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Le Monde avec AFP, le 24/09/2023
Haut-Karabakh : l’Azerbaïdjan annonce procéder avec la Russie à une « démilitarisation » des forces de la région
« Nous avons déjà saisi des armes et des munitions », a fait savoir un porte-parole de l’armée azerbaïdjanaise. De son côté, l’Arménie a réclamé samedi à la tribune des Nations unies l’envoi « immédiat » d’une « mission » de l’ONU pour surveiller la situation sur le terrain.
L’Azerbaïdjan a annoncé, samedi 23 septembre, procéder à une « démilitarisation » des forces du Haut-Karabakh, une région sécessionniste en majorité peuplée d’Arméniens où les forces azerbaïdjanaises ont remporté une victoire éclair en début de semaine.
« En coopération avec les soldats de maintien de la paix russes, nous procédons à la démilitarisation » des troupes séparatistes et apportons « un soutien aux civils », a déclaré devant la presse, Anar Eyvazov, porte-parole de l’armée azerbaïdjanaise, à Choucha, une ville du Haut-Karabakh contrôlée par Bakou.
« Nous avons déjà saisi des armes et des munitions », a-t-il ajouté. Des centaines d’armes légères ainsi que des chars marqués d’une croix blanche pris aux séparatistes ont été montrés à cette occasion aux journalistes. Dans la cour où l’arsenal militaire est exposé est écrit en grandes lettres noires : « Le Karabakh est azerbaïdjanais. » Le processus de désarmement « peut prendre du temps », car certains séparatistes étaient basés dans des zones montagneuses reculées, a poursuivi M. Eyvazov. « La priorité est le déminage et la démilitarisation », a-t-il martelé.
Un contingent de paix russe présent sur place
A l’un des accès à Choucha, une journaliste de l’Agence France-Presse (AFP) a vu un char et, plus généralement, une forte présence militaire. Des mortiers sont en outre positionnés sur une colline proche, orientés vers Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh que, affirment les séparatistes, les troupes azerbaïdjanaises encerclent, a-t-elle aussi constaté.
Six blindés, plus de 800 armes légères et environ 5 000 munitions ont pour l’instant été rendus « conformément aux accords de cessation des hostilités », avait expliqué vendredi Mosou alors qu’un contingent de la paix russe est présent dans ce territoire où un cessez-le-feu a été conclu mercredi au lendemain du déclenchement de l’assaut azerbaïdjanais.
Les pourparlers des autorités du Haut-Karabakh avec la partie azerbaïdjanaise, entamés jeudi « sous les auspices » de la force d’interposition russe, doivent permettre d’« organiser le processus de retrait des troupes et assurer le retour dans leurs foyers des citoyens déplacés par l’agression militaire », ont fait savoir les séparatistes.
« Citoyens égaux »
L’Azerbaïdjan a par ailleurs promis à la tribune de l’ONU samedi de traiter les Arméniens en « citoyens égaux » aux Azerbaïdjanais. « La Constitution, la législation nationale d’Azerbaïdjan et les engagements internationaux que nous avons pris sont une base solide pour cet objectif », a déclaré le ministre des affaires étrangères, Djeyhoun Baïramov, devant l’Assemblée générale des Nations unies.
Mais l’Arménie a réclamé, samedi, à la tribune des Nations l’envoi « immédiat » d’une « mission » de surveillance de l’ONU. « La communauté internationale devrait faire tous les efforts pour le déploiement immédiat d’une mission interagences de l’ONU dans le Haut-Karabakh dans le but de surveiller et d’évaluer les droits humains et la situation humanitaire et sécuritaire sur le terrain », a déclaré le ministre des affaires étrangères arménien, Ararat Mirzoyan, répétant les accusations de « nettoyage ethnique » dans la région sécessionniste.
« Hélas, nous n’avons pas un partenaire pour la paix mais un pays qui déclare ouvertement que “la raison du plus fort est la meilleure” et qui utilise la force constamment pour perturber le processus de paix », a-t-il ajouté, estimant que le calendrier de l’offensive éclair lancée en début de semaine par l’Azerbaïdjan n’était pas « accidentel », en pleine Assemblée générale de l’ONU. « Le message est clair : vous pouvez parler de paix et nous pouvons partir en guerre, et vous ne pourrez rien changer », a souligné le ministre.
Premier convoi d’aide humanitaire du CICR
L’Azerbaïdjan a lancé en début de semaine une opération dans la région sécessionniste, remportant une victoire éclair. Cette enclave montagneuse, qui avait été rattachée en 1921 par le pouvoir soviétique au territoire azerbaïdjanais, avait été par le passé le théâtre de deux guerres entre les anciennes républiques soviétiques que sont l’Azerbaïdjan et l’Arménie : l’une de 1988 à 1994 (30 000 morts) et l’autre à l’automne 2020 (6 500 morts). « Nous continuons à croire qu’il y a une occasion historique pour l’Azerbaïdjan et l’Arménie d’établir des relations de bon voisinage et de coexister côte à côte en paix », a déclaré M. Baïramov.
Un premier convoi de la Croix-Rouge internationale est entré samedi dans le Haut-Karabakh. « Le CICR est passé par le corridor de Latchine pour apporter à la population 70 tonnes d’aide humanitaire principalement », a déclaré une responsable de la Croix-Rouge internationale, rencontrée par l’AFP au poste de contrôle arménien de Kornidzor, au passage du convoi. L’Arménie accuse Bakou depuis la fin de 2022 de bloquer cette unique route qui la relie au Haut-Karabakh et d’y provoquer ainsi d’importantes pénuries.
L’opération militaire azerbaïdjanaise a fait au moins 200 morts et 400 blessés, d’après les séparatistes arméniens. Et la victoire remportée par Bakou nourrit les craintes d’un départ de nombre des 120 000 habitants du Haut-Karabakh. Samedi, l’Azerbaïdjan a ainsi assuré que des Arméniens habitant l’enclave avaient mis le feu à leurs maisons. « Les résidents arméniens incendient en masse des maisons à Aghdara », a affirmé le ministère de la défense azerbaïdjanais sur X (anciennement Twitter), publiant des images aériennes en basse résolution semblant montrer des maisons incendiées.
La ville d’Aghdara (Martakert en arménien), située à 60 kilomètres de la capitale du Haut-Karabakh, Stepanakert, était restée sous contrôle des séparatistes arméniens jusqu’à ce que l’offensive éclair de l’Azerbaïdjan de cette semaine oblige les rebelles à accepter un cessez-le-feu et un désarmement. Aucun commentaire n’a pu être obtenu dans un premier temps de la part des responsables arméniens et séparatistes. Certains villageois avaient incendié leurs maisons avant de fuir vers l’Arménie quand l’Azerbaïdjan avait pris le contrôle d’une grande partie du Haut-Karabakh lors de la guerre de 2020.
Le premier ministre arménien contesté
Accusé de passivité face à l’Azerbaïdjan, le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a reconnu vendredi que « la situation » restait « tendue » dans le Haut-Karabakh. Mais « il y a un espoir de dynamique positive », a-t-il ajouté, notant que le cessez-le-feu était « globalement » respecté. Un soldat azerbaïdjanais a toutefois été blessé samedi lors d’une violation dudit cessez-le-feu, a annoncé le contingent russe de maintien de la paix déployé dans cette enclave. Lors d’un appel téléphonique avec le premier ministre arménien, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a « exprimé la profonde inquiétude des Etats-Unis pour la population arménienne du Haut-Karabakh », selon le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller.
A Erevan, des personnes hostiles à M. Pachinian manifestent tous les jours pour protester contre la gestion de la crise par l’exécutif. Plusieurs dirigeants de l’opposition ont de leur côté fait connaître leur intention d’ouvrir au Parlement une procédure de destitution à l’encontre du chef du gouvernement. Selon la police arménienne, dix-neuf « contestataires » ont encore été arrêtés samedi – contre 98 manifestants la veille –, tandis que M. Pachinian appelle au calme et à emprunter « le chemin » de la paix, bien que ce ne soit « pas facile ».
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