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Euronews, le 22/09/2015
Le correspondant d’Euronews en Turquie Bora Bayraktar a cherché à comprendre pourquoi les autorités turques n’empêchaient pas les migrants de se rendre en Grèce _
Des flux de migrants dans la carte postale
Behramkale (l’ancienne cité grecque d’Assos) est une petite ville turque située sur la côte égéenne, où Aristote enseigna il y a des milliers d’années. Surplombant l‘île grecque de Lesbos, la ville antique et ses vestiges du Temple d’Athéna, attirent de nombreux touristes.
Sur la côte se dressent à peine une vingtaine d’immeubles, des hôtels et des restaurants pour la plupart.
La nuit tombe et les vacanciers s’accordent un dernier plongeon dans la mer, avant d’aller savourer une assiette de poisson frais au coucher du soleil.
Au début de l‘été, l’arrivée de canots pneumatiques transportant des réfugiés est venu troubler ce décor.
Assos est devenue pour ces candidats à l’exil une porte d’entrée dans l’Union européenne.
Traversée au grand jour
Ces candidats à l’exil voyagent désormais en plein jour.
Renseigné sur l’un de leurs points de départ, je descendis peu après mon arrivée à Behramkale la colline par un sentier, afin de chercher un endroit pour les filmer durant la nuit.
Mais à midi, étonnamment, ils étaient déjà là , quittant la côte en bateau! Pas un ou deux bateaux, mais plus de douze embarcations, mettant les voiles simultanément.
Pourquoi la Turquie n’arrête-t-elle pas les réfugiés ?
Les réfugiés se cachent dans les vergers d’oliviers, non loin des côtes rocheuses, en attendant de pouvoir embarquer. Ils ne sont pas visibles depuis la mer, et il est difficile d’atteindre les champs d’oliviers à pied. Les habitants d’Assos ne s’aventurent pas vers cette zone, ils craignent les gardes des trafiquants d‘êtres humains.
La région étant composée de villages dispersés, la présence de la police est faible. Au quotidien, les officiers locaux gèrent des accidents de la circulation, des vols mineurs… Bien que des forces supplémentaires aient été envoyées dans la région, la principale préoccupation sécuritaire en Turquie est liée aux guérilleros du PKK dans le sud-est du pays.
Les forces de sécurité sont donc concentrées dans cette région.
Le deuxième frein est relatif aux droits des réfugiés. En vertu de la législation turque, les réfugiés enregistrés peuvent voyager librement dans le pays et les autorités n’ont pas le droit de leur dire où aller. Le gouvernement entend réviser cette réglementation, mais selon certains opposants, cela reviendrait à restreindre les droits humains.
Une fois que les migrants sont en mer, les arrêter est difficile et risqué. Les bateaux de réfugiés naviguent en colonnes, partant simultanément de différents points. On peut parfois apercevoir 30-40 embarcations en mer au même moment. Ils se déplacent rapidement, et rien ne les arrête.
Les gardes-côtes disposent de trois bateaux dans la région, qu’ils utilisent pour des affaires de contrebande ou de pollution causée par les navires de passage. Après l’arrivée des migrants, la Turquie a envoyé des bateaux supplémentaires. Si un bateau des gardes-côtes arrête une embarcation de migrants, il faut au moins une heure pour les faire monter à bord et retourner au port. Ensuite, ces personnes sont enregistrées, remises aux autorités locales et expédiées dans un camp de réfugiés. Pendant ce temps, d’autres bateaux parviennent à atteindre la Grèce.
Les officiers turcs doivent être prudents quant ils interceptent des bateaux surchargés, et veiller à ce que l’embarcation ne chavire pas, car de nombreux enfants et/ou personnes à bord ne savent pas nager.
La Turquie n’arrête pas les migrants
Autre problème : les réfugiés n’abandonnent jamais. Si les autorités arrêtent un réfugié, il est libre de ses mouvements une fois enregistré. Ils vont ainsi essayer encore et encore de traverser. La Turquie ne peut pas les arrêter car ils ne possèdent pas de passeports afin que leur identité ne puisse être établie.
Ceux qui disposent de papiers d’identité sont parfois expulsés. Mais il apparaît impossible de contrôler tous ces gens, sans investissements d’envergure dans des installations, une distribution alimentaire et de la logistique… Les autorités ont donc besoin d’argent pour pouvoir prendre soin d’eux. Depuis 2012, la Turquie a dépensé cinq milliards de dollars dans la crise des migrants.
Pourquoi veulent-ils aller en Europe?
Le nombre de réfugiés se dirigeant vers l’Europe a bondi cet été, notamment parce que le prix de la traversée Turquie-Grèce a été divisé par dix en un an, passant d’environ 10 000 dollars par personne à environ 1250 dollars.
Par ailleurs les rumeurs ou certains reportages trompeurs au sujet de la situation des réfugiés en Europe contribuent à propager rapidement l’espoir d’un accueil généreux. Et sur la route du voyage, peu de candidats à l’exil ont un accès fiable à l’information. Ils ne peuvent pas recharger leurs batteries, ou se connecter à Internet. Quand j’ai dit à un réfugié qui se dirigeait vers la Grèce que les frontières étaient fermées en Europe, il a été choqué.
De la frontière sud de la Turquie avec l’Irak et la Syrie, à la côte égéenne, les frontières de la Turquie sont poreuses. A moins de résoudre les problèmes de la Syrie et faire en sorte que ses habitants préfèrent rester chez eux, la situation ne sera peut être jamais maîtrisé de façon satisfaisante; ce point de vue est l’un des plus communément admis. En attendant, des personnes en quête d’un meilleur avenir vont continuer de se noyer, et il y a peu de choses que les autorités turques puissent faire pour y remédier.
Bora Bayraktar depuis Antep, Behramkale, Edirne et Istanbul
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