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RFI, le 08/11/2023
À Karabük, dans le nord de la Turquie, s’est ouvert mercredi 8 novembre 2023 le procès du meurtre de Jeannah « Dina » Danys Dinabongho Ibouanga, étudiante gabonaise de 17 ans dont le corps avait été retrouvé dans une rivière en mars. Après avoir évoqué un suicide, la police avait été contrainte de mener une enquête, en raison de l’émoi. Plusieurs personnes avaient été placées en garde à vue, mais un seul homme comparaît finalement, et de nombreuses questions demeurent sans réponses.
La mort de la jeune étudiante gabonaise Jeannah « Dina » Danys Dinabongho Ibouanga à Karabük a non seulement provoqué un fort émoi dans son pays d’origine, mais également en Turquie, notamment dans les milieux féministes. Ici, son portrait lors d’une conférence de presse à Istanbul, le 21 juillet 2023. © Eylul Yasar / AFP
Le seul accusé est un homme de 55 ans. Des images de vidéosurveillance ont montré Dina sauter de son véhicule, puis par-dessus un grillage près de la rivière dans laquelle son corps a été retrouvé. Selon l’acte d’accusation, le suspect aurait passé sept minutes au bord du cours d’eau, avant de repartir. Plus de sept mois après le drame, le père de Dina Guy Serge Ibouanga a confié son désarroi, à la veille de l’ouverture du procès :
« Dina était notre unique enfant, Dina est partie pour des études d’ingénierie mécanique. Si nous savions qu’en Turquie, il y a des gangs qui sévissent dans les rues de Karabük, on n’aurait jamais ne serait-ce que penser envoyer notre fille en études dans ce pays. Donc nous demandons que justice se fasse pour montrer au monde entier que Dina ne méritait pas cela. »
Le père de Dina parle de gangs, car selon sa famille et des associations féministes turques qui la soutiennent, elle avait reçu des messages à caractère sexuel, dénoncé un harcèlement et des comportements racistes.
Les raisons qui ont poussé Dina à fuir son domicile pieds nus et en courant cette nuit-là demeurent incertaines. Jessica Sandra Makemba Panga, sa mère, estime donc que ce procès ne va pas assez loin : « Les agents des PTT qui harcelaient l’enfant, on ne les mentionne pas dans l’acte d’accusation, et ceux qui poursuivaient l’enfant, ceux-là on n’a pas leur identité. Il y a des caméras partout, un témoin qui dit qu’il a vu des gens poursuivre Dina. Ils doivent nous montrer réellement que ce n’est pas du racisme. Ça s’est passé dans leur pays, ils savent. »
Des questions sans réponse
Alors qu’est-il arrivé à Dina ? Pourquoi s’est-elle enfuie en courant de son immeuble dans la nuit du 25 au 26 mars dernier ? Pourquoi a-t-elle sauté de la voiture dans laquelle elle était montée, celle du principal suspect ? Que lui est-arrivé ensuite ? Autant de questions auxquelles l’enquête n’a pas répondu. Et c’est ce que dénoncent les avocates du groupe « Les féministes pour Dina », qui se sont rendues près de la rivière où le corps a été trouvé.
L’une d’elle, Fatma Gül Altindag assistait à la première audience ce mercredi. « La défense laisse entendre que Dina aurait pu tomber accidentellement dans la rivière après être descendue de la voiture… En réalité, sur place, il y a un long chemin éclairé sur lequel une voiture peut rouler, puis une zone couverte de buissons, puis une autre zone vide, un escalier entre les deux. Bref, il ne semble pas possible que quelqu’un tombe subitement dans la rivière. Le procureur s’est sans doute rendu sur place pour préparer l’acte d’accusation, mais ce n’est pas le cas du tribunal. Nous demandons que cela soit fait. »
Pour l’avocate, ce procès revêt une importance capitale. « Ce qui est arrivé à Dina est le résultat cumulé des violences du patriarcat et de celles liées à la xénophobie dont sont victimes les migrants. Ce procès représente donc un enjeu politique majeur, à la fois pour changer ce système et pour qu’il n’y ait pas d’autres Dina. »
Le principal suspect a été maintenu en détention à l’issue de l’audience. Le ministère turc de la Famille s’est constitué partie civile. La prochaine audience aura lieu le 24 janvier 2024.
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