Cinq manifestants qui souhaitaient protester devant la mairie ont été arrêtés à leur tour, rapporte le quotidien Habertürk. Par ailleurs, le 13 janvier, le maire du quartier de Besiktas, à Istanbul, un des bastions historiques du principal parti d’opposition, le CHP (laïc et nationaliste) avait été arrêté avec trente et un de ses collaborateurs, accusés de corruption.

 

“Usage politique de la justice”

Jeudi 16 janvier, des milliers de sympathisants du CHP étaient réunis devant la mairie en signe de protestation, pour y entendre notamment un discours d’Ekrem Imamoglu, maire de la ville et principal rival actuel d’Erdogan.

L’édile de la mégalopole de 17 millions d’habitants, qui a déjà fait l’objet d’un procès pour “injures” dans lequel il a été condamné en première instance à une peine de prison et d’inéligibilité, a dénoncé un “usage politique de la justice”.

“Puisque c’est moi votre cible véritable, alors soyez courageux, faites valider ma condamnation en appel et laissez les gens tranquilles !” a déclaré le maire de la ville, rapporte le journal Gazete Oksijen.

“Le CHP et Imamoglu devraient annoncer dès maintenant que celui-ci est candidat à l’élection présidentielle [prévue pour 2028]. Ainsi, peut-être que le pouvoir n’osera pas s’en prendre à lui”, estime un éditorialiste du quotidien Cumhuriyet.

Outre les partis d’opposition, les organisations professionnelles sont aussi dans le viseur du pouvoir. C’est le cas du barreau d’Istanbul, sous le coup d’une procédure judiciaire pour avoir demandé une enquête sur les circonstances de la mort de deux journalistes turcs d’origine kurde, tués en Syrie le 20 décembre 2024 lors d’une frappe d’un drone turc contre leur véhicule.

 

Mobilisation des avocats

Le 14 janvier, le procureur général a ouvert un procès contre le président du barreau d’Istanbul, l’un des plus grands du monde (avec 64 000 avocats enregistrés), Ibrahim Kaboglu, constitutionnaliste et ancien député d’opposition, ainsi que contre dix membres de la direction, accusés de “propagande terroriste”, rapporte le média en ligne Gazete Duvar.

Les accusés ont reçu le soutien de la puissante Union des barreaux de Turquie, qui a appelé à un rassemblement de protestation de tous les avocats du pays le 23 février.

Les familles des deux journalistes tués, soutenus par des associations de défense des droits de l’homme et des partis kurdes, ont patienté pendant plusieurs jours au poste-frontière de Habur pour réclamer, en vain, le rapatriement des corps des deux victimes, rapporte le média en ligne ArtiGerçek.

“Cette punition, qui s’oppose à l’humanité et aux croyances religieuses, est adressée aux familles mais aussi à la liberté de la presse et au peuple kurde”, a dénoncé Newroz Uysal Aslan, députée du DEM présente sur place, rapporte le média.

Devant le refus des autorités, les deux journalistes ont finalement été inhumés en Syrie, le 11 janvier, dans la ville frontalière de Qamichli.

De plus, 7des 21 journalistes turcs arrêtés lors d’une manifestation en décembre contre la mort de leurs collègues à Istanbul sont toujours détenus, dans l’attente de leur procès pour “propagande terroriste”. L’une d’entre elles, Gülistan Dursun, emprisonnée au centre pénitentiaire de Marmara, vient de faire l’objet de sanctions disciplinaires pour avoir refusé d’arborer dans la prison une carte la désignant comme “terroriste”, rapporte le quotidien Evrensel.