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France 24, le 28/11/2017
© Brendan Smialowski, AFP | Les présidents turc et américain, Recep Tayyip Erdogan et Donald Trump, à New York, le 21 septembre 2017.
Texte par FRANCE 24
Afin de garder une influence sur les événements en Syrie et en Irak, la Maison Blanche cherche à gagner les faveurs de la Turquie, quitte à lui donner des gages en cessant d’armer les milices kurdes, qu’elle appuyait contre l’EI jusqu’alors.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan peut se frotter les mains après la confirmation de l’administration américaine de son intention de réduire son aide militaire en faveur de certains mouvements en lutte contre l’organisation État islamique en Syrie et en Irak (EI), désormais en perdition.
« Il nous est possible d’arrêter de fournir du matériel militaire à certains groupes, mais cela ne veut pas dire que nous allons cesser de le faire avec chacun d’eux », a précisé lundi 27 novembre Sarah Sanders, porte-parole de la Maison Blanche.
Il ne fait cependant plus doute quant à l’identité d’au moins un des groupes concernés, puisque selon le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu, le président Donald Trump a assuré la semaine dernière, lors d’un échange téléphonique avec son homologue turc, avoir « donné des instructions très claires en vue de l’arrêt de la livraison d’armes » aux Kurdes syriens des Unités de protection du peuple (YPG).
Les YPG sacrifiés ?
Des « ajustements » de livraisons d’armes à destination de cette milice kurde syrienne, en première ligne contre l’EI, sont effectivement à l’étude, a confirmé de son côté le Pentagone, sans pour autant parler d’un arrêt.
Ankara, qui mène sa propre intervention dans le nord de la Syrie, combattant à la fois l’EI et les YPG, considère cette milice comme une organisation terroriste et comme l’extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), engagé dans une sanglante guérilla contre le pouvoir turc depuis 1984.
Il s’agit donc, après l’échec du projet d’indépendance du Kurdistan irakien, une ligne rouge pour la Turquie, d’une excellente nouvelle pour le président Erdogan. Ce dernier redoutait notamment que les armes livrées par les Américains puissent un jour finir par être utilisées par les Kurdes contre la Turquie.
Bien que cette concession américaine soit aussi majeure que délicate, tant elle risque d’être perçue comme une trahison des Américains qui s’appuyaient sur les YPG pour combattre l’EI en Syrie, Washington a besoin de courtiser son allié turc. Notamment afin de contrer l’influence de Moscou et de Téhéran dans la région, et empêcher Ankara, qui s’est sensiblement rapproché de Moscou, de renforcer la sphère russe. Selon le Washington Post, les Turcs ont récemment acquis un système de missiles russe, le S400. Un achat qui accroît les craintes américaines de voir cet allié, membre de l’Otan, développer ses capacités de nuisances contre l’Alliance.
Présent militairement en Syrie, la Turquie est aussi un pilier du processus de paix, parallèle aux pourparlers de Genève, conduit sous les auspices de la Russie dans la capitale kazakhe Astana.
Et le président Erdogan s’est entretenu, le 22 novembre, avec les alliés de Bachar al-Assad, le président russe Vladimir Poutine et son homologue iranien Hassan Rohani dans la station balnéaire russe de Sotchi pour évoquer les deux processus de paix. Ce qui pourrait expliquer le timing de l’entretien téléphonique de la semaine dernière entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan, selon l’ancien parlementaire turc Aykan Erdemir, cité par l’AFP.
Donner des gages à Ankara
Afin de garder un Å“il et une influence sur les développements en Syrie à un moment charnière des négociations, la Maison Blanche paraît avoir saisi la nécessité d’une bonne entente avec Ankara, quitte à lui donner des gages… aux dépens de ses alliés kurdes. « Nous ne pouvons pas être en Syrie durablement sans les bases et l’espace aérien turc et, dans une certaine mesure, sans le soutien diplomatique turc », a expliqué l’ancien ambassadeur américain James Jeffrey à l’AFP.
Depuis la tentative du coup d’État de juillet 2016 en Turquie, et les purges lancées par le pouvoir, la relation entre les deux pays a souffert de quelques soubresauts. En octobre, Washington et Ankara avaient réduit leurs services de délivrance de visas respectifs, après l’arrestation d’un employé turc à la mission américaine à Istanbul. De même, des membres de la sécurité du président Erdogan ont été inculpés par les autorités américaines à la suite d’affrontements avec des manifestants au cours d’une visite officielle aux États-Unis.
Si le sacrifice du soutien aux YPG kurdes va dans le sens d’un apaisement, il reste cependant à régler une autre source de tensions : Fethullah Gülen. Le leader religieux et politique, qui vit en exil sur le territoire américain depuis 1999, est accusé par le pouvoir turc d’avoir initié la tentative du coup d’État de juillet 2016. Ankara réclame depuis son extradition. En vain, jusqu’ici.
Avec Reuters et AFP
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