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Le Monde, le
Par Marie Jégo (Istanbul, correspondante)
Le premier ministre irakien a refusé la proposition de la Turquie de prendre part à l’offensive. Washington avait pourtant fait état d’un accord de principe entre Bagdad et Ankara après une réunion avec le président turc.
L’éventualité d’une intervention de la Turquie dans l’offensive des forces irakiennes contre l’organisation Etat islamique (EI) s’éloigne. Le premier ministre irakien Haïder Al-Abadi a annoncé samedi 22 octobre avoir refusé la proposition de la Turquie de prendre part à l’offensive contre l’organisation djihadiste à Mossoul.
« Je sais que les Turcs veulent y participer, nous leur disons merci, mais c’est quelque chose que nous, Irakiens, allons gérer nous-mêmes », a déclaré M. Al-Abadi aux journalistes qui accompagnent le secrétaire à la défense américain, Ashton Carter, à Bagdad.
« Si nous avons besoin d’aide, nous en demanderons à la Turquie ou à d’autres pays de la région. »
M. Carter s’est pourtant rendu samedi 22 octobre à Bagdad pour une visite non annoncée, durant laquelle il devait faire un point sur l’offensive des forces irakiennes contre l’EI à Mossoul, dans le nord du pays. A cette occasion, le chef du Pentagone devait chercher à faciliter un accord entre les gouvernements turc et irakien sur la participation de troupes turques à la bataille de Mossoul. Mais ses efforts semblent vains.
La veille, en visite à Ankara, M. Carter avait déjà tenté de rassurer l’allié turac, impatient de jouer un rôle dans cette offensive malgré les réticences des autorités irakiennes. En revanche, il est resté muet sur les combats entre forces kurdes et rebelles syriens parrainés par Ankara dans le nord de la Syrie, qui risquent d’entraver la guerre contre l’EI.
En Irak, la présence de l’armée turque au nord-est de Mossoul, où près de 3 000 combattants arabes sunnites sont entraînés, irrite Bagdad, qui réclame son départ. « Nous voulons que la Turquie participe aux opérations contre Daech[acronyme arabe de l’EI]. Entre nous des divergences existent, mais sur le principe, nous sommes toujours d’accord. […] La Turquie doit prendre part aux opérations sur Mossoul », a tempéré M. Carter après s’être entretenu avec le président Recep Tayyip Erdogan. Selon l’Américain, « un accord de principe » a été conclu entre Ankara et Bagdad sur le rôle que pourrait jouer l’armée turque en Irak.
Deuxième armée de l’OTAN, la Turquie supporte mal d’être tenue à l’écart des opérations. Le président Erdogan, en défenseur des sunnites, veut  voir reconnaître les villes de Kirkouk et de Mossoul – deux anciennes entités administratives de l’Empire ottoman – comme faisant partie de la zone d’influence turque. Un haut responsable américain a laissé entendre, vendredi, sous couvert d’anonymat, qu’Ankara pourrait jouer un rôle « non directement militaire », centré sur l’aide humanitaire ou la formation militaire. Une option bien en deçà du rêve de reconquête néo-ottomane caressé par le numéro un turc.
Disert sur l’Irak, Ashton Carter est en revanche resté muet sur la Syrie, où l’armée turque a bombardé à dix-huit reprises les positions des milices kurdes syriennes (YPG) dans la région de Marea, au nord-ouest d’Alep, dans la nuit de mercredi 19 à jeudi 20 octobre. Selon Ankara, 200 combattants kurdes ont été tués, onze, selon des sources kurdes.
Les frappes avaient été précédées par des échanges de tirs d’artillerie sur Afrin, le canton kurde du nord-ouest de la Syrie. Considérées comme « terroristes » par la Turquie, les milices kurdes YPG sont soutenues par les Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre l’EI en Syrie. Lorsque l’armée turque s’est engagée dans le nord de la Syrie le 24 août, il s’agissait tout autant de combattre les YPG que l’EI.
M« Situation inquiétante »
Carter a éludé les frappes sur les YPG, tandis que des militaires américains confiaient que les milices kurdes visées à Marea ne faisaient pas partie du contingent entraîné par eux. Ces frappes ont fait monter la tension entre Damas et Ankara. Jeudi, l’armée syrienne a menacé « d’abattre par tous les moyens les avions militaires turcs qui se risqueraient à franchir une fois encore l’espace aérien de la Syrie ». Mais la seule vraie maîtresse du ciel syrien est la Russie. Or Moscou n’a guère réagi aux frappes turques, se contentant d’évoquer « une situation inquiétante ».
Vendredi, au moment même où M. Carter était à Ankara, les combats entre rebelles syriens de l’Armée syrienne libre (ASL), épaulés par l’armée turque, et miliciens kurdes, soutenus par les Etats-Unis, se sont intensifiés, alors que les deux parties sont censées combattre l’EI. Près d’une centaine de roquettes ont visé des positions kurdes. C’est la course à qui prendra Al-Bab, ville stratégique au nord d’Alep. Libérer Al-Bab du joug de l’EI représente, aux yeux des Kurdes, l’assurance d’établir la jonction entre les deux cantons kurdes du nord-est de la Syrie (Kobané et Djézireh) et Afrin. Un scénario catastrophe pour Ankara. Pour les rebelles syriens, la prise d’Al-Bab ouvrirait la voie vers Alep. Enfin, l’armée syrienne, épaulée par l’aviation russe, est au sud de la ville tant convoitée.
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