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TRT Français, le 09/01/2020
Etude
par Öznur Küçüker Sirene
Après la décision de la Turquie d’envoyer des troupes en Libye, les rencontres officielles s’intensifient avec les pays voisins dont notamment la Tunisie et l’Algérie en vue d’établir une coopération étroite dans l’objectif d’instaurer la stabilité dans la région.
Depuis quelques mois, la Libye s’est placée au cÅ“ur de l’actualité internationale avec l’escalade des tensions entre le gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj à Tripoli reconnu par la communauté internationale et les forces de Khalifa Haftar qui tentent de capturer la capitale par tous les moyens.
Après que le Parlement turc a adopté un projet de loi autorisant le gouvernement à envoyer des troupes en Libye suite à la demande d’aide du GNA conformément à un accord militaire entre les deux pays, le monde entier a les yeux rivés sur la Turquie. Les analystes s’interrogent également sur les réactions des pays voisins face à ce développement régional.
Les réactions internationales face à l’intervention militaire de la Turquie en Libye diffèrent en fonction des intérêts des pays qui défendent le GNA ou les forces d’Haftar. Les pays qui soutiennent Haftar, en particulier la France, les Emirats arabes unis et l’Egypte ne voient certainement pas d’un bon Å“il la décision de la Turquie d’intervenir en Libye.
Quant aux pays voisins de la Libye dont notamment la Tunisie et l’Algérie, s’il est normal qu’ils s’inquiètent de l’extension du conflit en dehors des frontières de la Libye avec la multiplication d’acteurs étrangers sur le terrain, une coopération étroite entre la Turquie, la Tunisie et l’Algérie pour la résolution du conflit libyen est désormais à l’ordre du jour après la rencontre des responsables des différentes parties.
Khalifa Haftar peut semer le chaos dans les pays voisins tout comme en Libye
S’il y a un point sur lequel toutes les parties s’accordent, ce sont les méthodes violentes et expéditives de Khalifa Haftar qui a intensifié ses attaques depuis le mois d’avril de l’année dernière lorsqu’il a lancé une offensive pour capturer la capitale, Tripoli, causant la mort de 174 personnes. Malgré cet acte qualifié de « crimes de guerre et crimes contre l’humanité » par le gouvernement libyen, Haftar a poursuivi ses attaques avec l’aide de ses alliés pour s’imposer dans le pays.
Le 5 janvier, l’aviation de la dénommée « Armée nationale libyenne » de Khalifa Haftar a bombardé l’académie militaire de Tripoli, faisant 30 morts et au moins 33 blessés selon le ministère de la Santé relevant du gouvernement d’union nationale.
Khalifa Haftar représente un grand danger pour l’unité et la stabilité de la Libye mais aussi celles des pays voisins dont notamment la Tunisie et l’Algérie. Face à la situation chaotique déclenchée par Haftar, le ministre de l’Intérieur de la Libye, Fathi Bachagha, a ainsi averti ses deux voisins contre l’éventualité de la prise de la capitale libyenne par les forces du maréchal. « Si Tripoli tombe, Tunis et Alger tomberont à leur tour », a-t-il également averti.
Soulignons la grande méfiance de l’Algérie vis-à -vis du maréchal Haftar qui avait déjà menacé le pays par ces mots en septembre 2018 : « Les Algériens ont trouvé une occasion pour entrer en Libye. Lorsque nous avons découvert cela, j’ai envoyé le général Abdelkrim en Algérie pour expliquer que ce qui avait été fait n’était pas fraternel. Nous pouvons transférer la guerre de l’est à l’ouest en peu de temps ».
Des menaces qu’il vient également d’adresser à la Turquie après sa décision d’envoyer des troupes en Libye : « Nous acceptons le défi et déclarons le jihad et la mobilisation générale » tout en exhortant « tous les Libyens à porter les armes », « hommes et femmes, soldats et civils, pour défendre notre terre et notre honneur ».
Une alliance devrait voir le jour entre la Turquie, la Tunisie et l’Algérie pour contrer Haftar
Pour Fathi Bachagha, ministre de l’Intérieur du gouvernement d’union nationale libyen, « pour contourner le projet de Haftar de semer le chaos dans la région, une alliance entre la Tunisie, l’Algérie, la Libye et la Turquie serait la solution ».
Face à la menace que représentent les forces d’Haftar, on peut effectivement clairement observer les efforts diplomatiques de la Turquie pour établir une coopération avec la Tunisie et l’Algérie au sujet du dossier libyen.
Dans cette perspective, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a effectué une visite surprise à Tunis le 26 décembre pour discuter avec son homologue tunisien Kaïs Saïed « des moyens de coopérer pour parvenir à un cessez-le-feu en Libye dans le cadre de la relance du processus politique ». Erdoğan a également souligné que les développements négatifs en Libye ne se limitaient pas à ce pays, mais touchaient aussi les pays voisins, en tête desquels la Tunisie, qui partage une longue frontière avec la Libye.
Les mêmes tentatives de dialogue et de rapprochement stratégique ont également été entreprises avec l’Algérie lors de la rencontre du ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune pour discuter des développements bilatéraux, régionaux et économiques. Après avoir qualifié la Turquie d’« ami » et de « grand Etat » en soulignant que « les relations entre la Turquie et l’Algérie sont très étroites », Tebboune a également invité Erdoğan dans son pays, invitation qui a été plus tard acceptée par le président turc.
Pendant la rencontre fructueuse, le chef turc de la diplomatie a notamment attiré l’attention sur l’importance que revêt la coopération dans les questions régionales, dont notamment le conflit libyen. « Des développements concernant les deux pays voient le jour. Si nous travaillons ensemble, je suis convaincu que nous pourrons instaurer la paix et la stabilité », a-t-il précisé. A la fin de l’entretien, les deux parties ont affirmé « leur volonté de redynamiser les mécanismes de coopération existants et de mettre en place de nouveaux mécanismes favorisant une concertation stratégique de haut niveau ».
Il convient également d’ajouter que le président Erdoğan a appelé la Tunisie, mais aussi le Qatar et l’Algérie à participer à la conférence internationale sur la Libye que doivent organiser à Berlin les Nations unies début 2020. Cet appel met en évidence son souhait de voir la Tunisie et l’Algérie jouer un rôle actif aux côtés de la Turquie dans la résolution du conflit libyen.
En conclusion, si pour l’instant il n’existe aucune annonce officielle concrète sur une prochaine action commune entre la Turquie, l’Algérie et la Tunisie, les rencontres officielles qui se déroulent dans une atmosphère amicale donnent les signaux d’un rapprochement stratégique qui prendra certainement dans les prochains mois la forme d’une coopération étroite entre les trois pays au sujet de la résolution du conflit libyen.
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