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Le Parisien, le 09/06/2015
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, le 8 juin 2015 à Ankara Le président turc Recep Tayyip Erdogan, le 8 juin 2015 à Ankara (AFP/Adem Altan)
Le président turc Recep Tayyip Erdogan doit charger mardi son Premier ministre Ahmet Davutoglu de former un nouveau gouvernement, deux jours après le revers subi aux législatives par leur parti qui a perdu la majorité absolue au Parlement.
Conformément à l’usage, M. Davutoglu doit formellement remettre à 17h00 (14h00 GMT) la démission de son équipe ministérielle au chef de l’Etat, qui doit le charger dans la foulée, en tant que chef du parti arrivé en tête, d’en former une nouvelle.
Au pouvoir depuis treize ans, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) est arrivé en tête du scrutin de dimanche mais n’a obtenu que 40,8% des suffrages et 258 des 550 sièges de députés, en très net recul par rapport aux législatives de 2011 où il avait frôlé la barre des 50%.
Cette situation inédite a ouvert les tractations en vue de la formation gouvernement de coalition entre l’AKP et un ou plusieurs des trois partis d’opposition. En cas d’échec des discussions dans les 45 jours, M. Erdogan pourrait convoquer des élections anticipées.
Lundi, le président a plaidé pour la formation d’une coalition, appelant les partis à agir avec « responsabilité » pour préserver la « stabilité » du pays.
Depuis dimanche soir, les spéculations, alimentées par les petites phrases des ministres et élus de tous bords, vont bon train sur les scénarios et le visage aux contours très incertains que pourrait prendre le nouveau gouvernement.
Les deux principaux adversaires de l’AKP, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l’action nationaliste (MHP, droite) ont respectivement obtenu 25% et 16,3% et totalisent 132 et 80 sièges.
Grande surprise des élections, le parti kurde HDP (Parti démocratique du peuple) et son charismatique chef de file Selahattin Demirtas ont bouleversé le paysage politique turc en réalisant un score historique de 13,1% et en raflant 80 sièges de députés.
Pendant la campagne électorale, ces trois partis ont tapé à bras raccourci sur le gouvernement et le président et publiquement exclu l’idée d’une coalition avec l’AKP.
– ‘Condition sine qua non’ –
Dans ces conditions, un accord s’annonce très compliqué.
« Ils vont sans doute exiger en premier lieu de M. Davutoglu qu’il s’émancipe du président et le cantonne à ses seules prérogatives constitutionnelles », pronostique à l’AFP Deniz Zeyrek, chef du bureau du quotidien Hürriyet à Ankara. « L’abandon de son projet de présidentialisation du régime sera leur condition sine qua non », juge-t-il.
Chef du gouvernement pendant onze ans, M. Erdogan, élu président il y a dix mois, a mis tout son poids dans la campagne des législatives pour défendre la mise en place, à son profit, d’un régime présidentiel fort.
La dégringolade de l’AKP, qui devait obtenir 330 députés pour faire passer la réforme de la Constitution, a signé la fin de son ambition et sonné comme une défaite personnelle.
Les scénarios alternatifs à une coalition menée par l’AKP sont tout aussi hypothétiques.
Le président du CHP Kemal Kiliçdaroglu a laissé ouverte la porte ouverte à une alliance des trois partis d’opposition. « Il serait irrespectueux pour les électeurs de laisser le pays sans gouvernement », a-t-il déclaré devant la presse.
Mais ses chances sont elles aussi très minces. Les nationalistes du MHP sont peu enclins à s’allier avec le HDP. Ils souhaitent l’arrêt des négociations de paix menées avec les rebelles armés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), alors que le parti prokurde a fait de leur relance une de ses priorités.
Reste l’hypothèse d’un gouvernement AKP minoritaire. « C’est l’éventualité la plus lointaine, inutile d’en parler à ce stade », a tranché son vice-président, Mehmet Ali Sahin.
Dans ce contexte, la presse turque a commencé à bruisser de rumeurs sur un éventuel changement à la tête de l’AKP si M. Davutoglu échouait à former un gouvernement. Parmi les noms cités pour le remplacer est réapparu celui de l’ex-président Abdullah Gül, dont l’image modérée en fait une alternative ou un rival potentiels à M. Erdogan.
Les marchés financiers, qui détestent l’incertitude, ont sanctionné lundi l’entrée de la Turquie dans cette période d’instabilité politique par une forte chute de la bourse d’Istanbul et de la devise nationale. Ils ont retrouvé mardi leur calme, les yeux rivés sur les efforts de formation d’un nouveau gouvernement.
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