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Le Petit Journal d’Istanbul, le 07/11/2023
Istanbul
Vivre à Istanbul
par Ihsan Osman Yarsuvat
Chères lectrices, chers lecteurs, vous l’aurez compris, à Istanbul nous vivons à 100 à l’heure. L’actualité et l’application du droit ne cessent de changer. Ainsi, de nouvelles conditions et surprises s’ajoutent à la procédure d’obtention d’un permis de séjour – « ikamet ».
Voici les dernières nouveautés qui troublent aujourd’hui les demandeurs de permis de séjour :
L’interdiction provisoire de la délivrance des permis de séjour touristique
Estimant que la Turquie a accueilli suffisamment d’étrangers sur son territoire, le gouvernement a durci sa politique s’agissant des étrangers en situation irrégulière.
Qu’ils soient en simple violation du visa touristique (plus de 90 jours pour les européens) ou encore sans possession de permis de séjour, les étrangers en situation irrégulière sont désormais interpelés et placés dans des centres de rétention (à Tuzla, à Izmir, à Urfa, etc.) en vue de leur renvoi dans leur pays d’origine (dans les 5 jours, s’ils disposent des moyens de payer le billet de retour).
La leçon à retenir de tout ça, c’est qu’il est à présent « risqué » de vivre en Turquie sans permis de séjour ou encore sans visa touristique valable. Les plus respectueux diront que cela était valable pour tous les pays mais en Turquie nous pouvions, jusqu’ici, vivre des années sans permis de séjour (il existe des sans-papiers qui sont dans cette situation depuis plus de 10 ans). Aujourd’hui la police multiplie les contrôles dans les transports en commun et dans certains quartiers défavorisés (notamment pour interpeller les aides à domiciles sans papier).
Dans le prolongement de cette politique « sélective », la Turquie a provisoirement gelé la délivrance des permis de séjour de type « touristique ». Dès lors, un touriste européen qui souhaite actuellement visiter la Turquie pendant une durée de plus de 90 jours ne peut plus obtenir un permis de séjour. Cette pratique n’est pas légale et les refus de permis de séjour touristiques supérieurs à 90 jours peuvent être contestés devant le juge administratif. Cependant une telle procédure peut durer 3 ans. Aussi, est-il conseillé de se conformer à la décision de refus et de payer le cas échéant l’amende exigée à l’aéroport pour les jours passés sur le territoire au-delà de 90 jours.
L’enregistrement d’une adresse légale en Turquie
Nombreux sont ceux qui pensent qu’obtenir sa carte de séjour est suffisant pour avoir une adresse légale en Turquie. Faux ! Tout étranger qui voit sa demande de permis de séjour approuvée par l’Office des Étrangers doit par la suite (avec un document de confirmation provisoire à télécharger sur le site internet du Ministère de l’intérieur – bouton « Başvurumun Sonucunu Görmek İstiyorum ») se présenter à nouveau à l’Office des Etrangers (« Göç İdaresi ») pour faire enregistrer son adresse sur le registre légal (Etat Civil). Auparavant l’enregistrement de l’adresse légale se faisait à l’Etat Civil (« Nüfus Müdürlüğü »). Ce dernier étant dépassé, c’est l’Office des Étrangers qui est désormais compétent pour les détenteurs de permis de séjour.
Cet enregistrement peut être sollicité :
soit auprès de l’Office des Etrangers qui a délivré son permis de séjour ;
soit auprès de l’Office des Etrangers qui est responsable de son lieu de résidence. Ci-après la compétence territoriale de chaque antenne de l’Office des Etrangers (qui peut cependant changer).
Les demandes étant nombreuses, il est vivement conseillé de s’y rendre dès 9h15 le matin.
L’adresse légale sera enregistrée sur présentation des documents suivants :
original et copie du contrat de bail (dûment rédigé et signé devant le notaire – en turc « düzenleme şeklinde kira sözleşmesi ») ;
copie de l’acte de propriété du bien où vous habitez (à fournir par le bailleur) – TAPU ;
copie de l’assurance tremblement de terre (à fournir par le bailleur) – DASK ;
copie de votre livret de famille (dument traduit, certifié chez le notaire, puis au Consulat de France puis à la Municipalité / Kaymakamlık) ;
copie des passeports ;
copie des cartes de séjour (ou celle des confirmations) ;
une facture – un abonnement eau ou gaz ou électricité. Attention sur ce point, car désormais il n’est plus possible de souscrire un abonnement d’eau, gaz ou électricité sans permis de séjour… Une copie de facture internet devrait en principe permettre d’attester de votre adresse.
L’inscription d’une adresse légale en Turquie est surtout essentielle pour les renouvellements. Lors de la demande de renouvellement du permis de séjour, l’étranger doit apporter une preuve d’enregistrement de son adresse sur le site internet e-devlet (« ikametgah belgesi » – il faut obtenir un code depuis la poste PTT – une fois que vous avez votre première carte de séjour).
Une nouvelle difficulté s’ajoute à cette inscription : en effet, tant que votre logement n’est pas référencé comme vide, il ne peut être inscrit comme votre adresse légale. Imaginons le cas où vous arrivez à Istanbul, vous louez un appartement et vous obtenez un permis de séjour. Lors de votre demande d’inscription, on vous dit qu’une autre personne habite dans ce même appartement. C’est souvent le cas lorsque les anciens locataires n’ont pas changé leur adresse. Dans ce cas vous avez deux possibilités :
joindre cet ancien locataire par le biais de votre bailleur et demander qu’il enregistre sa nouvelle adresse (s’il est gentil) ;
exiger de l’office des étrangers de rédiger un communiqué à l’état civil pour que ce dernier « supprime » l’inscription de l’ancien locataire (cela peut prendre 2 mois).
Il est donc important de travailler avec des vrais et bons agents immobiliers et de rédiger un contrat avec eux en mentionnant le fait « que l’agent certifie que l’adresse est vide et que l’ancien locataire n’y a plus sa résidence ». Pour bien faire, il faudrait ajouter au contrat de bail que le bailleur accepte et s’engage à se présenter chez le notaire avec les locataires afin de signer un contrat en bonne et due forme. Il est important de l’avoir en tête car à l’inverse pour les Turcs, il n’y a pas de condition de forme quant à la validité du contrat de bail.
Le contrat de bail signé devant notaire, une pratique devenue obligatoire en Turquie
Face à ces complications, il est devenu essentiel de se faire accompagner par des professionnels dès votre arrivée en Turquie. Nous estimons qu’il serait impossible pour un nouvel arrivant de connaitre toutes ces subtilités qui au fait ne sont pas légales dans le sens où cette pratique n’est pas prévue en vertu de la loi mais plutôt en vertu des ordonnances voir des « notes » de la part du gouvernement…
Comme d’habitude, patience, flexibilité et courage sont nos mots d’ordre pour être heureux en Turquie.
Ihsan Osman Yarsuvat, Avocat au Barreau d’Istanbul
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