de migrants en Europe via notre pays. Avant de dépêcher des avions de chasse et des navires en violant notre espace aérien et maritime. Cette décision de décréter que Sainte-Sophie est une mosquée constitue une provocation supplémentaire, et n’est peut-être pas la dernière”.

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