Les deux pays se sont brouillés à propos des meetings pro-Erdogan empêchés aux Pays-Bas, et Ankara a pris des mesures concrètes de représailles contre des diplomates néerlandais. L’affaire fait pourtant le jeu des deux pays, en campagne électorale. Notre commentaire
La passe d’armes diplomatique entre la Turquie et les Pays-Bas tourne au vinaigre. Le premier ministre néerlandais Mark Rutte n’a pas réussi à désamorcer la crise, au contraire. Rien ne semble freiner la fureur du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui a pris, lundi soir, des mesures de représailles pour punir le gouvernement néerlandais: refus du retour de l’ambassadeur Kees Cornelis van Rij, suspension des relations au plus haut niveau et interdiction de l’espace aérien turc aux diplomates néerlandais. Les deux alliés au sein de l’Alliance atlantique (OTAN) n’ont jamais été aussi désunis. Pourtant, malgré les apparences, la dispute fait le jeu de Mark Rutte et de Recep Tayyip Erdogan.
En musclant ses critiques contre les Pays-Bas, Recep Tayyip Erdogan se profile comme le meilleur défenseur des Turcs. Il joue à fond la carte nationaliste qui lui a si bien réussi jusqu’à présent. En envenimant la confrontation, il donne corps à ses ennemis, l’ensemble des capitales européennes, qui semblent menacer la Turquie pour de vrai. Et face aux périls, tous les Turcs sont unis. Quant à l’opposition politique, elle fait désormais front commun avec le pouvoir. Alors qu’il peinait à convaincre de la nécessité d’une réforme de la Constitution pour renforcer les pouvoirs présidentiels, l’actuelle crise diplomatique a fait taire toutes les critiques et a consolidé sa popularité.
Lors du premier débat télévisé, hier lundi, entre le leader populiste Geert Wilders et Mark Rutte, ce dernier s’est montré ferme et responsable. Geert Wilders a certes essayé d’instrumentaliser l’affaire turque en demandant plus de détermination face à la Turquie, mais il n’a pas convaincu sur ce sujet. Car Mark Rutte joue sur deux tableaux: il est respectable contrairement au populiste Wilders, mais il veut aussi apparaître comme un homme fort. Recep Tayyip Erdogan lui a donné l’occasion de mener bataille et d’en sortir sans avoir rien concédé.
Le président turc reste cependant maître du calendrier: c’est lui qui a sciemment créé les conditions de la confrontation. La Turquie excelle dans l’art de la diplomatie, et son président n’ignorait pas que ses provocations à quelques jours des élections législatives ne manqueraient de provoquer un séisme. C’est lui encore qui, en distillant ses menaces et ses mesures de rétorsion, garde la main.