Les grandes ambitions de la Turquie dans le domaine de la Défense

RFI, le 02/04/2025

Par : Franck Alexandre

Alors que l’Europe tente de bâtir une nouvelle architecture de sécurité avec le probable recul du parapluie militaire américain, la Turquie se pose en alliée incontournable du bloc européen. Membre de l’Otan, elle est parvenue ces dernières années à faire émerger une armée et une industrie de défense de premier plan. Une influence qui rayonne hors de ses frontières.

Un drone turc lors d’une présentation en Lituanie. AFP – PETRAS MALUKAS

Deuxième force de l’Otan, l’armée turque se classe au neuvième rang des armées les plus puissantes au monde, avec des effectifs de plusieurs centaines de milliers d’hommes réservistes compris. Des troupes aguerries, bien équipées et capables d’être projetées sur des théâtres extérieurs, souligne l’ancien colonel de troupes de marine Peer de Jong. 

« Elle a été engagée à différentes reprises dans les affaires syriennes et la seconde zone de combat où ils se sont battus, c’était en Libye. Ils ont fait le choix de la partie ouest, donc ils ont fait le choix de Tripoli contre Tobrouk et Tobrouk, c’était le maréchal Khalifa Haftar, et Haftar, c’est la Russie. C’est une armée pléthorique, mais qui est opérationnelle. C’est une armée archi-conventionnelle, mais qui a une partie qui est quand même très efficace, modèle forces spéciales, ils travaillent sans arrêt comme cela Â», explique-t-il.

Une puissante industrie de défense

L’armée turque s’appuie sur une puissante industrie de défense nationale. D’ailleurs, certaines de ces entreprises sont devenues célèbres, Baykar pour les drones, Autokar pour les véhicules de combat. Ankara a ainsi exporté ces dernières années plus de 4 000 véhicules blindés vers près de 50 pays. Mais pour vendre ces matériels, la grande force de la Turquie, c’est de proposer des offres « tout inclus Â», comprenant la formation et l’entraînement, mais sans pour autant mobiliser son armée. Pour le service après-vente, la Turquie fait appel à une société militaire privée, la SADAT, qui est devenue incontournable.

Un savant mélange de soft power et de soutien militaire

Pour gagner des parts de marché et étendre son influence, le président Recep Tayyip Erdogan excelle dans la mise en place de partenariats militaires, industriels et diplomatiques. La compagnie aérienne nationale Turkish Airlines entre aussi en jeu. Par exemple, elle a ouvert plus de soixante destinations vers l’Afrique en peu de temps, preuve de grandes ambitions, rappelle Peer de Jong.

« Ils sont sur une vague ascendante. Ils sont très performants dans les ventes d’armes et tout ce qui est blindé. Par exemple la Mauritanie, ils sont équipés avec des engins blindés de transport de troupes qui s’appellent Scorpion qui sont très bons, donc ils ont pas mal de choses à proposer et ils en vendent beaucoup. Ils sont tentés après de faire la formation sur les armes. C’est ce qu’ils ont fait en Libye où ils ont commencé à mentorer des unités. Et puis surtout, la Turquie travaille énormément avec les pays musulmans. La SADAT, c’est vraiment un truc musulman. Et Erdogan, c’est un prolifique comme on dit. L’objectif des Turcs, c’est de récupérer une espèce de zone d’influence qui part de la Turquie, qui passe par le Moyen-Orient et qui revient sur l’Afrique Â», dit-il.

Une influence turque visible en Afrique et peut-être aussi en Europe

Aujourd’hui, la Turquie souhaite aussi exercer son influence en Europe. Alors que Paris et Londres envisagent le déploiement de troupes européennes sur le sol ukrainien pour garantir un éventuel accord de paix, le régime turc a fait savoir qu’il était disposé à rejoindre l’initiative.

Ankara est aussi disposé à demeurer un solide partenaire au sein de l’Otan, en contrepartie, peut-être, d’une inclusion de l’industrie turque de défense dans le programme de réarmement européen. Car en matière de défense, la Turquie n’est plus un poids plume, et elle le fait savoir.

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