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Le Point le
En mai, la Turquie a affiché sa plus forte baisse d’arrivées en 22 ans, avec une chute de près de 35 % du nombre de touristes étrangers.
SOURCE AFP
C’est une conséquence directe des multiples attaques dont la Turquie a été victime. Près d’une semaine après l’attentat à l’aéroport d’Istanbul, les visiteurs étrangers semblent avoir déserté la première destination touristique du pays. Normalement, la ville est bondée. Elle est désespérément calme. Les professionnels du secteur s’inquiètent.
La magie de la plus grande ville de Turquie séduit depuis des siècles les voyageurs, enchantés par ses imposants palaces et mosquée et sa vue époustouflante sur le Bosphore ou la Corne d’or. Mais, pour les professionnels du tourisme, les attentats-suicides de mardi signent la mise à mort de l’industrie, déjà très affectée par la série d’attaques qu’a connue la Turquie depuis le début de l’année. « C’est un désastre », se lamente Orhan Sonmez, offrant aux passants une visite guidée de Sainte-Sophie, monumental édifice autrefois église puis mosquée, et aujourd’hui musée. « Toute ma vie, j’ai travaillé comme guide touristique. La plupart d’entre nous en sont aujourd’hui à se demander s’ils pourront continuer (dans cette voie). C’est tragique. »
Les tables des restaurants sont vides dans le quartier ultra-touristique de Sultanahmet et les hôtels cinq étoiles offrent des chambres à des prix cassés. En des temps meilleurs, il fallait parfois rester dans une file d’attente plus d’une heure avant d’entrer à Sainte-Sophie. Aujourd’hui, il suffit d’acheter son billet et de se laisser envoûter par la splendeur du lieu, avec une poignée de touristes. Par ailleurs, beaucoup de Stambouliotes ont quitté la ville à l’occasion de Bayram, un congé national de neuf jours qui a commencé samedi, contribuant à vider la métropole.
Dix-neuf étrangers font partie des quarante-cinq personnes tuées dans le triple attentat à l’aéroport Atatürk d’Istanbul attribué au groupe État islamique. Selon des experts, l’attaque a été délibérément conçue pour affaiblir la Turquie en sapant son industrie touristique. L’organisation djihadiste est également accusée d’avoir perpétré un attentat-suicide en janvier à Sultanahmet (douze Allemands tués), et un autre en mars sur l’artère commerçante d’Istiklal (trois Israéliens et un Iranien tués). Un attentat à la voiture piégée revendiqué par les rebelles kurdes a par ailleurs fait en juin onze morts, dont six policiers, à Beyazit, un quartier historique d’Istanbul.
Les États-Unis et l’Allemagne notamment ont mis en garde leurs ressortissants contre les menaces qui pèsent sur le pays, mais les touristes fraîchement débarqués à Istanbul adoptent, eux, une approche plus fataliste, à un moment où la menace djihadiste est devenue mondiale. Les attentats « peuvent survenir dans n’importe quelle ville. C’est comme tirer le mauvais billet de loterie », soutient Nessa Feehan, une touriste irlandaise en escale à Istanbul. « Les gens sont très chaleureux ici, je pense vraiment revenir pour passer plus de temps », dit-elle.
En mai, la Turquie a affiché sa plus forte baisse d’arrivées en vingt-deux ans, avec une chute de près de 35 % du nombre de touristes étrangers, à 2,5 millions de visiteurs. Cette dégringolade est en partie due à l’effondrement du nombre de touristes russes, conséquence d’une brouille diplomatique entre Ankara et Moscou qui a interdit la vente par les tour-opérateurs russes de voyages vers la Turquie. Mais cette interdiction a été levée la semaine dernière, à la plus grande joie des professionnels du tourisme de la province côtière d’Antalya (sud), où les Russes viennent traditionnellement en masse profiter de la mer turquoise et des plages de sable fin.
Cette bonne nouvelle pour la Turquie bénéficiera toutefois peu à Istanbul, les Russes optant généralement pour des séjours « tout compris » au bord de la mer. « Si ça continue, de nombreux magasins devront fermer », affirme Ismail Celebi, assis à l’intérieur de sa boutique de bijoux, un chapelet à la main.
Les hordes de touristes chinois qui continuent d’arriver sont le seul rayon d’espoir dans ce sombre horizon, soutient Ismail Celebi, indiquant qu’ils dépensent « un argent fou ». « Mais ce n’est pas assez, poursuit-il. Nous avons besoin d’Américains et d’Européens. » Sa bijouterie se trouve à quelques mètres seulement du lieu de l’attentat qui a coûté la vie à une dizaine d’Allemands il y a six mois, et Ismail Celebi dit ne pas en vouloir aux touristes qui ont déserté les lieux. « Même moi j’ai peur de travailler ici », confie-t-il.
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