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France Info / Radio France, le 08/02/2023
« La neige rend la progression encore plus compliquée », explique Eric Zipper, spéléologue et secouriste mercredi à franceinfo.
Des sauveteurs cherchent des victimes dans les décombres d’immeubles effondrés à Gaziantep, en Turquie, le 7 février 2023. (ZEIN AL RIFAI / AFP)
« On progresse dans une espèce de Mikado », a témoigné mercredi 8 février sur franceinfo Eric Zipper, spéléologue et secouriste, président de l’ONG Corps mondial de secours, qui est présent en Turquie à Malatya, près de Gaziantep, près de l’épicentre des séismes qui ont touché lundi la Turquie et la Syrie. « On est forcé de réfléchir à ce qu’on enlève pour être sûr de ne pas mettre en péril ce fragile équilibre dans lequel on progresse », décrit Eric Zipper. Il évoque des opérations de secours qui, selon lui, « ne se passent jamais assez vite ».
franceinfo : Comment se déroulent les opérations ?
Eric Zipper : Les opérations ne se passent jamais assez vite. Elles se passent surtout dans des conditions qui sont compliquées pour la population et pour nous. Si le tremblement de terre n’avait pas suffi, ils ont pris encore 30 centimètres de neige derrière. Il y a des températures très basses. On était à moins 10 degrés la nuit, ça ne dégèle pas la journée. La neige rend notre progression compliquée parce qu’on ne voit pas sur quoi on progresse au niveau des gravats. C’est une ville qui est proche de l’épicentre et donc fortement touchée, fortement impactée. Il y a des contrastes assez importants. Certains quartiers sont quasiment intacts. Et par exemple, dans le quartier où on travaille aujourd’hui, un immeuble en construction est entier et, tout le reste, des immeubles de cinq à six étages de cinq à six mètres de haut, sont entièrement effondrés.
Comment est-ce que vous procédez devant ces immeubles ?
On essaye de progresser rapidement. Et pour progresser rapidement, on utilise beaucoup de techniques pour ne pas faire n’importe quoi, n’importe où. En premier, on recueille un maximum de témoignages des gens qui peuvent nous dire où était leur appartement, qui peut encore être coincé dedans, à quel endroit. Ensuite, on a avec nous deux chiens que l’on fait travailler pour repérer les survivants. Et on vient aussi compléter avec un drone, une caméra thermique, la détection de mouvement et de son. Ensuite, on entre dans le millefeuille et on va s’assurer que la personne est bien là et qu’on puisse la sortir.
Les miracles sont rares, mais ils arrivent. Est-ce que vous avez pu secourir des habitants ?
La nuit dernière, on a commencé à travailler tout de suite quand on est arrivé. La nuit a été longue et on n’a sorti que des corps sans vie. Et puis, cet après-midi, on a eu de la chance en lançant un dernier appel dans un des étages. J’ai entendu quelqu’un qui me répondait. Et on a pu sortir en une heure un jeune de 26 ans qui était juste frigorifié, pas blessé du tout, juste coincé dans une des pièces de son appartement.
Quelle est la hantise pendant les opérations de secours ?
Ce n’est pas une hantise, parce que sinon on aurait du mal à travailler correctement. Mais c’est quelque chose qui ne nous quitte jamais. Quand on progresse, on est forcé de se faire de la place et on est forcé de réfléchir à ce qu’on enlève pour être sûr de ne pas mettre en péril ce fragile équilibre dans lequel on progresse. On progresse dans une espèce de Mikado. Et quand on atteint enfin la victime, on a pu y aller parce qu’on s’est contorsionné. Mais il faut la ressortir le plus souvent sur une civière, voire perfusée, avec trois personnes pour arriver à bouger la civière. Donc on va prendre de la place. C’est là qu’il ne faut pas qu’on se loupe, parce qu’on a réussi à faire le plus dur. Et quand on est tout près du but il faut effectivement faire très attention.
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